Lettre d'information

fleurir

On pourrait croire, en entrant dans une église en dehors des célébrations qu’il ne s’y passe rien ou presque rien. Et pourtant, à regarder de plus près, si l’on a pris soin de la maison de Dieu et des hommes, l’architecture et sa disposition disent déjà la rencontre avec Dieu.

La présence des fleurs est de cet ordre. Déjà, l’on perçoit la douceur domestique et invitatoire de l’ornement floral, contemplation gratuite qui ravit le regard et qui dit que la Maison est habitée. Puis, dans la prière, personnelle ou communautaire, le bouquet indique le centre liturgique du lieu. Il accompagne le lieu de la Parole, le lieu de la Table eucharistique, ou celui de la présidence. La multiplicité des bouquets est à éviter. Mieux vaut privilégier un des pôles liturgiques plutôt que brouiller la lisibilité de l’espace sacré. L’abondance n’est pas la surcharge. Comme dans bien des domaines, on ne dit pas mieux parce que l’on dit plus.

D’où l’importance du vide dans les compositions florales (1) et autour. Le vide, s’il est habité est un espace d’accueil, une respiration, un silence offert à soi-même et à l’autre.

La nature, en fait, la Création, oscille selon les saisons, selon les âges entre l’abondance et le dénuement. Le bouquet reflète au cours du temps liturgique l’abondance et le dénuement qui parsèment nos chemins de vie, nos chemins de foi. Suivre ces variations, c’est respecter le rythme des saisons, mais aussi conserver la « spontanéité végétative » de la plante, c’est-à-dire conserver le sens de sa pousse. De même, le « contenant » doit montrer l’enracinement du bouquet, extrait de la terre. Ainsi, le bouquet de Carême dit l’attente et la promesse à venir, témoin d’un dénuement volontaire, non pas d’une pauvreté subie. Les compositions florales de Pâques exaltent la joie de la Résurrection. Au cours d’une année liturgique, la succession des bouquets, dimanche après dimanche, évite la routine et crée une cohérence, une continuité visuelle qui accompagne avec simplicité ce qu’elle sert ; la liturgie. Le cycle végétal nous rappelle enfin par sa finitude notre propre fin. La présence de fleurs n’est d’ailleurs mentionnée que dans le rituel des funérailles (2). Les plantes sont le « point de départ d’une métaphore (…) pour passer de vie perdue à la vie recouvrée », à travers la vie des plantes plus lente, plus enracinée dans le passé, plus prometteuse d’avenir, se découvre et se tisse une espérance de vie.

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt il porte beaucoup de fruit »Evangile selon saint Jean, 12, 23-24

Sandrine Vivier

Article publié dans les Chroniques d’art sacré, n° 80, p. 28.

1. Propos de Marie-Jeanne Ribier, voir également son article dans la revue Célébrer n°314, octobre 2002.On consultera avec profit les livrets

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