Saint-Père,
Il y a un an, en ces jours, vous étiez parmi nous
en Terre Sainte. Vous étiez venus en pèlerin
et autour des Lieux Saints, vous avez rencontré nos
Églises, et nos pays. Aujourd'hui, nous venons, les
Évêques latins des Régions arabes (Moyen-Orient,
Golfe et Corne de l'Afrique) pour notre visite ad limina.
Nous vous remercions, Sainteté, pour votre accueil
paternel et votre écoute de chacun de nous. Nous
venons de conclure, en suivant vos directives, l'année
de grâce du Jubilé, dans nos différents
pays et Églises.
À Jérusalem, nous nous étions préparés,
les Églises catholiques de tous les rites, par un
synode de prière et de révision, afin de pouvoir
commencer le nouveau millénaire avec une meilleure
vision de la volonté de Dieu sur nous. Nos efforts,
outre la formation chrétienne de nos fidèles,
sont centrés sur le dialogue interreligieux et sur
l'cuménisme et la collaboration entre nos différentes
Églises en Terre Sainte comme dans tout le Moyen?Orient.
Tous, au Moyen?Orient, dans le Golfe et la Corne de l'Afrique,
nous avons la même vocation, d'être chrétiens
dans nos pays arabes et musulmans. Avec tous nos frères
chrétiens, nous essayons de témoigner du Christ
dans nos pays, en éduquant nos fidèles dans
leur foi afin qu'ils soient partie prenante de la société
arabe et musulmane et qu'ils puissent contribuer au bien-être
et à la promotion de toute la société.
Une difficulté demeure pour les milliers de fidèles
immigrés accueillis en Arabie pour le travail, mais
qui restent privés de leur droit de pouvoir se réunir
pour prier et adorer Dieu librement. Djibouti se félicite
par contre d'avoir eu cette année l'échange
des relations diplomatiques avec le Saint?Siège.
Un autre point commun de rencontre entre quelques-unes
de nos Églises est malheureusement la guerre ou l'absence
de paix dans nos divers pays, la Somalie essaie péniblement
de se redresser. Chypre est toujours divisée en deux.
En Iraq, c'est toujours l'embargo impitoyable avec ses victimes
et surtout avec la conséquence néfaste pour
le présent et pour l'avenir, qui augmente et approfondit
l'animosité du monde arabe contre l'Occident ? et
l'Occident regardé comme chrétien , malgré
toutes les distances que la politique occidentale prend
par rapport au christianisme. Ce qui rend aussi plus difficile
la préparation des peuples à la réconciliation.
La Terre Sainte, la Palestine et Israël, le centre
de gravité de toute la région et donc de tous
nos diocèses, est toujours sous le poids des injustices
et par conséquent de la violence.
La situation dans les Territoires palestiniens devient
très difficile, vu la résistance palestinienne
à l'occupation militaire israélienne, et les
représailles israéliennes qui y répondent.
Le bombardement des villes et des maisons innocentes, et
le blocus actuel imposé par Israël aux villes
et villages palestiniens, au lieu de réduire la résistance
ne fait que l'augmenter, en même temps qu'elle pousse
le commun du peuple à l'émigration.
Saint-Père, nous sommes à une année
presque après votre visite en Terre Sainte. Nous
ne pouvons que vous remercier du don fait par cette visite
à nos Églises et à nos pays: vous aviez
renouvelé l'espérance dans les curs
de tous, chrétiens, musulmans et juifs. Vos gestes
de réconciliation furent appréciés
et accueillis. Votre message de paix et de justice fut entendu,
par chacun séparément, et il s'est avéré
que la terre n'était pas encore prête à
le recevoir. Qui sait? Peut-être, un jour, la semence
que vous avez jetée dans notre terre finira par vaincre
l'esprit d'injustice et de violence, et que les gestes de
réconciliation que vous avez posés finiront
par donner leurs fruits.
Malgré tout, nous continuons à vivre dans
la prière et l'espérance. Nos leaders politiques,
palestiniens et israéliens, finiront un jour par
reconnaître les exigences de la liberté humaine
et de la dignité humaine du Palestinien, car c'est
là le fond du problème de la Terre Sainte
aujourd'hui: le Palestinien devra-t-il continuer à
vivre sous occupation militaire israélienne ou pourra-t-il
jouir un jour sur sa terre de sa liberté et de sa
dignité ? De la réponse à cette question
dépendent la paix ou la violence en Terre Sainte,
et la stabilité ou l'instabilité dans toute
la région.
La question est politique, mais c'est aussi une question
de vie quotidienne. C'est la question de l'émigration
aussi, donc une question de survie des Églises aussi.
À nos fidèles, nous disons de patienter, de
bien méditer le commandement de l'amour, pour être
plus fidèles à leur terre et à leurs
devoirs civiques et religieux. Nous leur rappelons aussi
bien l'amour difficile des ennemis. Nous essayons d'entretenir
l'espérance dans leurs curs, malgré
tout: malgré les maisons bombardées, les routes
fermées et les libertés réduites. Il
faut rester. Avec eux nous resterons, mais dans la situation
actuelle nous risquons de rester un jour sans eux.
Saint-Père, nous vous remercions de votre sollicitude
à l'égard de toutes nos Églises. Nous
vous remercions pour tout l'appui spirituel et humain apporté
à chacun de nous dans son diocèse. La solidarité
et la voix de toutes les Églises sont pour nous un
soutien indispensable, de même que votre sollicitude
de père et votre vision de la dignité de tous
les croyants et de tous les hommes.
+Michel Sabbah
Patriarche de Jérusalem des Latins
Rome, 17 mars 2001.
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