Extraits de réfléxions données par Claude Geffré,
dominicain, ancien directeur de l'Ecole biblique de Jérusalem,
au Journal Le Monde du mardi 25 janvier 2000.

réflexion et Jubilé

- Vérité de l'Evangile,
Repentance de l'Eglise,
et Dialogue entre les religions -


" ... La purification de la mémoire et la repentance sont des gestes forts de la part de l'Eglise catholique, s'agissant de la Shoah et de toutes les violences qui ont pu être légitimées dans l'histoire au nom du christianisme - croisades, Inquisition, conversions forcées, guerres de religion -, alors même que ces violences étaient contradictoires avec le message du Christ. A la fin du XXe siècle, l'Eglise redécouvre enfin, avec prophétisme, les intuitions et les implications de l'Evangile en tant que respect de l'autonomie de la conscience. »

"... Mais cette démarche n'a d'importance et n'aura d'avenir que dans un discernement historique de ce qui a pu favoriser et provoquer de telles dérives monstrueuses. Souvenons-nous de cette fausse théologie de la culpabilité collective du peuple juif dans la mort de Jésus. De cette fausse théologie du judaïsme selon laquelle l'Eglise s'est ”substituée“ à Israël pour devenir le vrai Israël. Ces dérives viennent toutes de cette fausse idéologie de la Vérité prescrite, obligatoire, normative, indifférente aux droits de l'homme et de la conscience. Au nom de cette Vérité, tous les moyens ont été bons pour persécuter, pour refuser aux autres compréhension, amour et tolérance. La principale leçon de Vatican II, événement majeur pour le siècle qui s'achève, est bien que la Vérité doit manifester par elle-même ses droits à être crue et qu'elle ne peut jamais faire violence à la liberté de conscience..."

"... Du point de vue interreligieux, cette démarche de repentance peut marquer un progrès considérable. L'Eglise catholique a mis des siècles à s'y engager, mais elle y est parvenue et, après l'avoir combattue, le christianisme joue un rôle de pionnier dans la défense de la liberté religieuse. Sa démarche peut avoir une sorte d'exemplarité, et on sait combien l'islam peine à concilier les droits de Dieu avec la liberté religieuse. Mais, dans le catholicisme même, il faut tirer toutes les conséquences de cette attitude, aller au bout de cette autocritique en termes de tolérance et de dialogue avec les autres religions. Non pas de cette tolérance dont on fait un devoir moral insipide, mais d'une tolérance qui légitime le regard positif posé sur l'autre. Regard non plus de condescendance, de mépris, mais d'estime et d'ouverture, en particulier à l'égard des religions non chrétiennes. »

"... Le concile Vatican II, qui, par sa déclaration Nostra Aetate (1965), recommandait une compréhension nouvelle du judaïsme, de l'islam ou du bouddhisme, a été prophétique. Prophétique, au sens où l'Eglise catholique découvrait enfin et admettait qu'elle n'avait pas le monopole de la Vérité, qu'elle devait être à l'écoute du monde, se laisser enseigner non seulement par les autres traditions religieuses, mais aussi par la nouvelle lecture que les hommes font aujourd'hui des droits impératifs de la conscience humaine.Toutes les religions doivent être à l'écoute de ce consensus universel. Toutes sont interpellées par cette conscience des droits et de la liberté de l'homme. Celles qui se heurtent à ces aspirations légitimes sont condamnées à se réformer ou à dépérir. Se réformer, c'est-à-dire admettre qu'une ouverture aux exigences de la conscience de l'homme moderne n'est pas contradictoire avec la fidélité au contenu de leur Révélation. Je crois qu'il n'y a pas de contradiction entre la Parole de Dieu, telle qu'elle est attestée dans les différentes Ecritures, et la Parole de Dieu telle qu'elle s'exprime, confusément mais progressivement, au travers de la conscience humaine. C'est le même Dieu qui parle."

Claude Geffré.

Entretien réalisé par H. Tincq.