Rappel
de quelques convictions à l'approche des élections |
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La proximité des élections, présidentielles
puis législatives, conduit de nombreux catholiques
à sinterroger sur le contenu des programmes
présentés par les divers candidats. Le Conseil
permanent a proposé, il y a quelques mois, le message
« Quas-tu
fait de ton frère ? » comme une «
invitation à soutenir la vie démocratique
dans notre pays par la réflexion et par laction
». Dans nos diocèses, beaucoup ont travaillé
ce texte et y ont fait référence. Le document
publié sous la responsabilité du Conseil pour
les questions familiales et sociales, intitulé «
Perspectives
pour une société juste et fraternelle
», a également stimulé la réflexion
de bien des groupes.
A quelques semaines des élections présidentielles,
dans le cadre de cette Assemblée plénière,
nous souhaitons rappeler quelques-unes de nos convictions.
Soyons clairs. Nous navons pas à dire pour
quel candidat voter. Il nappartient pas à la
compétence des évêques de donner des
consignes de vote ! Chacun vote selon sa conscience. Mais
cette conscience doit être éclairée
par une réflexion et un discernement préalables
(1). Comme tout citoyen, un catholique devra se poser les
questions suivantes :
vu lanalyse de la situation de la France, quel est
le programme politique qui correspond le mieux à
la politique à promouvoir ?
ce programme est-il réaliste ?
le candidat ou la candidate qui le promeut semble-t-il avoir
les qualités qui correspondent à ce quon
attend dun Président de la République
?
Dans sa réflexion, un catholique doit tendre à
une cohérence entre ses choix politiques et ses convictions
chrétiennes, entre lapprobation dun programme
et la vision de lhomme qui lui vient de sa foi. Cest
pour aider à un tel discernement que lEglise
a développé, à partir de lEvangile,
de sa Tradition et de son expérience concrète,
une pensée sociale, appelée aussi «
Doctrine
sociale de lEglise » . Cet enseignement
de lEglise offre dutiles critères de
réflexion. Ces critères ne sadressent
dailleurs pas seulement aux catholiques. Ils peuvent
être adoptés par dautres plus largement.
Evoquons-en quelques-uns particulièrement importants
aujourdhui.
Nous voulons redire clairement notre oui en faveur de
la famille, cellule de base de la communauté
humaine et premier lieu où les hommes et les femmes
apprennent la confiance en eux-mêmes et dans les autres.
Elle a besoin, aujourdhui plus que jamais, dêtre
soutenue. Nous disons oui à la famille fondée
sur le mariage dun homme et dune femme, ouverte
à la procréation, oui au droit qua lenfant
davoir un père et une mère.
Cest dailleurs cela qui nous fait dire non aux
unions entre personnes de même sexe et à ladoption
denfants par de tels couples.
Nous disons oui à tout ce qui est fait pour accompagner
les personnes en fin de vie, en respectant leur dignité,
en luttant contre la souffrance physique et psychique. Nous
disons oui au développement des soins palliatifs
et à la formation dun personnel soignant qualifié
pour cela.
Mais il nous faut dire clairement non à lacharnement
thérapeutique, non à la reconnaissance dun
prétendu « droit à la mort » que
constituerait une légalisation de leuthanasie.
Quel signal négatif ceci représenterait de
la part de la société vis-à-vis des
plus faibles de ses membres ! De plus, on peut craindre
que, très vite, les exigences économiques,
pesant lourdement sur le monde de la santé, viennent
dicter les choix en ce domaine. La dignité de la
vie, qui est toujours à renforcer et à promouvoir,
ne conduit, en aucune façon, à admettre une
exception deuthanasie.
Nous voulons également dire oui à tout
ce qui conduit à un plus grand partage du travail
et des richesses et non à ce qui favorise linégalité
grandissante dans le monde et dans notre pays. En effet,
la mondialisation de léconomie nous pousse
à nous interroger fortement sur nos comportements
personnels et collectifs. De même, les enjeux environnementaux
nous questionnent : quelle planète voulons-nous léguer
aux générations futures ? Sommes-nous attentifs
aux choix politiques qui favorisent un développement
solidaire ? Sommes-nous prêts à modifier notre
mode de vie afin de permettre un réel développement
des pays les plus pauvres, en particulier en Afrique ? Il
est important de lancer aujourdhui cet appel et de
tenir un langage de vérité sur ces questions.
Cette ouverture sur le monde est aussi une exigence pour
lEurope : « LEurope ne saurait se replier
sur elle-même. Elle ne peut ni ne doit se désintéresser
du reste du monde ; elle doit au contraire garder pleine
conscience que dautres pays, dautres continents
attendent delle des initiatives audacieuses, pour
offrir aux peuples les plus pauvres les moyens de leur développement
et de leur organisation sociale, et pour édifier
un monde plus juste et plus fraternel ». (2)
De même, nous ne pouvons pas réfléchir
aux questions autour de limmigration en dehors de
ce contexte général. Nous disons oui à
un accueil des immigrés, généreux,
responsable et respectueux des droits de lhomme, et
nous avons à y prendre notre part.
