Très chers frères et surs
de l'Eglise grecque-catholique de Roumanie!
1. En ce temps pascal de ce Jubilé de l'An 2000,
nous célébrons le troisième centenaire
de l'union de votre Eglise avec l'Eglise de Rome. L'Année
jubilaire est une année de grâce au cours
de laquelle toute l'Eglise rappelle que notre Seigneur
Jésus-Christ, il y a deux mille ans, s'est fait
homme dans le sein de la Très Sainte Vierge.
Dans la joyeuse évocation de cet événement
admirable, la communauté chrétienne reprend
courage pour annoncer au monde avec une nouvelle ardeur
la joyeuse nouvelle du salut.
Verbum caro factum est: tel est le motif de notre reconnaissance
éternelle, telle est la grâce rappelée
et célébrée de façon spéciale
au cours du Jubilé. En nous plaçant dans
cette perspective, nous pouvons voir avec les yeux de
l'espérance toute l'histoire de l'humanité.
Le souvenir et la présence
2. C'est dans ce cadre que s'inscrivent avec une importance
particulière également les trois cents
ans d'existence de l'Eglise grecque-catholique de Roumanie.
Il y a exactement un an, nous avons prié ensemble
dans votre chère patrie. Au cours de la divine
liturgie célébrée avec vous dans
la cathédrale Saint-Joseph de Bucarest, j'affirmai
que "je considère comme providentiel et
important que les célébrations du troisième
centenaire coïncident avec le grand Jubilé
de l'An 2000" (Homélie, n. 3, 8 mai 1999,
cf. ORLF n. 20 du 18 mai 1999).
La possibilité d'être parmi vous, en mai
l'an dernier, fut pour moi un don particulier du Seigneur,
qui m'a permis de revivre en quelque sorte, avec vous,
l'expérience de ces disciples qui "faisaient
route": c'est d'eux que "Jésus en personne
s'approcha", expliquant "dans toutes les Ecritures
ce qui le concernait" (Lc 24, 13-15. 27). Illuminés
par les paroles du Christ, nous pûmes contempler
ensemble sa présence qui se reflète sur
le visage de votre Eglise. Puis Il nous nourrit de son
Corps et de son Sang et nos curs étaient
tout brûlants au-dedans de nous (cf. Lc 24, 32).
3. Depuis lors, j'ai gardé en mémoire
la beauté de votre terre et la foi qui habite
votre peuple. Le rappel de cette rencontre s'est fait
encore plus vif lors du temps pascal de cette année,
au cours duquel est également célébré
le troisième centenaire de l'union de votre Eglise
avec l'Eglise de Rome. Mon cur désirait
s'unir à vous en ce chant joyeux - Hristos a
înviat! (Le Christ est ressuscité!) - qui,
à l'occasion de ma visite, me remplit d'émotion,
laissant en moi un profond écho. Une telle annonce
va bien au-delà des paroles: elle est chargée
de la force victorieuse du Ressuscité, qui chemine
avec son Eglise dans l'histoire. C'est dans la lumière
de cette présence que je m'adresse à vous,
qui célébrez dans la joie le troisième
centenaire de l'union.
L'histoire et l'unité
4. C'est du mystère de l'Incarnation que le
mystère de l'unité tire son origine. Les
Ecritures affirment, en effet, que la volonté
du Père est de "ramener toutes choses sous
un seul Chef, le Christ" (Ep 1, 10). C'est dans
la réalisation de ce mystère que se déroule
la mission de l'Eglise, dont le devoir est de réaliser
progressivement l'unité avec Dieu et entre les
hommes: "L'Eglise étant, dans le Christ,
en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à
la fois le signe et le moyen de l'union intime avec
Dieu et de l'unité de tout le genre humain"
(Lumen gentium, n. 1). Dans l'Eglise naissent l'unité
et la paix: c'est de cette façon que l'histoire
des hommes peut devenir une histoire d'unité.
