L’Eglise : signe de contradiction ?
Il y a déjà un
quart de siècle… le BEM avait un
grand retentissement. Si quelques voix faisaient
entendre un « non possumus », la
plupart des Eglises établies reconnaissaient
qu’il y avait dans ce document de Foi
et Constitution l’expression d’un
large consensus ou du moins de quoi interpeller
leurs discours et leurs pratiques du baptême,
de l’eucharistie et du ministère.
Voici près de dix ans, la même
commission Foi et Constitution, ayant entendu
certaines critiques concernant les insuffisances
ecclésiologiques du BEM se lançait
dans la rédaction d’un nouveau
document, dont une seconde mouture intitulée
Nature et Mission de l’Eglise est à
présent soumise à la réception
de toutes les confessions chrétiennes.
Force est de reconnaître que ce nouveau
texte est loin d’avoir suscité
le même écho que le BEM.
Il est vrai que le contexte n’est plus
le même. Les plus militants, déçus
que leurs espérances ne se soient pas
concrétisées alors que l’unité
leur semblait à portée de main,
portent un regard désabusé sur
l’abondante littérature des dialogue
œcuméniques ; les autres n’ont
souvent plus les connaissances suffisances pour
en apprécier le contenu et surtout ne
se sentent guère concernés par
un texte qui à leurs yeux parle d’une
de ces institutions aujourd’hui largement
suspectées et de pratiques contraignantes,
dont ils ne perçoivent plus le sens !
Et pourtant, l’Eglise intéresse
! D’un côté la presse catholique,
après s’être enthousiasmée
pour la visite du patriarche Alexis II, vient
de rêver d’une unité prochaine
entre catholiques et orthodoxes à la
suite de la publication du document de Ravenne.
D’autres sensibilités réfléchissent
sur de nouvelles formes d’Eglises, sur
l’Eglise émergente : dans un livre
à succès Pete Ward parle ainsi
d’ « Eglise liquide » et annonce
le passage du « rassemblement des croyants
en un endroit et un moment donné à
une Eglise conçue comme un ensemble de
relations et de communications ». Bref,
après l’Eglise solide, héritant
des cadres du passé, l’Eglise fluide
de l’interconnexion de réseaux
pour rejoindre les hommes et femmes de ce temps
là où ils sont disponibles ! Au
sein même de l’Eglise d’Angleterre,
le rapport Une Eglise pour la Mission (Mission
shaped Church) ne va-t-il pas dans ce sens en
invitant à tourner la page des paroisses
?
Au cœur de ces débats, on le voit
bien, deux questions : qu’est-ce que l’Eglise
? Comment la communauté des croyants
est-elle au service de l’annonce du Royaume
? Mais aussi : comment articuler ces groupes
informels de chrétiens touchés
par la personne et le message de Jésus,
qui aiment à se retrouver par affinités,
avec les institutions qui au travers des siècles
nous ont transmis sa Bonne Nouvelle ? Et finalement,
comment faire vivre, agir et décider
ensemble tous ceux qui se réclament du
Christ pour qu’ils constituent vraiment
un « peuple convoqué », témoin
dans notre monde fracturé que l’humanité
est appelée à être autre
chose qu’une juxtaposition d’individus
ou de petits groupes ?
Au lendemain de ce véritable événement
que fut le Forum chrétien mondial, où
pour la première fois catholiques, orthodoxes,
anglicans, protestants « classiques »,
évangéliques et pentecôtistes
se trouvaient réunis, la question de
l’unité des chrétiens porteurs
de différentes conceptions de l’Eglise
est plus que jamais d’actualité.
Puisse le nouveau document de Foi et Constitution
que nous vous présentons aujourd’hui
nous aider à en mesurer tous les enjeux
!
P. Michel Mallèvre
BEM : Le texte
"Baptême, Eucharistie, Ministère.
Convergence de la foi", en abrégé
BEM, est un document publié
en 1982 par la commission Foi et Constitution,
qui est l'instance de dialogue théologique
du Conseil Oecuménique des Eglises.
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