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Les figures de l’autel en régime chrétien

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l’emplacement et la forme des autels. Les usages, pour autant qu’on les connaisse, dépendaient beaucoup des communautés et des époques. En Jordanie, par exemple, les archéologues et les historiens reconstituent assez bien l’évolution de l’autel « C’est au début un meuble en bois car les absides les plus anciennes, pavées de mosaïques, ne comportent pas d’emplacement réservé puis on voit clairement adopter, assez tard (Vie siècle), un autel à quatre pieds ou colonnettes fines (on creuse éventuellement un encastrement dans une mosaïque antérieure) avant de préférer, au VIIe et VIIIèmes siècles, l’autel massif où l’on enferme les reliques ».

Il est donc probable que dans nombre d’endroits, pendant les premiers temps, on dressait la table seulement pour le moment de l’eucharistie, qui prenait place lui-même dans une séquence beaucoup plus longue les « agapes fraternelles ». C’est pourquoi les Pères disaient de l’autel qu’il était « la table du repas du Seigneur ». A l’époque moderne, le liturgiste Romano Guardini, relayé par des théologiens comme Kahlefeld, prennent nettement position pour le signe de l’autel-table : « Sur le plan qui est le nôtre, celui du signe sensible sacramentel, l’eucharistie se développe tout entière suivant l’image du repas »(4). Dans l’église, écrit F. Debuyst, tout part de lui et se rassemble autour de lui le rite et l’espace, et l’ecclesia vivante, l’assemblée même des fidèles. Il déborde la sphère purement fonctionnelle (n’importe quelle table) parce qu’il est porteur d’une puissance de célébration, synthèse de mémorial, de présence et d’anticipation eschatologique.

Bible de Saint-Paul-hors-les-murs, fin Xème siècle

Cette qualité doit exclure a priori toute dérive de l’autel chrétien vers une sacralité monumentale analogue à celle de ces grands autels païens, lourds de violence et d’arrogance. Elle doit le garder aussi de dériver vers un aspect purement ornemental et décoratif. Cette discrétion requise est difficile à tenir. Les plus belles réussites sont les petits autels représentés sur les mosaïques de Ravenne (VIe siècle) une table en marbre posée sur de petites colonnes et sur un socle, enveloppée d’une nappe qui rappelle l’amour dont le Christ nous aime et n’est pas là pour servir de cache misère. Dans les réussites, on peut aussi signaler la plupart des autels romans, et certains petits autels baroques.

Le tombeau du Seigneur et son sacrifice

La réaction de Guardini s’explique par le fait que, pendant de nombreux siècles, le signe de la table a été oblitéré par l’autre image archétypale véhiculée par l’autel, celle de l’espace sacré, mis à part, le « haut lieu » accessible à un petit nombre seulement, médiateurs entre le peuple et Dieu. Là prend sa source la séparation nette entre le sanctuaire et la nef, entre le clergé et

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