Produit par le cinéaste James Cameron, l’auteur
du film à succès « Titanic », le documentaire
« Le tombeau retrouvé du Christ » reprend,
sous la forme d’une fiction, le déroulement des
recherches qui ont été récemment faites
autour d’un tombeau par un réalisateur canadien,
Simcha Jacobovici. A l’origine de cette initiative, des
rumeurs selon lesquelles ce tombeau, découvert en 1980,
renfermerait en particulier une urne sur laquelle est inscrit
« Jésus, fils de Joseph ».
Voici quelques éléments
de réflexion au sujet de cette découverte.
« L’Eglise n’a
pas peur de la vérité »
Mgr Jean-Michel di Falco, évêque de Gap
Il est tout d’abord intéressant de noter que
l’intérêt du cinéaste pour ce tombeau
coïncide avec le succès commercial de nombreux
ouvrages à thème ésotérico-religieux,
tels que le Da Vinci Code, alors que le tombeau était
connu des archéologues depuis 27 ans. Ces derniers
n’avaient apparemment pas jugé nécessaire
d’approfondir la présence de l’urne funéraire
d’un certain « Jésus, fils de Joseph »,
cette inscription n’étant pas rare à cet
emplacement, à quelques kilomètres de Jérusalem.
La curiosité de Simcha Jacobovici a été
suscitée par la présence, dans le même
tombeau, d’autres urnes sur lesquelles des graffitis
représentent les noms de Joseph, Marie, Marie-Madeleine,
Jacques, Matthieu et Judas. La mention de ces prénoms,
tous connus dans la Bible, fait ainsi dire au réalisateur
qu’il s’agit du tombeau de la famille de Jésus
: Jésus, « époux » de Marie-Madeleine,
Judas, leur « fils », Jacques, le « frère
»… Sur quoi se base-t-il ? La seule analyse ADN
a permis de montrer que Jésus et Marie-Madeleine avaient
un ADN différent. Simcha Jacobovici en conclut bien
rapidement qu’ils sont mari et femme. Or, aucune analyse
sur ce Judas, leur prétendu fils…
D'autant que cette conclusion repose sur une statistique douteuse
: il y aurait une chance sur 600 pour une telle concordance
de prénoms. Mais des archéologues se demandent
quelles sources de données ont permis au réalisateur
d'établir de telles statistiques puisqu’en Israël,
le nombre de tombes non découvertes surpasse des millions
de fois le nombre des tombes mises à jour. Par ailleurs,
les prénoms de Jésus, Joseph et Marie-Madeleine
étaient très fréquents à l'époque.
Et même si ces statistiques s'avéraient justes,
elles présupposent que Marie-Madeleine et Jésus
sont mariés et que Judas est leur fils. Or, aucune
indication n’est donnée en ce sens, ni dans la
Tradition de l’Eglise, ni dans aucun évangile
apocryphe.
D’ailleurs, concernant Marie-Madeleine, un problème
survient sur celle qui est ainsi appelée, sans nuance,
par le réalisateur. Pour tous les lecteurs du Da Vinci
Code et d'autres récits du genre, ce nom de «
Marie-Madeleine » fait tilt ; or, sur l'inscription
retrouvée, on a le nom « Mariamne », qui
pourrait se traduire, d'après les archéologues,
« Marie, connue sous le nom de son maître ».
Rien ne dit donc qu'il s'agit là de Marie-Madeleine
des évangiles, d’autant plus que ce même
nom condense la figure de trois femmes : Marie de Magdala,
Marie sœur de Lazare et la femme de Béthanie.
Autre curiosité, ces tombeaux contiennent des inscriptions
en araméen, hébreu et grec ; il est étonnant
que, dans une même famille, on ait ainsi des inscriptions
de langues différentes.
Enfin, la localisation géographique pose question
: si Jésus a été mis au tombeau à
Jérusalem puisqu'il y a été crucifié,
il n'y a aucune raison à ce que Joseph, père
de Jésus, ait été lui aussi enterré
(avant Jésus) à Jérusalem et non à
Nazareth. De même, si Marie-Madeleine et son prétendu
fils Judas ont vécu après la mort de Jésus,
on peut supposer qu’ils seraient retournés à
Nazareth ou du moins sur les bords du Lac, où ils auraient
dû, selon la logique du réalisateur, être
enterrés.
En conclusion, la découverte récente de la
tombe du roi Hérode, par des archéologues qui
ont travaillé dessus pendant une dizaine d’années,
paraît plus sérieuse que celle d’un cinéaste
et d’un réalisateur dont le premier est particulièrement
connu pour ses fictions à succès commerciaux.
En outre, l’évangile est passé au feu
de la critique depuis 150 ans, et son interprétation
dans l'Eglise, reste le meilleur portrait de Jésus
qui soit recevable aujourd'hui, le plus crédible et
le plus vraisemblable.
Mais pour reprendre les propos du Pape
Pie XII qui donnait l’autorisation de faire des fouilles
sous la basilique Saint-Pierre où l’on craignait
de ne pas retrouver les restes de saint Pierre, « l’Eglise
n’a pas peur de la vérité ».
Faire une place, dans nos vies,
à l’intelligence de la foi
P. Alain Marchadour*
Dans quel contexte cet ossuaire a-t-il été
trouvé ?