Nous ne pouvons pas accepter la libre circulation de largent,
des marchandises, des informations et, dans le même
temps, barrer la route aux immigrés ou vouloir les
renvoyer chez eux.
Ce qui ne veut pas dire pour autant quil ny
a pas aussi des limites à cette capacité daccueil
dans notre pays. Il est normal quun gouvernement définisse
une politique de limmigration mais celle-ci doit alors
tenir compte de nos responsabilités spéci-fiques
quant au développement des pays les plus pauvres.
Elle doit également respecter pleinement la dignité
de ceux qui, pour des raisons politiques, économiques,
religieuses, sont amenés à quitter, au prix
de grandes difficultés et parfois au risque de leur
vie, leur pays dorigine. (3)
Plus que jamais, notre pays a besoin de convictions fortes,
dune vision de lhomme qui soit claire sur la
défense de ses droits et le rappel de ses devoirs.
Notre vie en société appelle des points
de repère nets sur les exigences du bien commun et
sur la mise en uvre effective de la fraternité.
Les lois que notre pays est amené à voter
ne sauraient se résumer à un simple rapport
de forces au gré des résultats électoraux
successifs. Elles doivent nécessairement avoir un
fondement par rapport au bien commun de la société
qui représente tout autre chose que la somme des
intérêts particuliers des uns et des autres.
Il ne faut pas laisser le respect des valeurs fondamentales
être le jouet de linfluence de groupes de pression
sectoriels ou dorchestrations médiatiques.
Notons, à ce propos, que la législation passe
souvent très rapidement, en particulier dans le domaine
du respect de la vie et de la dignité humaine, dune
exception, encadrée et dérogatoire, à
la définition dun droit pur et simple. On la
vu à propos de lavortement où lon
est passé dune logique de détresse à
laffirmation dun droit qui paraît évident
et auquel il devient de plus en plus difficile de résister
tant les pressions sont fortes. Ceci, bien entendu, ne rend
pas compte des drames intimes qui se jouent et des traumatismes
qui demeurent.
Dans le domaine de la recherche bioéthique, il faut
certes se féliciter des progrès de la science
et encourager la recherche pour pouvoir guérir un
certain nombre de maladies. Mais comment ne pas sinterroger
sur les évolutions législatives, deman-dées
par certains, qui verraient des comportements, hier punis
sévèrement comme transgressant des interdits
fondamentaux de notre humanité, devenir tout à
coup, dans lespérance hypothétique dun
progrès thérapeutique, des droits purs et
simples ? Tout ceci conduit à une fragilisation de
la valeur de la loi et des fondements de la vie sociale.
En esquissant ces quelques points et en développant
cette réflexion, nous ne définissons pas un
programme politique et ne prenons pas parti pour tel ou
tel candidat. Nous voulons simplement rappeler que le respect
de ces exigences nest pas compatible avec nimporte
quel choix politique.
Dans une note publiée en 2002, la Congrégation
pour la Doctrine de la foi rappelait « que la conscience
chrétienne bien formée ne permet à
personne dencourager par son vote la mise en uvre
dun programme politique ou dune loi dans lesquels
le contenu fondamental de la foi et de la morale serait
évincé par la présentation de propositions
différentes de ce contenu ou opposées à
lui ». (4) Dans la pratique, le choix dun
candidat peut paraître difficile. A chacun de choisir
pour la fonction prési-dentielle, qui de toute façon
doit être assurée, le candidat dont le programme
paraît le plus proche de cette vision de lhomme
et de la société que nous venons dévoquer.
Nous voulons, en terminant, redire limportance
et la noblesse de lengagement politique. Les disciples
du Christ ne sauraient le déserter ni le décrier.
Parce quils se veulent « au service de tous
et sans ambition de pouvoir, les chrétiens se sentent
à laise dans une société démocratique
et laïque. Ils lui apportent leur contribution, sans
accepter que leur foi soit reléguée dans la
"sphère du privé". Cette foi a une
dimension humaine et sociale. La démocratie, pour
être vivante, » doit faire « droit à
ses références religieuses et philosophiques
dans le débat public ».(5) Le domaine de la
politique nest-il pas, selon la célèbre
phrase du pape Pie XI, « le champ de la plus vaste
charité, la charité politique » ? (6)
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le texte
(1) : « La conscience a besoin dêtre
formée. Nous sommes responsables devant notre conscience,
ultime témoin de Dieu. Mais nous sommes responsables
aussi de notre conscience », Catéchisme pour
adultes des Evêques de France, 1991, n° 502.
(2) : Jean-Paul II, Lettre au Cardinal Vlk, président
du Conseil des conférences épiscopales européennes,
16 octobre 2000, n° 7
(3) : Catéchisme de lEglise catholique, 1992,
n° 2241
(4) : Note doctrinale de la Congrégation pour la
Doctrine de la foi, « Questions sur lengagement
et le comportement des catholiques dans la vie politique
», 24 novembre 2002, n° 4 ; cf. aussi Catéchisme
de lEglise catholique, n° 2242, et Encyclique
Evangelium Vitae, n° 73
(5) : Commission sociale de lépiscopat, Réhabiliter
la politique, 1999, n° 35.
(6) : Pie XI, A la Fédération universitaire
catholique, 18 décembre 1927.
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