Le mystère de l'unité marque de façon
particulière le peuple roumain. Nous savons,
et nous le rappelons ici avec une profonde vénération,
que le Christ ressuscité, à travers la
prédication apostolique, s'est uni au chemin
historique de votre peuple déjà à
l'époque paléochrétienne et lui
a confié un engagement particulier dans le service
précieux de l'unité. Les noms de l'apôtre
André, frère de Pierre, de Nicétas
de Remesiana, de Jean Cassien, de Denis le Petit sont,
à cet égard, emblématiques. La
Divine Providence a voulu que, au temps où la
Sainte Eglise n'avait pas encore ressenti en son sein
la grande division, vous ayez recueilli, avec l'héritage
de Rome, également celui de Byzance.
5. En effet, les Roumains demeurant un peuple latin,
se sont ouverts pour recueillir les trésors de
la foi et de la culture byzantine. En dépit de
la blessure de la division, cet héritage demeure
partagé par l'Eglise grecque-catholique et par
l'Eglise orthodoxe de Roumanie. C'est ici que réside
la clé d'interprétation de l'histoire
de votre Eglise. Celle-ci s'est déroulée
parmi les tensions dramatiques qui sont apparues entre
l'Orient et l'Occident chrétien. Depuis toujours
dans le cur des fils et des filles de cette antique
Eglise, vibre avec force la passion pour l'unité
voulue par le Christ. J'en ai été moi-même
le témoin ému l'an dernier.
Ce désir d'unité fut vécu de façon
particulière par l'Eglise roumaine en Transylvanie,
en particulier après la tragédie de la
division entre les chrétiens d'Orient et ceux
d'Occident. Sur cette terre, de nombreux peuples - roumains,
hongrois, arméniens et saxons - vécurent
ensemble une histoire commune, parfois difficile, qui
a laissé ses traces dans la configuration humaine
et religieuse des habitants. Malheureusement, l'unité
qui caractérisa l'Eglise des premiers siècles
ne fut jamais atteinte et votre histoire également
fut marquée avec une intensité croissante
par la division et par les larmes.
Dans ce contexte resplendissent, telles des lumières
d'espérance, les efforts de ceux qui, ne se résignant
pas à la blessure de la division, cherchèrent
à la guérir. En Transylvanie, le désir
de rétablir la communion parfaite avec le Siège
apostolique du Successeur de Pierre a jailli dans le
cur des chrétiens roumains et de leurs
Pasteurs en particulier aux XVI et XVII siècles.
Ces disciples du Christ, mûs par l'aspiration
ardente à la réforme de l'Eglise et de
son unité, et ressentant au plus profond de leur
cur un lien antique avec l'Eglise et la Ville
du martyre et du tombeau des bienheureux apôtres
Pierre et Paul, suscitèrent un mouvement qui,
pas à pas, arriva à atteindre la pleine
union avec Rome. Parmi les étapes décisives,
il faut rappeler les Synodes qui se sont tenus à
Alba Julia en 1697 et 1698, qui se prononcèrent
en faveur de l'union: décidée officiellement
le 7 octobre 1698, celle-ci fut ratifiée solennellement
au cours du Synode du 7 mai 1700.
6. Grâce à l'uvre d'illustres Evêques
comme Athanase Anghel ( 1713), Jean Innocent Micu-Klein
( 1768) et Pierre Paul Aron ( 1764) et d'autres
prélats, prêtres et laïcs de grand
mérite, l'Eglise grecque-catholique de Roumanie
renforça son identité et connut en peu
de temps un développement important. Compte-tenu
de cela, mon vénéré prédécesseur
Pie IX, par la Bulle Ecclesiam Christi du 16 novembre
1853, voulut ériger le siège métropolitain
de Fagaras et Alba Julia pour les Roumains unis.
