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Dossiers spéciaux

"Crucifié pour nous sous Ponce-Pilate"

Par Mgr Francis Deniau, évêque de Nevers,
président du comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme
30 Mars 2004



 

Clovis se préparait au baptême. On lui faisait le récit de la passion du Christ. Il se serait écrié : "Ah ! si j'avais été là avec mes Francs !".

Réaction généreuse, mais pleine d'illusions. Il s'imaginait que s'il avait été là, il aurait eu une réaction radicalement différente de celle des contemporains de Jésus. Les évangiles, au contraire, nous montrent que tous, Juifs, païens et chrétiens (les apôtres qui se sont enfuis, et dont font partie Pierre qui a renié Jésus, Judas qui l'a trahi), n'ont pas su réagir. Et ces trois groupes qui, dans l'Écriture, représentent toute l'humanité , nous rappellent notre insuffisance à nous tout particulièrement qui, dans la suite des apôtres, nous voulons disciples du Christ.

Au cours de l'histoire, la tentation des chrétiens a toujours été de projeter sur d'autres la responsabilité de la mort du Christ. Les évangiles nous soulignent que c'est le fait du péché de tous les hommes. Le Credo se contente de dire qu'il a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate. Mais les siècles chrétiens ont trop souvent fait porter à leurs contemporains juifs la responsabilité de la mort du Christ. Avec l'accusation de déicide. Cette accusation a été clairement refusée par Vatican II : "ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps" (déclaration Nostra ætate n.4). Mais elle a eu comme conséquences les persécutions et les meurtres que nous savons.

Vatican II nous a libérés de cette hypocrisie et de ce contre-sens. Et Jean-Paul II a publiquement demandé pardon pour cette faute au nom de l'Église catholique.

Je n'ai pas encore vu le film de Mel Gibson et m'abstiendrai de tout jugement à son égard en attendant.

Je note simplement que, même si l'auteur n'a rien voulu de cela, la violence des images, telle qu'elle est décrite, risque de réveiller chez les spectateurs des réflexes archaïques et, du point de vue chrétien, tout à fait faux. Toute projection sur d'autres de la responsabilité de la mort de Jésus ne peut que détourner du sens véritable de la Passion. Nous en revenons au "Ah ! si j'avais été là avec mes Francs !". Nous nous situons en spectateurs non impliqués, et qui se donnent l'illusion : si nous avions été impliqués, nous nous serions situés bien . À la différence des autres .

Or nous sommes toujours de ceux qui sont incapables d'affronter des vérités dangereuses. Jésus, lui, ne s'est pas dérobé devant notre incapacité. Il a été broyé dans nos contradictions et nos conflits. Il est resté jusqu'au bout l'homme libre - quels que soient les dangers de cette liberté.

Au contraire de l'illusion de Clovis, les chrétiens peuvent reconnaître leur incapacité à être vraiment libres. Et se laisser introduire, par le récit de la passion et de la résurrection, dans la liberté dangereuse de Jésus. Toute lecture de la passion qui ferait l'économie de ce « pour nous » ne serait pas chrétienne.

Le concile Vatican II déclarait déjà : "comme l'Église l'a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s'est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l'Église, dans sa prédication, est donc d'annoncer la croix du Christ comme signe de l'amour universel de Dieu et comme source de toute grâce." ( Nostra ætate n.4)

En aucun cas, les polémiques qui peuvent accompagner la production du film ne peuvent et ne doivent altérer les relations de fraternité retrouvées entre catholiques et juifs.

Au contraire, plus que jamais nous voulons aborder ensemble les défis sociaux de ce monde, et le dialogue sur ce que les uns et les autres recevons de Dieu.

+ Francis Deniau
évêque de Nevers
président du comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme