Eglise de Bordeaux, témoigne de l'Evangile
qui te fait vivre !
Cathédrale Saint André de Bordeaux - Dimanche 17 février
2002
Chers frères et sours en Christ, Je trouve particulièrement
signifiant de commencer mon ministère épiscopal parmi vous
un premier dimanche de Carême. Le Carême a bien sûr une dimension
personnelle de préparation à Pâques, de conversion, de recentrage
sur l'essentiel mais il a aussi une dimension communautaire
et ecclésiale. C'est toute l'Eglise, c'est notre Eglise qui
est à Bordeaux et en Gironde, qui est invitée à renouveler
sa disponibilité au Seigneur. Entrant dans ce Carême, tournons-nous
vers Dieu et, remettant notre vie entre ses mains, n'ayons
pas peur de lui dire avec confiance : « Seigneur, qu'attends-tu
de nous ? Qu'attends-tu de ton Eglise ? ». Si, au nom de la
mission apostolique qui est la mienne et que je porte avec
vous, j'avais à exprimer en quelques mots l'appel que le Seigneur
nous adresse aujourd'hui, je dirais : « Eglise de Bordeaux,
témoigne auprès de tous de l'Evangile qui te fait vivre ».
Eglise de Bordeaux, témoigne
Vous le savez, l'Eglise n'a pas sa raison d'être en elle-même.
Elle ne saurait se réduire à être un club religieux uniquement
préoccupé des besoins spirituels de ses propres membres. Elle
n'existe que pour témoigner de l'Evangile. Le pape PAUL VI
ne disait-il pas dans son exhortation sur l'Evangélisation
dans le monde moderne : « Evangéliser est la grâce et la vocation
propre de l'Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe
pour évangéliser » (n° 14) ? Le Seigneur fait de nous ses
témoins, il a besoin de nous pour se rendre présent aux hommes
et aux femmes de notre temps, pour leur communiquer la Bonne
Nouvelle du Salut. En effet, le Christ ressuscité n'a pas
d'autre visibilité dans le monde que ce que nous en manifestons.
Le corps par lequel il se révèle aux hommes d'aujourd'hui,
c'est ce corps ecclésial que, dans le souffle de l'Esprit,
il s'est lui-même donné. Le Christ nous appelle, se livre
entre nos mains, se donne à nous. A nous de l'accueillir,
de nous unir à lui et de le servir. Ce service du Seigneur
a été au cour du ministère épiscopal de mes prédécesseurs,
tout particulièrement de Mgr MAZIERS et du Cardinal EYT, que
nous avons accompagné de notre prière, pour un dernier adieu,
dans cette même cathédrale, en juin dernier. Ce souci du service
du Seigneur a également été présent dans l'expérience que
vous avez faite du dernier synode diocésain, dans les orientations
et décisions qu'il a prises, dans le dynamisme qu'il a impulsé.
C'est bien dans ce sillon tracé avec persévérance que je veux
inscrire mon ministère épiscopal auprès de vous.
Eglise de Bordeaux, témoigne de l'Evangile
En arrivant à Bordeaux, certains m'ont posé la question :
quel est votre programme ? J'ai répondu :l'Evangile. J'avais,
en effet, dans l'esprit ces lignes du pape JEAN-PAUL II dans
son exhortation sur l'Entrée dans le troisième millénaire
: « Il ne s'agit pas d'inventer un « nouveau programme ».
Le programme existe déjà : c'est celui de toujours, tiré de
l'Evangile et de la Tradition vivante. Il est centré en dernière
analyse, sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer,
imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer
avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem
céleste. C'est un programme qui ne change pas avec la variation
des temps et des cultures, même s'il tient compte du temps
et de la culture pour un dialogue vrai et une communication
efficace. Ce programme de toujours est notre programme pour
le troisième millénaire. » (n°29). Oui, notre programme est
bien d'annoncer l'Evangile. Cet Evangile qui est au cour du
ministère de Jésus, qui est au cour du don qu'il fait de lui-même
pour le salut des hommes, c'est la révélation de l'Alliance,
de l'amitié, de l'amour que le Père veut nouer avec chacun
d'entre nous. Cet Evangile est révélation de cet amour, mais
il en est aussi la communication concrète. A travers la proclamation
de la Parole, la célébration des sacrements et le témoignage
fraternel, ce ne sont pas simplement des paroles qui sont
dites ou des gestes qui sont faits, mais, par la force de
l'Esprit, c'est bien la communication du salut de Dieu, comme
puissance de transformation intérieure, de recréation de l'être,
d'illumination spirituelle, de pacification et de courage
qui nous est proposée. Je crois qu'il y a là une Bonne Nouvelle
qui est attendue et mystérieusement espérée par nos contemporains,
beaucoup plus qu'on ne croit. Je n'en veux pour signe que
le témoignage des catéchumènes qui se préparent au baptême
et dont on célèbre dans la plupart des diocèses aujourd'hui
l'appel décisif. Chaque année, je suis bouleversé par l'expérience
que ces adultes nous partagent. Ils nous révèlent tout ce
que la rencontre avec le Christ, la prière, la lecture de
l'Ecriture et les rencontres fraternelles ont bouleversé et
éclairé dans leur vie. Ils nous disent avec force : « Laissez-vous,
vous aussi, saisir par le Christ, vous ne le regretterez pas
! ».C'est ce service de l'Evangile qui a été comme le fil
conducteur de mon ministère de prêtre et d'évêque. C'est pourquoi
j'ai pris comme devise « A cause de l'Evangile ». Ce service
de l'Evangile, je vous aiderai à le vivre.
