A l'occasion du Jubilé des universitaires
et avant le prochain Jubilé du dialogue judéo-chrétien (3 Octobre 2000)
découvrez le philosophe EMMANUEL LEVINAS et son ouvrage posthume "Judaïsme et Christianisme"

- Extraits -



" la
possibilité de penser sans faire de compromis et sans trahisons, sous les deux formes, la forme juive et la forme chrétienne, celle de la miséricorde chrétienne et celle de la Torah juive, m'a permis de comprendre la relation entre le judaïsme et le christianisme dans leur 'positivité', en d'autres termes, dans leur possibilité de dialogue et de symbiose".

E. Lévinas

in (ZENIT.org),
lundi 11 septembre 2000

"Je voulais raconter, simplement, comment au fil des années, mon attitude envers le christianisme a changé ..."

C'est ce qu'a écrit le philosophe lituanien Emmanuel Levinas, mort en 1995, dans un texte sur le christianisme rédigé en 1987, et qui vient d'être publié en italien par Jaca Book sous le titre "Judaïsme et christianisme". Le philosophe raconte en détail son cheminement personnel par rapport au christianisme, évoquant également le thème de la "Shoah", l'holocauste.

"Deux choses étaient particulièrement claires ... D'abord le fait que tous ceux qui participaient à la Shoah avaient reçu le baptême catholique ou protestant dans leur enfance : cela n'avait en rien été un obstacle pour eux ! Et deuxièmement, une chose très importante : c'est à cette époque que j'ai découvert ce que vous appelez la charité et la miséricorde. Partout où il y avait une soutane noire, il y avait un refuge ... Je dois la vie de ma petite famille à un monastère dans lequel ma femme et ma fille ont trouvé refuge ... La mère de ma femme a été déportée mais ma femme et ma fille ont été protégées par les sours de Saint Vincent de Paul ... Avant la guerre, en lisant Rosenzweig, j'ai découvert la thèse sur la possibilité philosophique de penser la vérité comme une ouverture vers deux formes : la forme juive et la forme chrétienne. Une position extraordinaire : la pensée ne peut se réaliser pleinement à travers une seule voie. La vérité métaphysique serait possible essentiellement à travers deux expressions. Je ne suis pas toujours d'accord avec les articulations du système Rosenzweig. Je ne crois pas qu'elles soient valables de façon définitive telles qu'il les développe. Mais la possibilité de penser sans faire de compromis et sans trahisons, sous les deux formes, la forme juive et la forme chrétienne, celle de la miséricorde chrétienne et celle de la Torah juive, m'a permis de comprendre la relation entre le judaïsme et le christianisme dans leur 'positivité', en d'autres termes, dans leur possibilité de dialogue et de symbiose ... "

"J'ai accueilli de façon très positive la déclaration du Concile Vatican II 'Nostra Aetate' ... J'ai compris le christianisme dans sa dimension de 'vivre et mourir pour tous les hommes'. Les chrétiens accordent une grande importance à ce qu'ils appellent la foi, le mystère, le sacrement. A ce sujet, je voudrais vous raconter une petite histoire : Hannan Arendt, quelque temps avant sa mort, racontait au micro d'une radio française que lorsqu'elle était enfant, dans sa ville natale de Könisgberg, elle dit un jour au rabbin qui lui enseignait la religion : 'j'ai perdu la foi'. Le rabbin lui répondit : 'qui te la demande ?' La réponse est très révélatrice. Ce qui importe ce n'est pas la foi mais le 'faire'. 'Faire' implique certes un comportement moral mais aussi le rite. Mais y a-t-il une différence entre 'croire' et 'faire' ? Que signifie 'croire' ? De quoi la foi est-elle faite ? De mots ? D'idées ? De convictions ? Avec quoi croyons-nous ? Avec tout le corps ! Avec tous mes os (cf. Psaume 35, 10). Le rabbin voulait dire : 'bien agir, c'est croire'. Voilà ma conclusion".

"Judaïsme et Christianisme", E. Lévinas.
- Extraits -