Au moment où les catholiques vivent le Carême,
Mgr André Lacrampe, évêque d'Ajaccio,
président du Conseil national de la solidarité,
fait le point sur les campagnes en faveur de l'annulation
de la dette des pays pauvres et de l'augmentation de l'aide
publique au développement.
A plusieurs reprises, le Pape a alerté les chrétiens,
les hommes de bonne volonté et les décideurs
économiques et politiques sur l'impérieuse nécessité
d'annuler la dette des pays les plus pauvres. Dans sa lettre
apostolique, datée du 10 novembre 1994, il souligne
: " Dans l'esprit du Livre du Lévitique, les chrétiens
devront se faire la voix de tous les pauvres du monde, proposant
que le Jubilé soit un moment favorable pour penser,
entre autres, à une réduction importante, sinon
à un effacement total, de la dette internationale qui
pèse sur le destin de nombreuses nations " (Tertio
Millennio Adveniente, n° 51).
Les catholiques se mobilisent
Comme on le sait, l'année jubilaire a donc été
l'occasion d'une grande mobilisation des opinions publiques
et des communautés chrétiennes, en particulier
pour demander l'annulation de la dette des pays les plus pauvres.
Dans le cadre du mouvement mondial " Jubilé 2000
", plus de 24 millions de signatures ont été
recueillies. En France, la campagne " Pour l'an 2000,
annulons la dette ", coordonnée par le CCFD, a
recueilli plus de 520 000 signatures dont une majorité
émane des communautés chrétiennes.
Nul doute que cette mobilisation, accompagnée de multiples
explications, débats, conférences, a marqué
les esprits et les consciences dans le sens de promouvoir
un meilleur partage des richesses au niveau planétaire.
Cette mobilisation a également permis que l'annulation
de la dette soit mise à l'ordre du jour des grands
rendez-vous des institutions internationales.
Un appel du pape Jean-Paul II
Dans sa lettre apostolique, du 6 janvier 2001, le pape Jean-Paul
II s'exprime ainsi : " Je suis heureux de constater que,
récemment, les parlements de nombreux États
créditeurs ont voté une substantielle réduction
de la dette bilatérale qui grevait les pays les plus
pauvres et les plus endettés. Je forme le vu
que les gouvernements respectifs complètent rapidement
ces décisions parlementaires " (Novo Millennio
Ineuente, n° 14).
Certes, depuis, des efforts ont été faits en
matière d'annulation de la dette, mais ils restent
insuffisants. Si la France et les pays du G7 ont annoncé
une annulation de près de 100 % de leurs créances
pour les 23 pays les plus pauvres (sur les 42 considérés
comme tels), le FMI et la Banque mondiale se refusent à
aller au-delà de 40 % d'allégements.
Les services d'Église agissent
Pour autant, la mobilisation se poursuit sous l'égide
d'une plateforme " d'information et d'action sur la dette
des pays du Sud ". Coordonnée par le CCFD, elle
est composée de 18 associations dont le Secours catholique,
la Délégation catholique pour la coopération
(DCC), le réseau Foi et justice, Emmaüs France.
Outre une alerte des opinions publi-ques lors de grands rendez-vous
internationaux, cette plateforme suit de près, en relation
étroite avec les ministères concernés,
les conditions d'annulation de dette accordées par
la France, afin que les fonds ainsi dégagés
puissent se traduire en projets de développement au
bénéfice des populations les plus pauvres, avec
le concours des organisations des sociétés civiles
du Sud.
Cette action pour l'annulation de la dette trouve aujourd'hui
un prolongement dans la campagne menée pour l'augmentation
de l'Aide publique au développement (APD). Cette dernière
vise, comme on le sait, à demander aux candidats aux
prochaines élections présidentielles et législatives
de respecter l'engagement de la France qui, dès 1970,
s'est engagée, avec d'autres pays occidentaux, à
consacrer 0,7 % du PIB à l'APD. Or, aujourd'hui, nous
n'en sommes qu'à 0,34 %.
L'Aide publique au développement et l'annulation de
la dette constituent des éléments essentiels
et incontournables pour permettre aux populations les plus
pauvres de pouvoir vivre dignement et répondre à
leurs besoins les plus élémentaires.
Une coordination nationale
Lancée par le CCFD, sous le label " Mets la pression
", cette campagne accompagnée, elle aussi, de
différentes initiatives (débats, conférences,
démarches auprès des partis politiques), a recueilli
aujourd'hui plus de 180 000 signatures. Elle est relayée
depuis quelques semaines par un collectif : " Votons
pour un monde plus juste ". Coordonnée par le
CCFD, elle regroupe plus de 40 associations, dont un bon nombre
d'organisations de l'Église : Secours catholique, Conférence
des supérieures majeures, DCC.
À ce jour, la majorité des partis politiques
présentant des candidats aux prochaines élections
s'est clairement prononcée tant pour l'annulation de
la dette que pour l'augmentation de l'Aide publique au développement.
Dans le cadre de la mission qui lui est confiée par
les évêques de France, le CCFD proposera cette
campagne aux communautés chrétiennes à
l'occasion du prochain Carême en insistant bien entendu
sur les enjeux d'une telle démarche : redonner la dignité
aux plus pauvres, leur accorder les droits fondamentaux en
matière d'accès à la santé, au
logement, à l'éducation, à l'environnement,
permettre un développement " de tout l'homme et
pour tous les hommes ".
Le 5 février 2002.
André Lacrampe
Évêque d'Ajaccio
Président du Conseil national de la solidarité
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