A pied, à cheval ou en voiture, un pèlerinage
est toujours un pèlerinage : un départ, un
chemin, un rendez-vous! Le faire à vélo ne
change rien à l'affaire. Ce n'est ni plus primitif,
ni le plus moderne des moyens de transport. Ce n'est ni
le plus sportif, ni le plus confortable.
Et pourtant...
Comme le credo, le vélo est toujours à la
première personne du singulier de l'indicatif présent.
Chaque coup de pédale est un " je veux ! "
Je ne me tiens debout que si j'avance. Certes, chaque "
pédalée" est différente selon
le moment : tantôt dans le gai soleil d'un matin et
le vent favorable, tantôt avec la pluie glaciale et
les bourrasques ennemies, parfois dans l'interminable montée
où chaque tour de roue est une victoire avant la
descente grisante où les efforts sont généreusement
remboursés. Le combat prend son sens par le pèlerinage.
La prière n'est pas faite de mots, de chants et de
sentiments. Elle est choix, bagarre, plaisir, effort, suée,
joie.
Seigneur, je roule pour vous!
Bien sûr, quand on est plusieurs, on connaît
les joies et les épreuves de la vie de groupe : les
jalousies et les coups de main. Mais, à vélo,
il y a le mystère de ce " sport individuel qui
se pratique en équipe " ! Rouler en peloton
n'est pas être dans un fauteuil comme disent les commentateurs...
mais quand même!
Se laisser porter par le tempo donné par les autres,
s'abriter derrière le précédent, prendre
la roue d'un plus fort, donner le coup de rein d'un relais
au moment opportun, voilà des modalités originales
d'un travail d'équipe. C'est nécessaire, parfois,
quand on veut arriver le premier, c'est toujours nécessaire
quand on refuse d'abandonner le copain, victime d'une défaillance
ou d'un incident.
Seigneur, nous roulons vers vous!
Et puis, il y a l'étape, le temps de la parole
et du partage, car, ne le cachons pas, le vélo n'est
pas souvent le temps des confidences et des longues contemplations.
Mais quand les muscles réclament le repos et que
le cur a retrouvé son rythme, les mots, tout
à coup, se chargent d'un poids précieux. L'âme
est à nouveau attentive, disponible, non pas pour
des heures de veille, mais pour cet abandon confiant qui
conduit au sommeil. Malheur à celui qui se croit
assez fort pour ajouter aux fatigues du jour les fatigues
de la nuit : il le paiera demain quand la route montera.
Lorsque, à la dernière étape, après
les longues lignes droites des Landes se dessine à
l'horizon le profil des grands cols pyrénéens,
Tourmalet, Aspin, Peyresourde, paradis des rêves cyclistes,
la Vierge de Lourdes ouvre sa maison. Entrez! Je suis venue
à votre rencontre et mon Fils vous attend.
Seigneur, nous voici enfin chez vous!
Et je laisse au mystère ce que diront la Grande
Reine des Cieux et les petites reines des routes humaines.
Ceci ne nous regarde pas!
Source: Revue L'Assomption et ses ouvres, avril/juin 2001.
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