Comment ne pas reconnaître les précieux
services rendus par l'Eglise grecque-catholique à
tout le peuple roumain de Transylvanie? Celle-ci a offert
une contribution décisive à sa croissance,
représentée de façon emblématique
par les "coryphées" de l'Ecole transylvanienne
de Blaj, mais également à travers de nombreux
personnages - ecclésiastiques et laïcs -
qui ont laissé une marque indélébile
également dans la vie ecclésiale culturelle
et sociale des Roumains. Votre Eglise a eu en particulier
l'insigne mérite d'avoir été un
intermédiaire entre l'Orient et Occident, adoptant
d'une part les valeurs promues en Transylvanie par le
Saint-Siège; et, d'autre part, en communiquant
à tous les catholiques les valeurs de l'Orient
chrétien, qui à cause de la division existante,
étaient peu connues. L'Eglise grecque-catholique
devint donc un témoignage éloquent de
l'unité de toute l'Eglise, montrant qu'elle incluait
en elle les valeurs des institutions, des rites liturgiques
et des traditions ecclésiastiques, remontant,
par des voies différentes, à la tradition
apostolique elle-même (cf. Orientalium Ecclesiarum,
n. 1).
Témoins et martyrs de l'unité
7. Le chemin de l'Eglise grecque-catholique de Roumanie
ne fut jamais facile, comme le démontre son histoire.
Elle dut apporter, au cours des siècles, un douloureux
et difficile témoignage de fidélité
à l'exigence évangélique de l'unité.
Elle est devenue ainsi de façon particulière
l'Eglise des témoins de l'unité, de la
vérité et de l'amour. En dépit
des nombreuses difficultés rencontrées,
l'Eglise grecque-catholique de Roumanie, face à
tout l'kumène chrétien, est apparue
toujours plus comme un témoin particulier de
la valeur incontournable de l'unité ecclésiale.
Mais c'est surtout dans la seconde partie du vingtième
siècle, à l'époque du totalitarisme
communiste, que votre Eglise a dû subir une épreuve
très dure, ce qui lui a valu le titre d'"Eglise
des confesseurs et des martyrs". C'est alors que
s'est manifestée avec une plus grande évidence
la lutte entre le mysterium iniquitatis (2 Ts 2, 7)
et le mysterium pietatis (1 Tm 3, 16), à l'uvre
dans le monde. Et c'est également depuis lors
que la gloire du martyre resplendit avec une plus grande
clarté sur le visage de votre Eglise comme une
lumière qui se reflète dans la conscience
des chrétiens du monde entier, suscitant leur
admiration et leur gratitude.
8. Poussé par cette conscience, j'ai profité
de chaque occasion pour prendre de vos nouvelles, très
chers frères et surs, et je désire
à présent vous faire parvenir une expression
supplémentaire de ma solidarité et de
mon soutien. Lorsque, l'an dernier, au cours du pèlerinage
sur votre terre, il m'a été donné
de prier avec vous dans le cimetière catholique
de Bucarest, je l'ai fait en portant dans mon cur
toute l'Eglise du Christ, et, avec toute l'Eglise du
Christ, je me suis agenouillé en silence sur
les tombes de vos martyrs. Nous ne connaissons pas même
le lieu de sépulture d'un grand nombre d'entre
eux, car leurs persécuteurs les ont privés
également de ce dernier signe d'hommage et de
respect. Mais leurs noms sont inscrits dans le Livre
des vivants et chacun d'eux a reçu "un caillou
blanc, un caillou portant gravé un nouveau nom
que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit"
(Ap 2, 17). Le sang de ces martyrs est un ferment de
vie évangélique qui agit non seulement
sur votre terre, mais aussi dans tant d'autres parties
du monde.
Dans cette "foule immense" (Ap 7, 9), vêtue
de blanc (cf. Ap 7, 13), des martyrs et des confesseurs
de votre Eglise "qui viennent de la grande épreuve:
ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies
dans le sang de l'Agneau" (Ap 7, 14) et qui "sont
devant le trône de Dieu" (Ap 7, 15), resplendissent
les noms illustres d'Evêques comme Vasile Aftenie,
Ioan Balan, Valeriu Traian Frentiu, Ioan Suciu, Tit
Liviu Chinezu, Alexandru Rusu et celui du Cardinal Iuliu
Hossu. Ceux-ci, comme les personnes en prière
qui "le servent jour et nuit dans son temple"
(Ap 7, 15), intercèdent avec les autres martyrs
et confesseurs pour leur peuple, jouissant de la part
de celui-ci d'une véritable et profonde vénération.
