Jean-Paul II, en ces domaines, n'a que deux prédécesseurs
: Léon XIII qui a composé quelques
" chants " poétiques et Pie II
mais qui appartient au XVème siècle.
L'oeuvre de Jean-Paul II, ou à vrai dire
de Karol Wojtyla est plus riche et plus dense.
Elle s'échelonne de 1939 à 1978
surtout, éditée sous un pseudonyme
dont le plus utilisé est celui d'Andrzej
Jawien. Il a aussi signé Stanislaw Andrzej
Gruda et Piotr Jasien. Son écriture poétique
rejoint sa vocation sacerdotale.
Sur la pierre blanche de Ta tombe
Fleurissent les fleurs blanches de la vie.
Tant d'années déjà sans Toi,
Et quelles années ?
Sur la pierre blanche de Ta tombe
Refermée depuis tant d'années,
a surgi comme une ombre,
Celle de la mort incompréhensible.
Sur la pierre blanche de Ta tombe,
Ma mère, Amour disparu,
En signe de tendresse filiale
Cette simple prière : Repose éternellement
en paix !
La pensée est un espace étrange
- 1952
Il arrive, dans la conversation,
de voir la vérité en face et de manquer
de mots,
de ne trouver ni geste, ni signe.
Nous le sentons alors :
nul mot, nul geste, nul signe
ne pourraient l'appréhender tout en image.
Nous devons la pénétrer,
la combattre comme Jacob.
Il ne s'agit pas de la seul lutte avec l'image
que pressent notre pensée
ni même avec la représentation
de ce qui constitue l'homme intérieur.
Nos actes eux-mêmes sauront-ils
saisir
les ultimes vérités qu'entrevoit l'âme
?
Traductions de Pierre Emmanuel et
de Jean Offredo.
Editions Cana - Paris.
dans " Profils
du Cyrénéen " - 1958
Combien furent-ils à grandir
autour de moi,
à travers moi, à partir de moi ?
Je suis devenu le lit d'un torrent
appelé homme.
Cette foule d'autres,
suis-je resté le même
après son passage en moi ?
Devenu chacun mais imparfaitement,
toujours bien trop près de moi-même.
Celui qui en moi est resté de
moi
peut-il se regarder sans crainte ?
A un frère évêque
venu d'Afrique.
1962, durant le Concile Vatican II
Mon frère, te voici,
je sens cette terre immense
où les fleuves se perdent soudain,
où le soleil brûle le corps
comme le haut fourneau à houille.
Ta pensée, je la perçois
comme la mienne ;
si leur chemin diffère,
leur balance est la même
où peser vérité et erreur.
Joie de peser ces pensées dans
la même balance.
Elles brillent différemment dans tes yeux et
les miens.
Mais leur substance est une.
Traductions de Pierre Emmanuel et
de Jean Offredo.
Editions Cana - Paris.
dans " Méditation
sur la mort " - 1975
Je vais sur le trottoir étroit
de cette terre ;
les autos roulent,
les fusées cosmiques s'élancent...
Partout le même mouvement centrifuge.
L'homme...
fragment du monde est mû autrement...
ce mouvement
n'atteint pas au noyau d'immortalité,
ne libère pas la mort.
L'homme ...
fragment du monde est mû autrement ...
Je vais sur le trottoir étroit
de cette terre,
sans jamais me détourner de Ta face,
que le monde ne me dévoile jamais.
dans " Quand je pense Patrie ".
- 1979
Quand j'entends autour de moi diverses
langues,
je sens croître les générations.
Chacun apporte un trésor de leur terre,
choses anciennes et choses nouvelles.
La terre devient un chenal de lumières
qui brillent profond dans les hommes,
les mêmes fleuves coulent d'un flot
toujours le même, toujours nouveau.
Le torrent du langage autour de la terre
charrie l'histoire en crue.
Les eaux des fleuves coulent vers le
bas,
le torrent du langage monte vers la cime.
La cime, c'est tout homme qui pousse
de terre,
tout homme est le sommet.
Le sommet se dresse
à la fois au-dessus de chacun et de tous,
se dresse toujours plus escarpé,
s'enfonce toujours plus dans les consciences.
Traductions de Pierre Emmanuel et
de Jean Offredo.
Editions Cana - Paris.
dans " Quand
je pense Patrie. " - 1979
Il ne nous faut pas perdre des yeux
cette transparence qui accompagne tout ce qui nous vient,
égarés dans la tour incommensurable
où l'homme sait, malgré tout,
vers quoi il se dirige.
Seul l'amour équilibre le destin.
Il ne nous faut pas étendre les
dimensions de l'ombre.
Que la lumière frappe les coeurs,
qu'elle illumine les ténèbres des âges.
Qu'un torrent de force pénètre
la faiblesse.
A la faiblesse, nous ne saurions nous résigner.
Traductions de Pierre Emmanuel et
de Jean Offredo.
Editions Cana - Paris.