L’ossuaire qui fait tant de bruit a été
découvert par hasard la veille d’un sabbat, en
1980 à l’occasion de travaux. Le lieu est situé
dans le quartier de Talpiot, distant à peu près
de cinq Kilomètres du Golgotha. Le tombeau contenait
10 ossuaires et trois crânes. Sur six de ces ossuaires
il y avait des noms gravés tels que Jésus, fils
de Joseph, Judas fils de Jésus, Joseph et Matthieu,
Maria, Mariamenè et Mara. A cette époque ce
quartier était en pleine construction et les découvertes
de tombes étaient fréquentes. L’urgence
des constructions fit que les archéologues ne disposèrent
que de trois jours pour conduire une fouille de sauvetage.
Quelles furent les suites de cette découverte
?
Quand cette découverte fut connue, Il n’y eut
pas d’émoi particulier dans la communauté
des archéologues. Beaucoup d’ossuaires ont été
découverts, parfois dans des fouilles sauvages qui
rendent difficile l’interprétation des spécialistes.
Depuis quelques années il est apparu que des découvertes
ont été objet de manipulations, comme ce fut
le cas, semble-t-il, pour le fameux ossuaire portant l’inscription
« Jacques fils de Joseph, frère de Jésus
». Son propriétaire, Oded Golan a été
arrêté pour fabrication de faux.
De fait il n’existe pas d’éléments
susceptibles d’être mis en rapport directement
avec Jésus et sa famille. Les noms trouvés sur
les ossuaires sont parmi les plus fréquents dans le
monde juif du premier siècle. Ce n’est qu’en
1995, quinze ans après la découverte, que certains
commencent à chercher des informations cachés
dans ces ossuaires, avec en particulier l’inscription
« Juda fils de Jésus », que l’on
voudrait relier à Jésus avec. Et si Jésus
avait un enfant caché ? Et si cette tombe était
la tombe de la famille de Jésus ? On pourrait se contenter
d’en rire, s’il n’y avait la force des images
et des constructions imaginaires, toujours capables de séduire
les gens peu informés. Evoquant le film sur la tombe
de Jésus, Amos Kloner, un professeur à l’Université
religieuse de Bar Ilan (Israël) résumait ainsi
cet événement : « Belle histoire, mais
sans la moindre preuve ! ».
Sur quels éléments cette réponse
repose-t-elle ?
Prenons tout d’abord les noms des ossuaires. Ils posent
plusieurs problèmes. Un des noms est hébreu,
plusieurs sont araméens. Les noms qui aujourd’hui
sont les plus exploités sont « Mariamenè
et Mara ». Peut-il s’agir, dans la première,
de Marie de Magdala ? Or ce nom est écrit en grec,
alors que Marie de Magdala, la figure de l’évangile,
a grandi dans un village de pécheur appelé Migdal
où la langue utilisée était l’araméen
et non le grec. Cela a conduit les archéologues à
penser que ces tombeaux pourraient contenir les restes de
plusieurs générations d’une même
famille, certaines pouvant se situer à la fin du premier
siècle. Avant de proclamer qu’il s’agit
de Jésus et de sa femme secrète, il faudrait
expliquer pourquoi l’une est transcrite en grec et l’autre
en araméen. Notons aussi que dans le Nouveau Testament
Marie de Magdala n’est jamais appelée «
Mariamenè » comme dans l’ossuaire en question.
De même l’appellation « Jésus fils
de Joseph » ne se trouve pas dans la bouche des amis
de Jésus mais de ses adversaires (Jn 6,42). On imagine
mal que la famille de Jésus ait inscrit sur l’ossuaire
une telle appellation.
Rappelons ensuite les données évangéliques
: elles racontent que Jésus est mort en croix, qu’il
a été déposé dans un tombeau tout
proche. Comment expliquer que ses restes aient été
ensevelis à plus de 5 kilomètres du lieu de
sa mort. Émile Puech, épigraphiste mondialement
connu, me signale que les lois interdisaient de déposer
un condamné à mort dans le tombeau familial
avant un long délai. On le voit : toute cette histoire
ne résiste pas à l’examen
Comment expliquez-vous le succès de cette
histoire ?
Depuis la découverte en 1980 de ces ossuaires, beaucoup
d’évènements sont survenus. Il y a eu
d’abord le roman créé par quelques originaux
selon lequel les dominicains de l’Ecole Biblique auraient,
sur ordre du Vatican, tenu secrètes certaines informations
gênantes pour Jésus. Aujourd’hui aucun
savant ne prend cela au sérieux, mais la rumeur est
tenace. il y a surtout eu la légende de ‘Da Vinci
Code’ et tous ces romans autour des amours entre Marie
de Magdala et Jésus et leur progéniture secrète.
Que conclure sinon inviter les hommes, qu’ils
soient croyants ou non, à résister aux pressions
médiatiques qui cherchent à imposer sur Jésus
des contrevérités ridicules et malheureusement
troublantes pour les plus pauvres. Raison de plus pour faire
une place dans nos vies à l’intelligence de la
foi.
*Le Père Alain Marchadour, assomptionniste, fut
longtemps professeur à l'institut catholique de Toulouse.
Il poursuit depuis quelques années sa recherche biblique
à Jérusalem. Auteur de nombreux ouvrages, il
a aussi dirigé plusieurs publications.
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