Que le témoignage du martyre et la profession
de foi dans le Christ et dans l'unité de son
Eglise s'élèvent comme l'encens du sacrifice
des vêpres (cf. Ps 141, 2) vers le trône
de Dieu au nom de toute l'Eglise, dont ils jouissent
de toute l'estime et de la dévotion!
Revisiter le passé: la purification
de la mémoire
9. La splendeur du témoignage de foi et le service
généreux à l'unité doivent
toujours être accompagnés, dans l'Eglise,
de l'engagement inlassable à la vérité,
dans lequel se purifie et se con-solide le dynamisme
de l'espérance. Tel est le climat du Jubilé
de l'An 2000, à l'occasion duquel toute l'Eglise
ressent le devoir de réexaminer son passé
pour reconnaître les incohérences dont
ont souffert ses fils en ce qui concerne l'enseignement
évangélique et pouvoir ainsi marcher le
visage purifié vers l'avenir voulu par Dieu.
Les difficultés actuelles que votre Eglise rencontre
dans sa reprise après sa suppression, ainsi que
les ressources humaines et matérielles limitées
qui en freinent l'élan, pourraient décourager
les esprits. Mais le chrétien sait que plus les
obstacles auxquels il doit se mesurer sont grands, plus
il peut compter avec confiance sur l'aide de Dieu, qui
lui est proche et qui marche avec lui. Cela est rappelé
également dans votre très beau chant "Cu
noi este Dumnezeu", si riche de signification et
si profondément gravé dans la mémoire
de votre peuple.
Au cours de ce Jubilé, votre Eglise, avec l'Eglise
universelle, a le devoir de retourner à son passé
et surtout à la période des persécutions,
pour mettre à jour son "martyrologe".
Il s'agit d'un devoir difficile à cause du manque
de sources et du temps écoulé, un temps
trop bref pour la maturation d'un jugement au recul
suffisant, mais également assez long pour exposer
à de regrettables oublis. Heureusement, de nombreux
témoins du passé récent vivent
encore. Il est donc important d'accomplir les efforts
nécessaires pour enrichir la documentation en
ce qui concerne les événements vécus,
afin de permettre aux générations à
venir de connaître leur histoire, évaluée
de façon critique et donc digne de foi. Dans
cette perspective, il sera utile que le témoignage
et le martyre offerts par votre Eglise soient examinés
dans le cadre plus vaste des souffrances et des persécutions
subies par les chrétiens au cours du XX siècle.
Dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente,
j'ai fait une allusion précise aux martyrs de
notre siècle, "souvent inconnus, ils sont
comme des "soldats inconnus" de la grande
cause de Dieu" (n. 37) et j'ai affirmé qu'"au
terme du deuxième millénaire, l'Eglise
est devenue à nouveau une Eglise de martyrs [...]
le témoignage rendu au Christ jusqu'au sang est
devenu un patrimoine commun aux catholiques, aux orthodoxes,
aux anglicans et aux protestants [...] C'est là
un témoignage à ne pas oublier" (ibid.).
Dans la foi et dans le martyre de ces chrétiens,
l'unité de l'Eglise apparaît sous une lumière
nouvelle. Leur sang, versé pour le Christ et
avec le Christ, est une base certaine sur laquelle fonder
la recherche de l'unité de tout l'kumène
chrétien.
A Bucarest, j'ai mis en évidence le fait qu'en
Roumanie également, vous avez souffert ensemble:
"Le régime communiste supprima l'Eglise
de rite byzantin-roumain unie à Rome, et persécuta
évêques et prêtres, religieux, religieuses
et laïcs, dont un grand nombre payèrent
par le sang leur fidélité au Christ [...]
