Lettre d'information

"Asseoir une assemblée"

parmi nous, tu es ici chez toi." D’où la nécessité de ne pas se gêner, de ne pas être trop au coude à coude, pour respecter l’assise et la corpulence de chacun. (Les assises des chaises, plus larges qu’autrefois, laissent penser que la population a grandi et forci en une génération).

Des exigences de confort s’ajoutent aujourd’hui. S’il est vrai qu’au Moyen âge le peuple était debout ou assis par terre, la vie moderne et l’influence de la Réforme protestante, toute axée sur l’écoute de la parole de Dieu, ont introduit puis généralisé les bancs. On écoute mieux, on suit mieux les cérémonies assis plutôt que debout, disent les bons auteurs. C’est une conquête de la modernité sociale et intellectuelle que de pouvoir s’asseoir ; les chaises sont entrées dans les églises après la Révolution, avec le triomphe de la bourgeoisie. Mais les sièges, chaises et bancs, ont un aspect contraignant pour l’oeil, ils rivalisent avec l’architecture, cachent les sols, dénaturent l’espace. Souvent le dossier est trop haut, et de simples tabourets paraissent plus élégants et modulables.

Car il ne faudrait pas que les sièges, trop raides ou trop lourds, deviennent des "empêcheurs de tourner en rond", comme on le faisait par exemple naguère le Vendredi saint pour le Chemin de croix, où les fidèles suivaient de tout leur corps et sans bouger le prêtre périgrinant de station en station. De même, quand le curé montait en chaire, tous les premiers rangs de chaises se retournaient pour le regarder. Cette cinétique essentielle à la bonne dynamique de l’assemblée vient s’ajouter aux modulations inévitables en terme de taille et de morphologie des assemblées formant une paroisse : dans les églises neuves, les architectes doivent penser à cette plasticité de l’assemblée lorsqu’ils décident du mobilier de l’église, de sa forme et de son emplacement.

En réalité, on a besoin de s’asseoir seulement pendant la liturgie de la Parole (surtout si le sermon est long !). Pendant le reste de la liturgie, seules quelques personnes âgées ou fatiguées peuvent réclamer un siège. Les jours où nos assemblées dominicales sont moins nombreuses, pourquoi ne pas déranger les espaces, à l’entrée de l’église pour faire une liturgie de l’accueil, et autour de l’autel, pour permettre aux fidèles de s’y tenir comme les invités à la Table du Seigneur. Il suffit de masser les chaises nécessaires à la liturgie de la Parole autour d’un ambon qui peut être placé, comme nos chaires autrefois, au milieu de la nef. Nos églises deviennent alors toujours mieux des espaces où l’oeil peut écouter, et le corps respirer.

Pierre le Doré et Isabelle Renaud-Chamska Chroniques d’Art sacré N° 63

Crédit photo : C. Prouvost

vignette : B. Catton

<< 1 2

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article

Sur le même thème :