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L'Église et la dignité inaliénable de l'être humain

 
 

Chaque être humain est unique

L'actualité de ces derniers mois a mis sous le feu des projecteurs un certain nombre de projets de loi qui ne sont pas sans poser un certain nombre de questions éthiques : allongement de la durée légale pour une interruption volontaire de grossesse de dix à douze semaines, pilule du lendemain donnée dans le cadre scolaire à des mineures, sans l'autorisation parentale préalable…
Aujourd'hui, ce sont les lois de 1994 concernant la bioéthique qui sont en train d'être révisées. Sur ces différents sujets et d'autres encore, l'Église catholique, souvent par la voix des évêques, a pris la parole, posé des questions, proposé une réflexion.
Certains se demandent avec agacement pourquoi l'Église intervient dans ces domaines. Ne sort-elle pas de sa compétence ? Cherche-t-elle à faire pression sur la société ? Veut-elle imposer autoritairement son point de vue sur les consciences ? En fait, qu'en est-il ?

Quand l'Église intervient dans ces domaines qui touchent la sexualité, la recherche médicale, la reproduction humaine, comme d'ailleurs quand elle intervient dans les domaines des relations sociales, des politiques économiques ou des stratégies internationales, elle ne le fait pas par simple intérêt confessionnel. Elle n'y a pas d'intérêt immédiat. Je dirais même que, dans une stratégie de communication, il vaudrait mieux qu'elle se taise sur certains sujets. Si elle devait régler sa parole sur les résultats des sondages, il serait plus bénéfique pour elle, au moins apparemment, de s'aligner sur l'opinion dominante. Or, si l'Église ne le fait pas, c'est tout simplement parce qu'elle se sent porteuse d'un sens de l'homme, qu'elle reçoit de sa foi et qu'elle sait pouvoir partager largement avec d'autres, y compris avec ceux qui n'adoptent pas forcément sa propre foi.
Ce qui est au cœur du message de l'Église, c'est sa conviction de la dignité inaliénable de toute personne humaine, depuis sa conception jusqu'à sa mort. Chaque être humain est unique, particulier, singulier, invité à écrire une histoire originale, appelé à entrer dans une communion d'amour avec Dieu.
Cette foi en l'homme, en tout homme, se traduit par un désir de respect de la personne humaine, de défense de l'être humain, tout particulièrement de l'être faible, vulnérable ou marginalisé. Au cours de son histoire, l'Église a toujours milité pour le respect de l'enfant à naître ou de l'enfant en bas âge, parfois même en s'inscrivant à contre-courant dans la société de son temps : " Depuis le moment où elle s'est affrontée au monde gréco-romain, dans lequel l'avortement et l'infanticide étaient des pratiques courantes, la première communauté chrétienne s'est opposée radicalement, par sa doctrine et par sa conduite, aux mœurs répandues dans cette société " (Jean-Paul II, L'évangile de la vie, n° 61).

Une double menace
De nos jours, ce respect de l'être humain me paraît être menacé par une double perspective, par une double problématique.

1 - La première est de faire dépendre la dignité de l'être humain comme être humain, non pas de ce qu'il est en lui-même, mais du regard que les autres portent sur lui, du projet que l'on forme à son égard, du désir que l'on a de lui. Un être ne serait alors humain que s'il était humanisable aux yeux d'autrui. Le professeur René Frydman écrivait en 1997, dans Le Nouvel Observateur : " Un embryon en tant que tel n'est qu'un grumeau de cellules. Il ne prend d'importance qu'en fonction du désir de ceux qui l'ont engendré… Un embryon espéré par un couple est pour moi "sacré"… Quelques blastomères dépourvus du désir parental ne le sont pas.
Ce qui commande le respect de l'embryon, c'est le désir dont il est porteur. " Je crois qu'une telle problématique est dangereuse, car elle fait dépendre le respect de l'être humain du désir, des idées, des représentations ou des projets que l'entourage peut en avoir et non de ce qu'il est en lui-même. On pressent l'application de cette problématique à d'autres situations et les dérives possibles : on supprimera l'enfant handicapé parce qu'il ne correspond pas aux normes actuelles d'une vie humaine, à l'enfant normal, idéal, rêvé, qu'on souhaite avoir, et le risque d'eugénisme n'est pas loin ; ne sera-t-on pas tenté également de faciliter la mort de personnes dont on pensera que la vie n'est plus vraiment humaine (en tout cas, avec les critères subjectifs que chacun peut se donner pour la définir ainsi) ? Je crois d'ailleurs qu'il y a dans une société des harmoniques très fortes entre la conception qu'on a du début de la vie et la conception qu'on en a de la fin. Dans les deux cas, il nous faut apprendre à ne pas faire dépendre le respect de l'être humain des représentations subjectives que les autres s'en font. La dignité n'est pas une notion " biodégradable ". Elle est un caractère ineffaçable de l'être humain.

