Comité Episcopal des Migrations
et des Gens du Voyage
269 bis, rue du Fbg Saint-Antoine 75011
Paris
Jai vu la misère de mon
peuple
Avec courage et avec cur, des
communautés paroissiales et leurs pasteurs ont accueilli
ces dernières semaines des sans-papiers dans leurs
locaux. Beaucoup de gens croyants ou non sinterrogent.
Pourquoi cet asile ? Pourquoi dans les églises ?
Nous voulons répondre à ces questions
Qui sont ces personnes sans-papiers qui
ont demandé lasile en Eglise ?
Ce sont des hommes et des femmes pour la plupart originaires
de pays pauvres : Afrique sub-saharienne, Maghreb,
Turquie, pays Asiatiques. Beaucoup sont célibataires,
mais gardent des solidarités avec leur famille restée
au pays à qui ils envoient une part de ce quils
peuvent gagner chez nous. Certains sont déboutés
du droit dasile mais expriment des craintes justifiées
en cas de retour dans leur pays.
Ces hommes et ces femmes sont là depuis longtemps.
Ils ont mis tout leur espoir dans lopération
de régularisation décidée par le gouvernement
en juin 1997. Ils ont fait confiance à ladministration
en lui remettant toutes les données de leur situation.
Certains ont reçu de la préfecture une invitation
à quitter le territoire français alors quils
étaient en situation régulière dans
le passé. Leur déception est grande. Cest
la ruine de leur projet, lincertitude sur leur avenir,
léchec de laventure quils ont tentée
en venant jusque chez nous.
Pourquoi dans les églises ?
Lorsque les portes de ladministration se referment,
les églises leur apparaissent lultime recours.
Certes, ils pourraient aussi choisir dautres lieux
daccueil. Mais ils savent que rien de ce qui touche
la dignité de lhomme nest étranger
à lEglise. Ils sont accompagnés depuis
longtemps par des chrétiens dans leurs démarches
auprès des administrations. Ils espèrent par
cette présence dans les salles paroissiales, attirer
lattention de lopinion publique sur la détresse
de leur situation, et amener les pouvoirs publics à
revoir leur dossier en vue dune régularisation.
Pourquoi les catholiques de ces paroisses
les ont-ils accueillis ?
Les motivations de cet accueil sont enracinées dans
la tradition de lEglise.
Les chrétiens qui ont accueilli les sans-papiers
ont compris leur souffrance. Ils ont pris le risque de lhospitalité.
Toutefois, la question posée par le Conseil dEglises
Chrétiennes en France demeure : " Dans
une société laïque et sécularisée,
les églises ont elles à devenir les seuls
sanctuaires où se réfugient ceux qui veulent
clamer leur détresse ? " (CECF Juil.
96).
Les chrétiens ont la conviction que leur relation
au Christ est engagée dans cet accueil et dans ces
nouvelles relations de solidarité nouées avec
" des personnes sans-droits ", " Jétais
un étranger et vous mavez accueilli "
(Mt 25).
Lorsquelle accueille des sans-papiers, lEglise
nest pas en dehors de sa mission. " En
tant que sacrement dunité, lEglise est
le lieu où les immigrés en situation illégale
sont reconnus et accueillis comme des frères ".
(Message du Pape Jean-Paul II pour la Journée Mondiale
des Migrants, 1996).
La plupart du temps, les hôtes des paroisses se sont
engagés à respecter le libre exercice du culte
et la prière des fidèles dans les églises.
Les salles quils occupent sont attenantes au sanctuaire.
Il faut constater quune telle décision est
difficile à prendre. Il nest pas admissible
que les communautés paroissiales soient mises devant
le fait accompli par les sans-papiers.
Des instances de liaison avec les préfectures ont
été mises en place, pour une révision
des dossiers. Un dialogue, clair et fraternel, sest
instauré entre ceux qui accueillent et ceux qui sont
accueillis. De si loin que viennent ces sans-papiers, ils
sont devenus le prochain de ceux qui ont accepté
de leur offrir lhospitalité.
Quelle signification peut-on donner à
cette présence
des sans-papiers dans les églises ?
Cest un signal dalarme.
Une partie des nouvelles mobilités internationales
sont causées par lextrême misère
dans laquelle vivent certains pays du Tiers-Monde. Elles
sont également provoquées par les atteintes
aux droits essentiels de la personne humaine qui sont le
lot de nombreux peuples. Les sans-papiers donnent un visage
à cette souffrance. Ils sont le cri du Tiers-Monde
venant retentir jusquau cur de nos sociétés.
