« Le développement
durable s’inscrit dans une perspective de réconciliation
»
Interview de Jérôme
Vignon, président des Semaines sociales
Les
Semaines sociales de France se tiendront en même temps
que le « Grenelle de l’environnement ».
Hasard du calendrier ?
Tous les participants vont être très attentifs
au message et aux résultats de ce « Grenelle
de l’environnement » dont la tenue a été
décidée après celle des Semaines sociales.
Mais le fait que les thématiques soient si proches
reste très significatif. Cela montre que les Semaines
sociales résonnent en écho aux préoccupations
de la société française. J’espère
que cette session contribuera à faire prendre conscience
à nos concitoyens que le développement durable
mérite leur attention et leur investissement dans la
durée. Il y a toujours le risque que les idées
aussi deviennent jetables, en raison notamment de l’environnement
médiatique de notre société.
Comment traiter de questions techniques
avec des non-spécialistes ?
Les Semaines sociales sont aussi une sorte d’université
populaire destinée à mettre tout le monde au
même niveau de connaissances sur des sujets essentiels
et complexes. Sans aborder les thèmes d’une façon
globale et sans y investir suffisamment de temps, on reste
à la surface des choses. Cette session apportera un
éclairage particulier grâce aux grands témoins
qui seront présents. La perspective chrétienne
permet d’entrevoir au delà de la peur qui, généralement,
motive nos contemporains sur les questions environnementales.
Cette peur n’est-elle pas une invitation à s’ouvrir
à des notions oubliées et profondément
enrichissantes que peuvent être la retenue ou un certain
renoncement ? Les hommes et la société y gagneraient
une véritable liberté.
Quelle place donner à l’homme
dans toutes ces préoccupations ?
L’homme a tellement été mis au dessus
de la Création et de la nature que nous l’en
avons coupé, notamment dans la tradition chrétienne
lorsque celle-ci a été trop intellectualisée.
Pourtant, les Écritures et la tradition chrétienne
apportent une réponse sur la place de la nature et
de l’homme dans la Création. Selon moi, notre
place dans la nature est celle du bon serviteur. C’est
à dire un maître qui ordonne c’est sa place
, mais ordonne dans un sens de service, c’est le sens
de cette parabole.
Vous n’hésitez pas à
souhaiter un « changement de civilisation » face
aux enjeux du développement durable. Que voulez-vous
dire ?
Peut-être qu’un « changement de civilisation
» signifie que l’on devrait être capable
d’envisager à la fois un changement de nos modes
de vie, de notre consommation, de notre production. Tout se
tient. Nous sommes actuellement dans une frénésie
scientifique et technologique. Le risque est de ne plus prendre
de temps pour réfléchir. Pour reprendre Pascal,
l’homme est tellement « encombré »
qu’il n’a pas une seconde pour se rencontrer lui-même
ni, comme le disait Jean Paul II, pour se réconcilier
avec la nature et, ce faisant, se réconcilier avec
l’humanité tout entière. Le développement
durable s’inscrit dans une perspective de réconciliation
et de retrouvailles.
Souhaitez-vous un texte de référence
de l’Église sur le développement durable
?
Mettre le doigt sur un très grand problème d’actualité
au travers duquel se joue l’unité de tous les
hommes et de l’humanité, je pense que c’est
ce que l’on est en droit d’attendre d’une
encyclique. Et c’est vraiment le cas avec la question
environnementale et la réponse qui s’ébauche
dans le développement durable. Il faut rendre justice
aux paroles pontificales qui, depuis une vingtaine d’années,
ont été très ouvertes à la question
de la nature et de l’environnement. Il y a eu des paroles
très riches, mais disséminées dans différents
écrits. Une encyclique – qui serait peut-être
moins destinée à affirmer la spécificité
de l’identité chrétienne, mais qui serait
davantage rassembleuse de l’unité du destin humain
et qui donnerait tout l’éclairage et la fécondité
de la tradition chrétienne actualisée serait
vraiment bien venue.
Propos recueillis par Romuald Panon
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