On parle souvent de vous pour condamner
vos actes. Aujourd’hui, j’ai envie de m’adresser à vous
comme évêque d’Ajaccio pour la Corse
et comme président du Comité des Migrations
des évêques de France.
Alors que toute la Corse s’apprêtait à célébrer
Noël dans la joie et la ferveur, alors que les corses
faisaient preuve de générosité, d’ouverture
et de solidarité envers les plus pauvres (personnes âgées
ou malades, enfants de familles défavorisées,
gens de la rue …), c’est ce moment que vous
avez choisi de poser un acte qui aurait pu avoir des conséquences
tragiques et homicides pour des personnes d’origine
immigrée vivant en foyer Sonacotra. Ces personnes
vivent et travaillent, parfois depuis près de trente
ans en Corse. Elles ne se réduisent pas à l’objet
de votre phobie et de votre haine. Ces personnes venues
de la migration sont des êtres humains avec un visage,
un cœur, des émotions et une histoire singulière.
Elles font partie intégrante de la population de
la Corse. J’ai vécu toute cette journée
de Noël dans la pensée obsédante des
victimes que vous avez terrorisées, mais je n’ai
cessé aussi de penser à vous.
Je ne sais quel est votre degré de conscience,
ni même si vous mesurez à quel point vous
vous laissez entraîner vers l’inhumain et le
barbare. Cependant, je me refuse à croire que vous
soyez des « pourris », complètement
réduits à l’acte intolérable
et lâche que vous avez perpétré. C’est
pour cela que je veux m’adresser à vous comme à des êtres
responsables.
A l’origine de votre haine qui vous conduit à envisager
de tuer des hommes parce qu’ils sont immigrés,
il doit y avoir beaucoup de souffrance, d’incompréhension,
de lourdes difficultés de vie. Vous exaspérez
les corses par votre attitude raciste et criminelle. Vous
défigurez la Corse et les corses et compromettez
sérieusement leur avenir. Cependant il n’est
pas fatal que vous deveniez des êtres détestables
par les sentiments de haine qui vous animent et par les
actes que vous commettez. Je veux croire que vous pouvez
sortir de cette spirale infernale si vous acceptez de vous
ressaisir, de chercher à comprendre la société corse,
les mouvements migratoires qui déterminent désormais
le visage de nos sociétés et obligent à réviser
les règles du vivre ensemble. Je vous invite à retrouver
le chemin du cœur et de la raison. Car le racisme
enferme dans l’irrationnel et le cynisme qui rongent
votre propre personnalité et font de vous des inadaptés à notre
société corse. Elle a bien des défis à relever,
elle mérite mieux pour assurer son avenir que vos
initiatives criminelles.
A vous-mêmes, à ceux qui vous soutiennent,
je veux dire : « Réagissez pendant qu’il
est encore temps ». Osez entrer en dialogue car la
maladie qui vous ronge et vous détruit peu à peu,
on ne s’en libère que par la parole et l’échange.
Pour apprendre à se connaître et à se
reconnaître entre groupes divers, des initiatives
de rencontre et de dialogue ont été prises,
d’autres le seront encore. Ne les boudez pas. Trouvez
un lieu d’échange et des personnes qui puissent
vous écouter et engager avec vous le dialogue qui
vous aidera à sortir de vos impasses.
L’enfant de Bethléem que les chrétiens
célèbrent en ce jour de Noël, a surpris
l’humanité. L’événement
de Noël fut une « bombe d’espérance
et de vie » pour la joie de tout le peuple. Au nom
du Christ, la main tendue de Dieu aux hommes, je veux continuer
de croire que vous n’êtes pas irrémédiablement
foutus. Le Christ ne veut pas la perte du pécheur,
mais il l’invite à changer sa vie. C’est
ma foi et mon espérance qui me portent à prier
pour vous et à vous tendre la main, car un avenir
autre et meilleur s’offre à vous.
En la fête de Noël 2004.
+ Jean-Luc BRUNIN
Evêque d’Ajaccio pour la Corse
Président du Comité épiscopal des Migrations
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