A votre tour, par votre foi, votre engagement, votre tonus
spirituel et apostolique, aidez-moi aussi à le vivre. Je n'oublie
pas, en effet, cette phrase de Saint Augustin dans son Sermon
sur les Pasteurs : « C'est avec de bonnes brebis qu'on fait
de bons pasteurs! »
Eglise de Bordeaux, témoigne de l'Evangile qui te fait
vivre
On ne peut témoigner en vérité de ce don de Dieu que si soi-même
on en vit, que si on sent à travers nous que la puissance
de Dieu est à l'ouvre, que son amour nous transforme, nous
recrée, porte du fruit en nous. Je crois que nous ne pourrons
relever les défis d'une annonce de l'Evangile dans les années
qui viennent que si nous aidons vraiment à naître et à grandir
des communautés chrétiennes vivantes et fraternelles. Des
communautés vivantes qui s'enracinent dans la prière, qui
se nourrissent davantage encore de la Parole de Dieu, qui
redécouvrent l'importance de l'Eucharistie et soignent la
beauté de la célébration liturgique. Des communautés fraternelles
où se vit, dans le respect des vocations et des ministères
de chacun, une véritable coresponsabilité dans la prise en
charge de la vie ecclésiale. Au moment où le ministère des
prêtres dans sa réalité la plus quotidienne est bouleversé,
il est nécessaire d'ajuster les responsabilités respectives
des prêtres, des diacres, des laïcs, des religieuses ou religieux
engagés dans la pastorale. De plus, la force de notre témoignage
dépendra aussi en grande partie de la qualité de notre communion,
des liens de communication que nous pouvons nouer, à l'instar
de la première communauté chrétienne. C'est une invitation
qui est lancée à chaque communauté ecclésiale, à ne pas se
replier sur elle-même mais à rester ouverte à une dimension
plus large de l'Eglise. Notre Eglise diocésaine doit, elle
aussi, rester en relation avec les autres Eglises, avec l'Eglise
universelle dont la communion est servie par le ministère
de Pierre, l'évêque de Rome, dont je salue, ce soir, respectueusement
et fraternellement, son représentant en France, Mgr le Nonce
apostolique. Seules des communautés vivantes et fraternelles
pourront éveiller et soutenir ces vocations qui semblent en
contradiction avec l'esprit du temps : l'engagement à vie
dans le célibat pour le ministère presbytéral, l'engagement
dans la vie consacrée ou la vie religieuse, l'engagement définitif
dans le mariage chrétien.
Eglise de Bordeaux, témoigne auprès de tous
Cet Evangile, le Seigneur ne le réserve pas à quelques privilégiés.
Le long des routes, sur les places publiques, en ville ou
dans les bourgs, il l'offre à tous ceux qu'il croise. N'enfermons
pas cette bonne nouvelle dans les murs de nos Eglises ou dans
le cercle de nos relations familières. Offrons-la à tous.
Offrons-la aux jeunes qui sont cette génération qui monte
- et je souligne l'importance de la pastorale des jeunes-
Offrons-la à tous ceux et celles que nous croisons, avec qui
nous vivons dans notre vie de tous les jours, tout particulièrement
à ceux que la Bible et la tradition de l'Eglise appelle les
« pauvres ». En effet, ce qui me frappe dans l'Evangile, c'est
que, si le Christ s'adresse à tous pour leur révéler l'amour
du Père, il a une attention privilégiée pour ceux dont les
difficultés de la vie semblent contredire un tel amour, ou
tout au moins, brouillent sa perception. Je découvre de plus
en plus dans ma propre vie que l'attention aux pauvres est
un critère privilégié de notre fidélité à celui qui dit dans
la synagogue de Nazareth, en reprenant un texte d'Isaïe :
« L'Esprit du seigneur est sur moi parce qu'il m'a consacré
par l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres.
» (Lc 4, 18). Les pauvres aujourd'hui ont de multiples visages
: pauvretés liées à la précarité sociale, au chômage, à l'immigration,
à la spirale de l'exclusion, pauvretés de la maladie, des
blessures affectives ou familiales, de la drogue, de la prostitution,
pauvretés des prisonniers ou de tous ceux aussi qui sont enfermés
dans un univers intérieur qui les fait souffrir et dont ils
aspirent à être libérés. N'oublions pas que nous sommes les
disciples et les témoins de celui qui est venu : « proclamer
aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue,
renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d'accueil
par le Seigneur. » (Lc 4, 18-19).
Eglise de Bordeaux, cette mission peut te faire peur comme
elle peut aussi impressionner en arrivant ton nouvel archevêque.
Nous connaissons nos limites, nos faiblesses et nos fragilités.
Et pourtant, le Seigneur nous dit : n'ayez pas peur. Je suis
avec vous. C'est ma puissance qui se révèlera dans votre faiblesse.
N'hésitez pas à prendre vos filets. Avancez en eau profonde.
» Puissions-nous, ce soir, refaire nôtre, l'acte de foi de
l'apôtre Pierre qui répondait justement au Seigneur : « Maître,
nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais sur
ta parole, je vais jeter les filets. » (Lc 5, 5). Alors, confiance
et courage, Eglise de Bordeaux, va au large !
Amen.
Jean-Pierre RICARD
Archevêque de Bordeaux Evêque de Bazas
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