2-La deuxième problématique que l'on rencontre souvent est celle des seuils de l'humain. La question est simple : à partir de quel moment peut-on considérer qu'il y a être humain ? Nombreux sont ceux aujourd'hui qui voudraient que le caractère humain de l'embryon, ou son appartenance à l'humanité, ne soient pleinement reconnus qu'à partir d'un certain stade de développement. Autrement dit, l'embryon serait humain au-delà d'un certain seuil, non humain, simple amas de cellules, en deçà. Une telle façon de voir pose une question grave. Qui aurait ce pouvoir sur ses semblables de " fixer les seuils d'humanité d'une existence singulière ? " (Jean-Paul II : discours du 20 novembre 1993). Quels seraient les critères utilisés pour parler de ces seuils ? Les arguments qui seraient utilisés pour justifier un tel seuil reposeraient sur la présence ou l'absence de certaines qualités. Seraient ainsi exigées, pour la reconnaissance de l'humanité, un certain nombre de qualités. Ce qui ne pourrait conduire ultérieurement qu'à récuser l'humanité de ceux qui, à l'autre terme de la vie, auraient perdu irrémédiablement ces mêmes qualités. Et cela nous renvoie au point précédent.

Le développement d'une vie humaine
En fait, la vision chrétienne est marquée par le sens d'une continuité. Elle voit dans l'embryon un être humain en gestation, une personne humaine en train de se constituer, un être qui atteindra sa pleine autonomie si on lui laisse achever sa trajectoire. Aussi, l'Église demande qu'on le respecte et qu'on ne le considère pas comme une chose, un objet qu'on puisse éliminer ou utiliser comme matériau d'expérimentation. Comme dit le pape Jean-Paul II dans L'évangile de la vie : " En réalité, dès que l'ovule est fécondé, se trouve inaugurée une vie qui n'est celle ni du père ni de la mère, mais d'un nouvel être humain qui se développe pour lui-même. Il ne sera jamais rendu humain s'il ne l'est pas dès lors. À cette évidence… la science génétique moderne apporte de précieuses confirmations. Elle a montré que dès le premier instant se trouve fixé le programme de ce que sera le vivant : une personne, cette personne individuelle avec ses notes caractéristiques déjà bien déterminées. Dès la fécondation, est commencée l'aventure d'une vie humaine dont chacune des grandes capacités demande du temps pour se mettre en place et se trouver prête à agir (Donum vitae, n° 60).

L'Église a une mission
Derrière ces questions, l'Église n'ignore pas qu'il y a des situations dramatiques vécues par des femmes. Elle sait la complexité de certaines questions, les requêtes de la recherche scientifique. Elle est consciente aussi de l'importance des pressions exercées en ces domaines, car des intérêts économiques colossaux sont en jeu. L'Église ne veut pas se substituer à ceux qui ont une responsabilité politique dans la société. Mais ce qu'elle souhaite, c'est que les solutions apportées ne s'accompagnent pas d'un obscurcissement d'un sens de l'homme, d'une relativisation du respect qui lui est dû. Il en va du fondement même de notre société et de son avenir. En intervenant sur ces questions l'Église ne sort pas de sa mission. C'est sa façon pour elle de vivre son service concret de Dieu et de l'homme.

+ Jean-Pierre RICARD
Evêque de Montpellier
Vice-président de la Conférence des évêques de France

NB : les intertitres sont de la rédaction.
Source : Bulletin diocésain de Montpellier.