Je voudrais rendre l'hommage qui leur est dû à
tous ceux qui, appartenant à l'Eglise orthodoxe
roumaine et à d'autres Eglises et communautés
religieuses, subirent de semblables persécutions
et de graves restrictions. La mort a uni nos frères
dans la foi dans le témoignage héroïque
du martyre: ils nous laissent une inoubliable leçon
d'amour envers le Christ et son Eglise" (Discours
au cours de la cérémonie de bienvenue,
aéroport de Bucarest, 7 mai 1999, n. 4, ORLF
n. 19 du 11 mai 1999). A ce propos, je vous encourage,
également maintenant, à l'occasion du
Jubilé et du troisième centenaire de votre
union, à identifier et à valoriser les
figures des martyrs de l'Eglise grecque-catholique de
Roumanie, leur reconnaissant le mérite d'avoir
apporté un élan significatif à
la cause de l'unité de tous les chrétiens.
10. Il sera, en outre, très utile de considérer
la situation actuelle à la lumière de
votre histoire. Il apparaît en effet nécessaire
d'effectuer un examen approfondi du cadre, de l'esprit
et des décisions de vos synodes provinciaux qui
se sont déroulés dans les années
1872, 1882 et 1900. La même révision historique
devrait concerner également des événements
importants qui ont marqué l'histoire de l'Eglise
grecque-catholique roumaine. L'exemple des illustres
savants de l'Ecole transylvanienne de Blaj, qui ont
accompli un examen minutieux des événements,
inspiré par une sérieuse analyse historique
et linguistique, peut servir à cette recherche
comme importante base de référence afin
d'obtenir des résultats fiables. Dans le cadre
de ce type de ré-examen, des aspects fondamentaux
pour la tradition théologique, liturgique et
spirituelle de l'Eglise grecque-catholique de Roumanie
ne manqueront pas d'apparaître. De cette façon,
l'identité de votre Eglise et son profil spirituel
apparaîtront avec une vigueur renouvelée,
contribuant à la culture de la Roumanie, ainsi
qu'à celle de tout l'kumène chrétien.
J'encourage et je bénis de tout cur tout
effort accompli dans ce sens.
C'est avec un engagement particulier que l'on devra
affronter également le problème de l'accueil
du Concile Vatican II de la part de l'Eglise grecque-catholique
de Roumanie. En raison des persécutions en vigueur
à l'époque, votre Eglise n'eut pas la
possibilité de participer pleinement à
cet événement historique et ne perçut
pas clairement l'action de l'Esprit. Ce fut précisément
ce Concile qui affronta avec une plus grande attention
les délicates questions des Eglises catholiques
orientales, de l'cuménisme et de l'Eglise
en général. L'enseignement conciliaire
a trouvé ensuite sa continuité dans le
Magistère successif. Je rends volontiers hommage
à l'Eglise grecque-catholique de Roumanie d'être
actuellement engagée dans un effort long et difficile
pour accepter pleinement les orientations du Saint-Siège.
Signe de l'unité
11. Grâce à la présence de l'Esprit
Saint, le caractère multiforme de l'Eglise peut
resplendir d'une beauté ineffable sans porter
préjudice à l'unité. A cet égard,
le Concile Vatican II a parlé des trésors
des Eglises orientales en communion avec Rome: "En
effet, à cause de l'ancienneté vénérable
dont ces Eglises s'honorent, resplendit en elle la tradition
qui vient des apôtres par les pères, et
qui fait partie du patrimoine indivis de toute l'Eglise
et révélé par Dieu" (Orientalium
Ecclesiarum, n. 1). Tout l'kumène chrétien
a donc besoin de leur voix et de leur présence:
"La sainte Eglise catholique, qui est le Corps
mystique du Christ, est composée des fidèles
qui sont organiquement unis dans l'Esprit Saint par
la même foi, les mêmes sacrements et le
même gouvernement et qui, en se fondant en diverses
communautés dont la cohésion est assurée
par la hiérarchie, constituent des Eglises particulières
ou rites. Entre ces Eglises existe une admirable communion,
de sorte que la diversité dans l'Eglise, loin
de nuire à son unité, la met en valeur"
(ibid., n. 2).
