" ... La purification de la mémoire et la repentance sont des gestes
forts de la part de l'Eglise catholique, s'agissant de la Shoah et de toutes
les violences qui ont pu être légitimées dans l'histoire au nom du christianisme
- croisades, Inquisition, conversions forcées, guerres de religion -, alors
même que ces violences étaient contradictoires avec le message du Christ.
A la fin du XXe siècle, l'Eglise redécouvre enfin, avec prophétisme,
les intuitions et les implications de l'Evangile en tant que respect de
l'autonomie de la conscience. »
"... Mais
cette démarche n'a d'importance et n'aura d'avenir que dans un discernement
historique de ce qui a pu favoriser et provoquer de telles dérives monstrueuses.
Souvenons-nous de cette fausse théologie de la culpabilité collective
du peuple juif dans la mort de Jésus. De cette fausse théologie du judaïsme
selon laquelle l'Eglise s'est ”substituée“ à Israël pour devenir le
vrai Israël. Ces dérives viennent toutes de cette fausse idéologie
de la Vérité prescrite, obligatoire, normative, indifférente aux
droits de l'homme et de la conscience. Au nom de cette Vérité, tous
les moyens ont été bons pour persécuter, pour refuser aux autres compréhension,
amour et tolérance. La principale leçon de Vatican II, événement
majeur pour le siècle qui s'achève, est bien que la Vérité doit manifester
par elle-même ses droits à être crue et qu'elle ne peut jamais faire
violence à la liberté de conscience..."
"... Du point
de vue interreligieux, cette démarche de repentance peut marquer un
progrès considérable. L'Eglise catholique a mis des siècles à s'y engager,
mais elle y est parvenue et, après l'avoir combattue, le christianisme
joue un rôle de pionnier dans la défense de la liberté religieuse. Sa
démarche peut avoir une sorte d'exemplarité, et on sait combien l'islam
peine à concilier les droits de Dieu avec la liberté religieuse. Mais,
dans le catholicisme même, il faut tirer toutes les conséquences de
cette attitude, aller au bout de cette autocritique en termes de tolérance
et de dialogue avec les autres religions. Non pas de cette tolérance
dont on fait un devoir moral insipide, mais d'une tolérance qui légitime
le regard positif posé sur l'autre. Regard non plus de condescendance,
de mépris, mais d'estime et d'ouverture, en particulier à l'égard des
religions non chrétiennes. »
"... Le concile
Vatican II, qui, par sa déclaration Nostra Aetate (1965), recommandait
une compréhension nouvelle du judaïsme, de l'islam ou du bouddhisme,
a été prophétique. Prophétique, au sens où l'Eglise catholique découvrait
enfin et admettait qu'elle n'avait pas le monopole de la Vérité, qu'elle
devait être à l'écoute du monde, se laisser enseigner non seulement
par les autres traditions religieuses, mais aussi par la nouvelle lecture
que les hommes font aujourd'hui des droits impératifs de la conscience
humaine.Toutes les religions doivent être à l'écoute de ce consensus
universel. Toutes sont interpellées par cette conscience des droits
et de la liberté de l'homme. Celles qui se heurtent à ces aspirations
légitimes sont condamnées à se réformer ou à dépérir. Se réformer, c'est-à-dire
admettre qu'une ouverture aux exigences de la conscience de l'homme
moderne n'est pas contradictoire avec la fidélité au contenu de leur
Révélation. Je crois qu'il n'y a pas de contradiction entre la Parole
de Dieu, telle qu'elle est attestée dans les différentes Ecritures,
et la Parole de Dieu telle qu'elle s'exprime, confusément mais progressivement,
au travers de la conscience humaine. C'est le même Dieu qui parle."
Claude Geffré.
Entretien réalisé par H. Tincq.