« La Miséricorde est au cœur
du message chrétien »
Du 2 au 4 avril se tiendra
à Rome le premier Congrès mondial de la Miséricorde.
Trois évêques français y participeront
: le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon,
Mgr Guy Bagnard, évêque de Belley-Ars, et Mgr
Albert-Marie de Monléon, évêque de Meaux,
qui a été nommé coordinateur national
de la rencontre. Ce dernier revient pour Catholiques en France
sur les origines et les enjeux de ce congrès.
Pourquoi un congrès de la Miséricorde
? Quelle est son origine ?
Mgr Albert-Marie de Monléon : En juillet 2005, juste
après la mort du pape Jean Paul II, à l’initiative
d’un laïc, Gérald Arbola, nous avons organisé
avec le cardinal Christoph Schönborn, le cardinal Philippe
Barbarin, Mgr Renato Boccardo, le P. Patrice Chocholski et
moi-même une retraite sur la Miséricorde, à
Lagiewniki, le grand centre de la Miséricorde près
de Cracovie. À l’issue de cette rencontre, nous
avons décidé d’organiser un grand congrès
mondial de la Miséricorde, à Rome, avec l’aide
du Saint-Siège qui a pris les choses en mains et nommé
le P. Chocholski coordinateur général de l’événement.
Quel est le but de ce congrès ?
Son but est triple : d’abord répondre aux vœux
de Jean Paul II qui a beaucoup œuvré pour la Miséricorde.
Deuxièmement, nous devons susciter une prise de conscience
de l’importance de la Miséricorde pour le monde.
« Il faut transmettre au monde le feu de la Miséricorde
», disait Jean Paul II. La Miséricorde, c’est
l’espérance qu’il faut annoncer. Troisièmement,
ce congrès permettra à d’innombrables
groupes à travers le monde qui se consacrent à
la Miséricorde de se rencontrer.
Concrètement, comment va s’organiser
cette rencontre ?
L’ouverture se fera en présence de Benoît
XVI, place Saint-Pierre, le 2 avril. Le matin, les participants
pourront suivre des conférences et des témoignages,
l’après-midi participer à des ateliers
ou des temps de prière (chapelet, adoration eucharistique…)
et en soirée assister à des spectacles d’évangélisation.
C’est une organisation qui reprend le schéma
des congrès internationaux pour la nouvelle évangélisation
qui se sont tenus dans les grandes villes européennes,
notamment à Paris lors de la Toussaint 2004.
Nous attendons environ cinq mille personnes.
Ce congrès, qui s’ouvrira le jour anniversaire
de sa mort, n’est-il pas en quelque sorte un héritage
de Jean Paul II ?
Absolument, il répond au vœu profond de Jean Paul
II. Nous avions d’ailleurs lancé son organisation
dès 2003, bien avant sa mort. Lorsque l’on étudie
les œuvres de Jean Paul II depuis l’encyclique
Dieu riche en miséricorde jusqu’à son
livre Mémoire et identité, en passant par les
différentes homélies sur la canonisation de
sœur Faustine, la consécration du monde à
la Miséricorde, etc. on découvre des textes
extrêmement puissants : « La Miséricorde
embrasse la totalité du mystère du Christ dans
son œuvre de salut jusque et y compris Pâques.
Parce que l’Incarnation, c’est la Miséricorde
incarnée, et la Rédemption, c’est la Miséricorde
qui a imposé sa limite au mal » (Mémoire
et identité). La miséricorde n’est pas
du tout une sensiblerie compatissante qui effacerait le mal,
elle est un accomplissement et un au-delà de la justice
et la réparation du pardon. « Dans aucun passage
du message évangélique, ni le pardon, ni même
la Divine miséricorde qui en est la source ne signifie
indulgence envers le mal, envers le scandale, envers le tort
causé ou les offenses », ajoute Jean Paul II
dans Mémoire et identité. La Miséricorde
est une compassion extrême devant les blessures du mal
moral ou physique et un désir de le surmonter ou du
moins de lui mettre une limite. « À travers la
cruauté des systèmes totalitaires, ce fut comme
si le Christ avait voulu révéler que la limite
imposée au mal dont l’homme est l’auteur
et la victime est en définitive la Divine Miséricorde
», écrit encore Jean Paul II dans Mémoire
et identité.
Quelle est la pertinence du message de sainte Faustine
aujourd’hui ?
Sainte Faustine dit que la Miséricorde est le plus
haut attribut de Dieu. Et en même temps, elle rejoint
la pastorale des gens les plus simples, des petits, par son
message de confiance : « L’humanité ne
trouvera pas la paix tant qu’elle ne se tournera pas
avec confiance vers ma miséricorde », écrit
sœur Faustine dans son Petit Journal. Là où
les plus hauts théologiens s’y abîment,
le message de Faustine s’adresse aux gens simples qui
peuvent se l’approprier par ce message de confiance.
Un autre aspect du message de sainte Faustine qu’il
ne faut pas oublier, c’est l’appel aux prêtres
à être les dispensateurs et les ministres de
la Miséricorde par leur vie, leurs prédications,
les sacrements…
La Miséricorde est au cœur du message chrétien.
D’un point de vue théologique, pour saint Thomas
d’Aquin, elle est la plus haute des vertus et elle est
la clé des œuvres de Dieu. Ce n’est donc
pas nouveau en soi, mais elle a pris une acuité plus
grande dans notre monde actuel avec la conjonction des totalitarismes
nazis et marxistes, les manifestations du Seigneur à
sœur Faustine et le génie de Jean Paul II, qui
ont contribué à la raviver.
Quelles retombées pastorales attendez-vous
de ce congrès ?
L’idée qui découle de ce congrès
est de promouvoir la Miséricorde en France, de la faire
connaître, notamment sous son aspect pastoral. En ce
sens, nous organisons le samedi 4 octobre, à Lyon,
avec le cardinal Barbarin, une grande rencontre sur la Miséricorde
autour de deux axes : quelle pastorale de la Miséricorde
? (comment éveiller, en particulier, des familles,
des jeunes, à la Miséricorde ?), et la dimension
interreligieuse. L’un des intérêts de la
Miséricorde, c’est qu’elle permet de rejoindre,
de manière très diversifiée bien entendu
et pas sur le même plan, les autres croyants : les Églises
d’Orient orthodoxes et catholiques (la Miséricorde
est un grand thème de la spiritualité orientale),
mais aussi le judaïsme : le Dieu d’Abraham, d’Isaac
et de Jacob est un Dieu lent à la colère et
plein de miséricorde, c’est tout l’enseignement
biblique. D’une autre manière, le Miséricordieux
est un des grands noms de Dieu dans l’islam. La Miséricorde
est une thématique très ouverte, très
large.
Propos recueillis par David Moussu
Paru dans Catholiques
en France, n° 36, mars 2008
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