Dieu
pour les chrétiens et les musulmans
Fin mai, la Commission doctrinale publiait
une note qui interrogeait : « comment chrétiens
et musulmans parlent-ils de Dieu ? ». Mgr Santier, président
du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux
courants religieux, apporte son éclairage sur ce document.
Entretien.
Dans quel contexte est née cette note doctrinale
?
En novembre 2006, l’Assemblée plénière
décidait de la création d'un groupe de travail
intitulé « Catholiques et musulmans dans la France
d’aujourd’hui ». A cette occasion, les évêques
ont travaillé en assemblée et en carrefours
sur ce dossier. Au cours des temps de partage, ils ont signalé
qu’une question était souvent posée autour
d’eux : « catholiques et musulmans ont-ils le
même Dieu ? ». Les animateurs du groupe de travail
ont alors souhaité que la Commission doctrinale puisse
répondre à cette interrogation. La note est
donc une réponse à une question posée
par le peuple de Dieu. Elle est destinée aux évêques,
catéchistes, animateurs d’aumôneries, etc.
afin que chacun ait un texte auquel se référer.
Elle n’est pas, comme cela a pu être interprété
parfois, le signe d’une volonté de recadrer les
choses par rapport à certains excès du dialogue.
Des attentats sont perpétrés au nom de Dieu
par certains groupes extrémistes. Il est donc normal
que des personnes, catholiques ou musulmanes, disent que ce
n’est pas ce Dieu auquel elles croient. Affirmer que
l’on pourrait tuer en son nom serait donner une fausse
image de Dieu. La note doctrinale veut clarifier cette situation
et éviter les malentendus. Il peut exister dans les
esprits des simplismes et des caricatures de la religion musulmane
et catholique. Il est nécessaire de les dépasser
par un regard d’estime réciproque.
Entretenir le dialogue interreligieux semble donc
précieux et essentiel ?
« Dieu regarde avec estime les musulmans » comme
il est écrit dans la note. Pour entrer en dialogue
avec eux, il nous faut aussi porter sur eux un regard d’estime
et pas uniquement nous pencher sur des questions doctrinales.
L’un des buts des relations interreligieuses est de
favoriser le vivre ensemble et la paix.
Le dialogue conduit à se réapproprier ce qui
fait l’essentiel de la foi. Croire qu’il consiste
à ne s’intéresser qu’aux points
communs et pas aux différences est une erreur. Dans
le véritable dialogue, la différence de l’autre
conduit à réaffirmer ce qui est important pour
moi, non pas en opposition mais comme quelque chose de fécondant
dans la relation.
A l’automne, le Conseil publiera un document, fruit
de deux années de travail, afin d’expliquer pourquoi
l’Église continue de s’engager dans le
dialogue interreligieux. Ce document rejoint les propos de
Benoît XVI qui, en 2005 à Cologne(1), soulignait
que : « Le dialogue interreligieux et interculturel
entre chrétiens et musulmans ne peut pas se réduire
à un choix passager. C'est en effet une nécessité
vitale, dont dépend en grande partie notre avenir.
»
Le 4 juin, une rencontre rassemblait des évêques
autour de la « Lettre de 138 théologiens musulmans
à Benoît XVI et aux responsables religieux chrétiens
». Quel en était le but ?
Cette rencontre voulait donner l’occasion aux évêques
d’approfondir et de s’approprier la « Lettre
». Il faut noter que dans ce texte les responsables
musulmans articulent l’amour de Dieu et l’amour
du prochain en citant l’Ancien Testament ou les Évangiles.
Ils citent le Coran par rapport à leur propre tradition.
Ils n’évoquent pas le christianisme à
partir du Coran mais d’après les Évangiles.
Cet aspect nouveau montre qu’il y a un enjeu dans la
manière dont Dieu parle aux hommes.
Note
doctrinale
(1)Discours
prononcé par Benoît XVI lors d’une
rencontre avec les représentants de diverses communautés
musulmanes à l’Archevêché de Cologne
lors des Journées mondiales de la jeunesse 2005
Lettre
de 138 théologiens musulmans à Benoît
XVI et aux responsables religieux chrétiens
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