L'Eglise catholique, soutenue par les enseignements
du Concile Vatican II, s'est engagée avec toute
la détermination possible, en particulier au
cours des dernières décennies, sur le
chemin de la recherche de l'unité entre les disciples
du Christ. Mes prédécesseurs immédiats,
à commencer par Jean XXIII de vénérée
mémoire, ont multiplié les efforts en
faveur de la réconciliation cuménique,
en particulier avec les Eglises orthodoxes, voyant en
cela une exigence précise dérivant de
l'Evangile et une réponse aux invitations pressantes
de l'Esprit Saint. Sous le regard miséricordieux
de son Seigneur, l'Eglise fait mémoire de son
passé, reconnaît les erreurs de ses fils
et confesse leur manque d'amour à l'égard
de leurs frères dans le Christ, et, par conséquent,
demande pardon et pardonne, cherchant à rétablir
la pleine unité entre les chrétiens.
12. La tentative de rechercher la pleine communion
dépend inévitablement du contexte historique,
de la situation politique et de la mentalité
dominante de chaque époque. Dans ce sens, l'Union
transylvanienne se conforma au modèle d'unité
qui prévalait après les Conciles de Florence
et de Trente. A cette époque, ce fut le désir
ardent de l'unité qui conduisit les Roumains
de Transylvanie à l'union avec l'Eglise de Rome
et nous sommes tous profondément reconnaissants
à Dieu de ce don. Etant donné, toutefois,
que la communion entre les Eglises ne peut jamais se
considérer comme un but définitivement
atteint, au don de l'unité offert par le Seigneur
Jésus une fois pour toutes doit correspondre
une attitude constante d'accueil, fruit de la conversion
intérieure de chacun. Les conditions changeantes
de l'époque actuelle exigent, en effet, que l'on
poursuive l'unité dans un plus ample horizon
cuménique, dans lequel il faut se rendre
disponibles à l'écoute de l'Esprit et
repenser avec courage les relations avec les autres
Eglises et avec tous les frères dans le Christ
dans l'attitude de celui qui sait "espérer
contre toute espérance" (cf. Rm 4, 18).
Précisément à propos du don de
l'unité, dans la Lettre apostolique Tertio millennio
adveniente, j'écrivais: "Il nous est demandé
de favoriser la concession de ce bien sans nous laisser
aller à des légèretés ni
à des réticences dans le témoignage
de la vérité" (n. 34). Il sera donc
nécessaire de reconsidérer l'histoire
triplement séculaire de l'Eglise grecque-catholique
de Roumanie avec une âme nouvelle, à travers
une approche attentive et sereine des événements
qui en ont marqué le chemin.
De même que j'ai encouragé le processus
de révision des modalités d'exercice du
service pétrinien au sein de l'kumène
chrétien, à l'exception des exigences
découlant de la volonté du Christ (cf.
Enc. Ut unum sint, n. 95), ainsi, j'exhorte à
mettre en place une mise à jour et un approfondissement
de la vocation spécifique des Eglises orientales
en communion avec Rome dans le nouveau contexte, en
faisant appel à la contribution d'étude
et de réflexion de toutes les Eglises. Que les
Commissions théologiques établies par
les pasteurs de l'Eglise catholique et des Eglises orthodoxes
dans leur ensemble s'efforcent d'uvrer dans cette
perspective complexe. Actuellement, les chrétiens
sont confrontés au problème "de recevoir
les résultats obtenus jusqu'ici. Ils ne peuvent
en rester aux affirmations bilatérales, mais
ils doivent devenir un patrimoine commun. Pour parvenir
à cela et pour renforcer ainsi les liens de communion,
il faut un sérieux examen qui doit impliquer
le Peuple de Dieu dans son ensemble (Encyclique Ut unum
sint, n. 80). Afin que "ce processus [...] donne
des résultats favorables, il est nécessaire
que ses conclusions soient diffusées de la manière
qui convient" (ibid., n. 81). La recherche de l'unité
entre les chrétiens, dans l'amour et dans la
vérité, est un élément fondamental
pour une évangélisation plus incisive.
En effet, par la volonté du Christ, l'Eglise
est une et indivisible. Un retour authentique aux traditions
liturgiques et patristiques, trésor que vous
partagez avec l'Eglise orthodoxe, contribuera à
la réconciliation avec les autres Eglises présentes
en Roumanie. Dans cet esprit de réconciliation,
il faut encourager cordialement la poursuite du dialogue
entre votre Eglise et l'Eglise orthodoxe, que ce soit
au niveau national ou au niveau local, dans l'espoir
que bientôt, tous les points de controverse seront
éclaircis dans un esprit de justice et de charité
chrétienne.
L'esprit du dialogue exige, dans le même temps,
que votre Eglise découvre toujours plus, à
travers des actions de grâce, le visage de Jésus-Christ,
que l'Esprit Saint dépeint dans l'Eglise-sur
orthodoxe et il faut attendre la même chose de
celle-ci à votre égard. Vous apporterez
ainsi le témoignage auquel l'apôtre Paul
invite les chrétiens de Rome (cf. Rm 12, 9-13).
L'importance de la prière
13. Pour le Jubilé, l'Eglise tente de se renouveler
dans la lumière joyeuse du Christ ressuscité,
en invitant ses fils à répondre à
la grâce divine par un sérieux examen de
conscience et avec l'effort de la purification et de
la pénitence. Il s'agit d'un long processus qui
a commencé à l'époque du Concile
Vatican II et qui ne s'est pas encore conclu. Nous avons
redécouvert ce qui a toujours été
la racine sainte qui nourrit l'Eglise: la Parole de
Dieu, interprétée factis et verbis par
la Liturgie, par les Conciles, par les Pères,
par les saints. Mais nous avons également répété
avec force que la source principale de l'unité
dans l'Eglise est la Très Sainte Trinité
(cf. Lumen gentium, nn. 1-8).
L'Eglise grecque-catholique de Rome puise également
ses racines dans la Parole de Dieu, dans l'enseignement
des Pères et dans la tradition byzantine, mais
trouve en outre un e expression particulière
dans l'union avec le Siège apostolique et dans
le stigma des persécutions du XX siècle,
ainsi que dans le caractère latin de son peuple.
C'est de tous ces éléments que découle
l'identité de votre Eglise, dont la racine ultime
est la Très Sainte Trinité. Telle est
l'origine principale, la source "d'eau vive"
(Jn 7, 38) à laquelle il est nécessaire
de remonter continuellement.
Je suis fermement convaincu que le retour aux origines
des traditions ecclésiales doit être accompagné
par un retour constant et fervent à la Source
trinitaire. Cela ne pourra advenir que si chacun d'entre
nous retrouve l'intimité profonde qui s'exprime
dans la prière. La prière donne la force
et illumine le chemin de l'homme. Dans le silence profond
de l'expérience de la prière, on peut
reconnaître le véritable visage de l'Eglise
dans son identité authentique et éternelle,
et l'on peut découvrir également ce nom
connu uniquement de Dieu qui constitue l'identité
plus véritable de chaque chrétien. C'est
pourquoi le Jubilé de l'An 2000, ainsi que le
troisième centenaire de l'union de votre Eglise
avec Rome, est le temple de la prière auquel
Dieu lui-même nous invite.
Que la Très Sainte Mère de Dieu nous illumine
et nous accompagne, Elle qui demeure toujours l'icône
parfaite de l'Eglise et notre avocate auprès
du trône de Dieu.
Avec ce souhait, je donne de tout cur au vénéré
Frère, le Cardinal Alexandru Todea, Archevêque
métropolitain émérite de Fagaras
et Alba Julia, à l'actuel Archevêque métropolitain,
Lucian Muresan, ainsi qu'à tous les autres frères
dans l'épiscopat, aux prêtres, aux religieux,
aux religieuses et à vous tous, bien-aimés
fidèles de l'Eglise grecque-catholique de Roumanie,
la Bénédiction apostolique propitiatoire.
Du Vatican, le 7 mai 2000, Vingt-deuxième année
de mon pontificat.
IOANNES PAULUS PP. II
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