Mercredi 3 octobre 2007
Sainteté,
C’est un honneur et une grande joie pour nous de vous
accueillir ainsi que votre délégation dans cette
Maison de la Conférence des Evêques de France,
qui a été inaugurée tout récemment.
En vous recevant de tout cœur, Sainteté, permettez-moi
de saluer très cordialement tous ceux qui vous accompagnent
et plus particulièrement le métropolite Cyrille
de Smolensk et de Kaliningrad et Mgr Innocenti, archevêque
de Chersonèse.
Plusieurs membres de notre Conférence ont tenu à
être présents pour vous entourer lors de ce repas
: le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, Mgr Vingt-trois,
archevêque de Paris, qui vous accueillera, ce soir,
dans sa cathédrale Notre-Dame, plusieurs évêques
très engagés dans les relations œcuméniques,
Mgr Gardes, archevêque d’Auch, Mgr Thomazeau,
archevêque de Montpellier et Mgr Daucourt, évêque
de Nanterre. Il y a aussi un cardinal que vous connaissez
bien, c’est le cardinal Etchegeray, président
émérite des Conseils pontificaux Justice et
Paix et Cor Unum. Il ne fait plus partie de notre conférence
puisqu’il est devenu un cardinal « romain ».
Mais je n’oublie pas qu’il a été
président de notre Conférence et aussi, pendant
quatorze ans, mon propre évêque quand il était
alors archevêque de Marseille. Je remercie de leur présence
Mgr Bravi, représentant Mgr le nonce apostolique en
France et le frère Aloïs, prieur de la Communauté
de Taizé.
Je viens de parler de relations œcuméniques. Notre
pratique en France dans ce domaine est très ancienne.
Elle a pris, il y a très exactement vingt ans, un visage
plus institutionnel avec la création d’un Conseil
d’Eglises chrétiennes en France. Ce Conseil n’a
pas d’abord une mission de travail théologique.
Il est un lieu de rencontre fraternelle, de découverte
mutuelle et de témoignage commun. Nous cherchons, en
effet, à voir comment témoigner en tant qu’Eglises
chrétiennes face aux multiples problèmes et
défis qui se présentent dans notre société.
Cela s’est traduit, au cours des années, par
des déclarations, des initiatives communes, des voyages
pour soutenir des Eglises éprouvées. Je remercie
de leur présence Monsieur le Pasteur Claude Baty, président
de la Fédération Protestante de France, Mgr
Emmanuel, président de l’Assemblée des
évêques orthodoxes de France, qui sont avec moi
les co-présidents de ce Conseil. Il y a parmi nous
également le Pasteur Jean-Arnold de Clermont, co-président
sortant mais actuellement aussi président de la Conférence
des Eglises européennes, responsabilité que
votre Sainteté a assumée, avant d’être
élu Patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Quelques
membres du secrétariat et des services de notre Conférence
sont également présents.
Sainteté, nous sommes très honorés de
ce voyage que vous faites en France. Nous savons que vous
avez eu l’occasion autrefois de connaître notre
pays. Mais, c’est la première fois que, comme
patriarche de Moscou et de toutes les Russies, vous répondez
à l’invitation d’une Eglise catholique
locale. Je souhaite que ce voyage renforce les liens de fraternité
évangélique entre nos Eglises.
Ces liens existent et ils sont anciens. Nous savons tout ce
qu’une présence russe, souvent liée à
l’immigration, a apporté et continue d’apporter
à notre pays : témoignages de croyants, présence
de théologiens, de spirituels et d’artistes,
autant de découvertes, d’émerveillement
et d’enrichissements mutuels pour beaucoup de catholiques.
Mais nous avons certainement à approfondir ces liens
par une meilleure connaissance de chacune de nos Eglises.
Nous avons eu, tout au long du XXème siècle,
une histoire différente. Mais aujourd’hui, dans
le respect, la bienveillance et l’estime mutuelle, nous
pouvons partager les fruits spirituels de renouveau dans la
foi et de dynamisme évangélique que l’Esprit
saint ne cesse de faire croître dans chacune de nos
Eglises.
Outre le don du salut reçu, ce qui doit aussi nous
rapprocher, c’est notre commune mission, celle de témoigner
aujourd’hui de la Bonne nouvelle de l’Evangile
à des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants
qui ne la connaissent pas, que ce soit en Russie, en France
ou dans la plupart des pays d’Europe. N’avons-nous
pas à partager ensemble nos convictions missionnaires
et nos pratiques apostoliques ?
Cette responsabilité du témoignage nous conduit
tout naturellement à être au clair sur le sens
de l’homme qui nous habite, sur les valeurs fondatrices
que nous souhaitons promouvoir dans l’édification
de nos sociétés et tout particulièrement
dans cette grande maison de l’Europe. Nos Eglises ne
sont pas sans réflexion ni expérience sur ce
qui rend une société plus humaine ou au contraire
la déshumanise. Catholiques et orthodoxes russes ont
élaboré, chacun, une doctrine sociale. Les Editions
du Cerf ne vont-elles pas publier, dans les jours qui viennent,
le grand texte de votre Eglise sur Les fondements de la doctrine
sociale, avec une introduction par le métropolite Cyrille
de Smolensk et de Kaliningrad ? Je crois que nous avons tout
intérêt à réfléchir ensemble
à ces questions. Dans une société européenne
marquée par un phénomène profond de sécularisation
et où l’idéologie de la consommation risque
d’oublier que « l’homme ne vit pas que de
pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu »,
il nous faut témoigner ensemble de la dimension transcendante
et sacrée de toute personne humaine, de l’importance
de la solidarité et de la destination universelle des
biens. A la dernière Assemblée œcuménique
européenne de Sibiu, les Eglises chrétiennes
ont rappelé quelle responsabilité les chrétiens
doivent assumer dans l’édification de l’Europe.
Ils ne peuvent pas déserter ce lieu de construction
et parfois de combat. Certes, on a raison de parler des racines
chrétiennes de l’Europe mais il ne faut pas en
parler, même si c’est très important, seulement
en termes historiques ou patrimoniaux, c’est-à-dire
en référence au passé. Il est important
de montrer par l’engagement de tous les chrétiens
et de toutes les Eglises que ces racines, aujourd’hui,
sont sources de vie et peuvent porter beaucoup de fruits.
Sainteté, permettez-moi en terminant d’exprimer
un vœu : vous savez qu’il y a dans le cœur
de beaucoup de catholiques ce souhait et ce désir qu’il
puisse y avoir dans l’avenir, au moment approprié,
une rencontre entre votre Sainteté et sa Sainteté
le pape Benoît XVI. Celle-ci pourrait être, non
pas forcément le point d’aboutissement d’un
long processus de clarification préalable, même
si des points doivent, de fait, auparavant être abordés,
mais le point de départ commun d’une longue marche
à parcourir ensemble au service de Dieu et au service
tous les hommes, aimés de Dieu. Puisse votre voyage
en France contribuer à impulser cette dynamique de
la fraternité. Nous sommes prêts à nous
y engager avec vous. Que le Seigneur nous bénisse tous,
en nous donnant sa lumière et la force de son Esprit.
+ Jean-Pierre cardinal RICARD
Archevêque de Bordeaux et Bazas
Président de la Conférence des évêques
de France
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