La prévision dAlfred Sauvy se réalise :
" Si les richesses ne vont pas vers les hommes,
ce sont les hommes qui viendront vers les richesses ".
Nous devons prendre en considération des chiffres
qui parlent deux-mêmes : dans lUnion
Européenne le PIB par habitant sélève
à 84 000 F par an. Dans de nombreux pays dAfrique
doù viennent les nouveaux migrants il est de
4 500 F. Beaucoup dentre eux venus travailler chez
nous envoient la majeure partie de leur salaire dans leur
famille restée au pays ; ils rendent ainsi possibles
des initiatives de développement dans leur pays dorigine.
Cette solidarité mérite respect et considération.
Saurons-nous y découvrir un appel à notre
propre solidarité ?
Le Comité Episcopal des Migrations
Le Comité Episcopal soutient les communautés
catholiques qui ont accordé lhospitalité
aux sans-papiers et tous ceux qui travaillent à ce
quils soient reconnus.
A la suite du Conseil dEglises Chrétiennes
en France, (9/11/97) il demande une large régularisation
tenant compte des impératifs de la solidarité,
spécialement en faveur des célibataires.
Cette régularisation " large "
ne répond pas aux seules exigences de la générosité.
Elle paraît également raisonnable : de
nombreuses personnes non régularisées ne pourront
être reconduites à la frontière et risquent
de retomber dans la clandestinité. Cette situation
peut être cause de manifestations de désespoir
préjudiciables à lordre public.
Conscient du nécessaire respect de la loi, le Comité
exprime les souhaits suivants :
- que la procédure de régularisation tienne
compte davantage des possibilités contenues dans
la législation prochainement votée, notamment
en matière dasile territorial et de durée
du séjour sur le sol français.
- Que la politique de co-développement récemment
proposée dans un rapport remis au Premier Ministre
puisse être rapidement étudiée et adoptée.
Elle permettrait un partenariat entre pays dorigine
et pays daccueil et prendrait en compte le soutien
que les migrants présents en France peuvent apporter
au développement de leur pays.
Le Comité travaille avec dautres associations
et mouvements dEglises chrétiennes qui ont
pour objectif la solidarité entre les peuples. Avec
eux, il est prêt à dialoguer avec les responsables
politiques sur les moyens de répondre à lappel
des sans-papiers dans loptique de la solidarité
et de la sagesse.
En ce temps de montée vers Pâques, il appelle
les communautés catholiques à réfléchir
sur la manière dont elles peuvent mieux connaître,
rencontrer et soutenir ces " personnes sans-droits ".
Aller à la rencontre de lautre est une conversion
à laquelle nous appelle le Christ. En mourant sur
la Croix, " il a détruit le mur de la
haine " qui tient encore les peuples repliés
sur eux-mêmes. En ressuscitant, il a donné
naissance à un peuple nouveau où chacun peut
entendre cette Bonne Nouvelle " Vous nêtes
plus des immigrés ou des étrangers... Nous
sommes tous membres de la famille de Dieu ! "
(Eph. 4...)
Dans la perspective de la lettre des Evêques aux
catholiques de France, " Nous sommes appelés,
à la suite de Jésus, à affronter lépreuve
du mal, avec la force de la foi, en y ouvrant des chemins
de résurrection. Cet affrontement exige que nous
nous tenions et agissions là où des êtres
humains souffrent, désespèrent et attendent
une délivrance ". Plus que jamais la foi
nous invite " À la rencontre de lautre "*
Le Comité Épiscopal des Migrations :
Mgr Jean-Charles Thomas, évêque de Versailles,
Président
Mgr Eugène Lecrosnier, évêque de Belfort-Montbéliard
Mgr Jacques Bouchet, vicaire général de Marseille
Mgr Yves de Mallmann, vicaire épiscopal de Paris
Le Père Gilbert Bommé, vicaire épiscopal
de Nantes
Le Père Dominique Simon, vicaire épiscopal
de Blois
Le Père André Raymond, délégué
diocésain de Saint-Étienne
Le Père Charles Bense, vicaire épiscopal
de Pau
Le Père Pierre Trillas, vicaire épiscopal
de Perpignan
Le Père Jean-François Berjonneau, secrétaire
du Comité Episcopal.
Paris le 7 avril 1998.
* cf. document du Comité Episcopal - Ed. de lAtelier
- décembre 1997.
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