Alors que Jean-Paul II appelle l'Église a prié
pour la paix en terre-sainte en ce dimanche 7 avril, le père
Éric Morin, étudiant à l'école
biblique de Jérusalem, nous donne son témoignage
et apporte sa réflexion personnelle sur la manière
dont sont traitées les informations. Manipulation ou
vérité ?
Comment réagissent les communautés chrétiennes
? Cela dépend de leur position, du lieu où ils
habitent, des amis qu'ils rencontrent tous les jours. Ce matin,
j'étais chez les Surs blanches, à Jérusalem.
Elles ont une communauté de surs à Bethléem,
en face de l'église de la Nativité et suivent
l'actualité avec un autre regard que les chrétiens
qui vivent au Centre Ratisbonne où, même s'il
n'y a plus de cours, il y a encore des gens qui vivent en
communauté pour étudier le judaïsme.
Le mot qui revient dans la bouche de tous est celui de manipulation
: manipulation de l'information et donc de la vérité.
Tout le monde accuse quelqu'un de manipulation. Qui dit vrai
?
Lundi, il y avait l'annonce de la mort d'un prêtre salésien
à Bethléem, on a d'abord dit qu'il était
jésuite et puis mardi, il appelait le Vatican pour
annoncer qu'il n'en était rien ! Tant mieux, qui a
fait courir ce bruit ? L'efficacité a été
maximum : patriarches et religieux résidant à
Jérusalem ont manifesté sous la pluie. Il y
a longtemps qu'on n'avait pas une telle rencontre cuménique
en Terre Sainte. La diplomatie vaticane est intervenue suite
à tout cela, mais qui a lancé cette fausse information
?
Qui dit vrai quand on raconte des scènes, vues à
la télé, où les chars israéliens
bousculent et écrasent partiellement des ambulances
palestiniennes ? Ceci constitue un crime de guerre. Tsahal
a parfois trouvé des armes cachées dans des
ambulances, mais Tsahal dit-elle vrai ?
Qui parle vrai quand on raconte que les réserves d'eau
des habitants de Bethléem sont systématiquement
percées à coup de fusil par les Israéliens,
mettant, encore un peu plus, les habitants de cette ville
dans une situation délicate et pour longtemps ? Le
problème de l'eau est crucial dans ce pays. On dit
que des Palestiniens se cachaient derrière, qui dit
vrai ?
Quand le journal Haaretz ce matin parle de libération
des otages religieux de la basilique de la Nativité
et que ces religieux orthodoxes disent ne pas avoir étés
retenus par la
force : qui dit vrai ?
Derrière ces questions peut-être mineures s'en
pose une autre aux conséquences politiques plus lourdes
: Arafat a-t-il voulu ou promu les attentats ? Les documents
qui semblent l'attester, produits par Tsahal sont-ils authentiques
?
Il ne s'agit pas de mettre en doute systématiquement
la parole de chacun, mais il y a des faits avérés
de mensonges, de manipulations.
Pourquoi Tsahal interdit-il l'accès aux journalistes
dans les territoires réoccupés ? Ils le disent
aux journalistes : car ils veulent être tranquilles
pour faire leur besogne ! Tsahal est une armée qui
n'aime pas ce qu'on lui demande de faire. Aux barrages nombreux,
les jeunes hommes et les jeunes femmes ont peur car ils sont
mal formés, mal encadré pour faire ce travail
de police. Lorsqu'il y a des incidents, non pas des attentats
mais des bavures de contrôle, ils n'ont pas le beau
rôle et ne racontent pas toujours les faits tels qu'ils
se sont passés.
D'un autre côté, quand Euro-news disait mardi
soir que les patriarches de Jérusalem avaient été
empêchés de se rendre à Bethléem
alors qu'ils y allaient avec un message de paix, pour voir
ce qui se passait dans la basilique et apporter des médicaments
: c'est vrai. Mais, je faisais partie du groupe de 50 personnes
qui étaient là avec eux devant le barrage ;
aussi je peux témoigner qu'à part le tube d'aspirine
dans le sac d'une amie, je n'ai pas vu de médicament
Voilà en vrac, quelques questions qui se posent quant
à la situation de ce pays. Mais les vrais enjeux sont
l'absence de projet politique à long terme, de part
et d'autre, la peur que suscitent les attentats et l'humiliation
que provoquent les barrages. Ces trois choses-là sont
vraies, je crois. Et aucune solution ne peut faire fi d'aucun
de ces aspects du conflit.
Père Eric Morin
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