Les familles des 7 moines torturés en Algérie
seront présentes à la commémoration
des témoins de la foi. Les Abbés dAiguebelle
et de Tibhirine assisteront aussi à la rencontre.
Enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, assassinés
le mardi 21 mai 1996, les moines ont été ensevelis
dans la terre de leur monastère le mardi 4 juin 1996,
entourés de leurs voisins musulmans.
LEglise dAlgérie les avait associés
dans une même célébration aux funérailles
de leur protecteur et ami le cardinal Léon-Etienne
Duval, archevêque émérite dAlger
décédé le 30 mai 1996.
7 VIES DONNEES
POUR DIEU
ET POUR LEURS FRERES
EN ALGERIE
Frère Christian
(Christian de Chergé)
Moine & Prêtre
59 ans
Prieur du monastère
Frère Luc
(Paul Dochier)
Moine
82 ans
Médecin
Frère Christophe
(Christophe Lebreton)
Moine & Prêtre
45 ans
Sous-Prieur &
Maître des novices
Frère Michel
(Michel Fleury)
Moine
52 ans
Frère Bruno
(Christian Lemarchand)
Moine & Prêtre
66 ans
Supérieur de l'annexe
du Maroc
Frère Célestin
(Célestin Ringeard)
Moine & Prêtre
62 ans
Frère Paul
(Paul Favre-Miville)
Moine
57 ans
Testament du Frère Christian de Chergé
Quand un A-DIEU senvisage
Sil marrivait un jour - et çà
pourrait être aujourdhui - dêtre
victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant
tous les étrangers vivant en Algérie, jaimerais
que ma communauté, mon Église, ma famille,
se souviennent que ma vie était DONNéE à
Dieu et à ce pays.
Quils acceptent que le Maître Unique de toute
vie ne saurait être étranger à ce départ
brutal. Quils prient pour moi : comment serais-je
trouvé digne dune telle offrande ? Quils
sachent associer cette mort à tant dautres
aussi violentes laissées dans lindifférence
de lanonymat.
Ma vie na pas plus de prix quune autre. Elle
nen a pas moins non plus.
En tous cas, elle na pas linnocence de lenfance.
Jai suffisamment vécu pour me savoir complice
du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le
monde, et même de celui-là qui me frapperait
aveuglément. Jaimerais, le moment venu, avoir
ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter
le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité,
en même temps que de pardonner de tout cur à
qui maurait atteint.
Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît
important de le professer.
Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir
que ce peuple que jaime soit indistinctement accusé
de mon meurtre. Cest trop cher payé ce quon
appellera, peut-être, la « grâce
du martyre » que de la devoir à un Algérien,
quel quil soit, surtout sil dit agir en fidélité
à ce quil croit être lIslam.
Je sais le mépris dont a pu entourer les Algériens
pris globalement. Je sais aussi les caricatures de lIslam
quencourage un certain islamisme. Il est trop facile
de se donner bonne conscience en identifiant cette voie
religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.
LAlgérie et lIslam, pour moi, cest
autre chose, cest un corps et une âme. Je lai
assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que
jen ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit
fil conducteur de lévangile appris aux genoux
de ma mère, ma toute première Église,
précisément en Algérie, et, déjà
dans le respect des croyants musulmans.
Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison
à ceux qui mont rapidement traité de
naïf ou didéaliste : « Quil
dise maintenant ce quil en pense ! »
Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée
ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai,
sil plaît à Dieu, plonger mon regard
dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants
de lIslam tels quIl les voit, tout illuminés
de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion, investis par
le Don de lEsprit dont la joie secrète sera
toujours détablir la communion et de rétablir
la ressemblance, en jouant avec les différences.
Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur,
je rends grâce à Dieu qui semble lavoir
voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers
et malgré tout. Dans ce MERCI où tout est
dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr,
amis dhier et daujourdhui, et vous, ô
amis dici, aux côtés de ma mère
et de mon père, de mes surs et de mes frères
et des leurs, centuple accordé comme il était
promis !
Et toi aussi, lami de la dernière minute,
qui naura pas sur ce que tu faisais. Oui, pour toi
aussi je veux ce MERCI, et cet à-DIEU envisagé
de toi. Et quil nous soit donné de nous retrouver,
larrons heureux, en paradis, sil plaît à
Dieu, notre Père à tous deux. AMEN !
InchAllah !
Alger, 1er décembre 1993 - Tibhirine, 1er janvier
1994
Christian +
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