Communiqué de presse
Le travail est-il pour lhomme?
Déclaration du Comité épiscopal du
monde ouvrier et du Secrétariat national de la mission
ouvrière, 1er mai 2000.
Le débat sur la réduction du temps de travail
relance des questions sur la place du travail dans notre
société.
Des progrès technologiques remarquables ont bouleversé
les façons de travailler. La course au profit engendre
de nouvelles dépendances: exigences de souplesse
et de flexibilité, pratique des flux tendus. De plus
en plus de salariés expriment létat
de stress dans lequel ils vivent, eux et leurs familles.
Faut-il donc tout accepter pour garder son emploi?
Le monde du travail est marqué par une précarité
grandissante. La plupart des nouvelles embauches se font
hors contrat stable. Ce qui était prévu comme
mesure dinsertion devient mode normal de recrutement.
Même si le chiffre officiel des chômeurs diminue,
nous ne pouvons pas nous résigner à voir des
travailleurs ballottés entre stages, intérim
et CDD, pour finir dans le cycle infernal du chômage.
Les inégalités sociales saccentuent.
Pourquoi vouloir travailler moins? Pour une moindre fatigue
et une meilleure santé, mais aussi pour avoir le
temps de vivre en famille et dans les différents
lieux où chacun est appelé à exercer
sa responsabilité de citoyen. Que deviennent ces
objectifs avec lannualisation du temps de travail
et quand il devient difficile de prévoir son emploi
du temps? Le projet veut dabord contribuer à
la création d'emplois. Un effort important est engagé
par les organisations syndicales pour concrétiser
cet objectif. Des résultats sont obtenus. La vie
militante y a trouvé un nouveau dynamisme. Les négociations
sont loccasion, particulièrement pour les jeunes,
de découvrir les syndicats et dy prendre leur
place.
Le regard que nous portons sur ces situations est marqué
par nos options sociales et politiques. Nous sommes aussi
éclairés et animés par notre foi de
chrétiens.
Nous croyons en Dieu solidaire des hommes. Quand lhomme
est blessé, atteint dans sa dignité, Dieu
lui-même est touché. Il est éprouvé
par notre souffrance. Il nous donne la capacité
de lutter contre tout ce qui écrase les personnes.
Il nous redit comme autrefois à Moïse: «Jai
vu la misère de mon peuple, je lai entendu
crier. Je connais ses souffrances. Je suis descendu pour
le délivrer
Va je tenvoie.» Quand
Jésus vient partager la vie des hommes et des femmes
voici 2000 ans, il rencontre dabord les malades et
les exclus, permettant à chacun de se lever, de retrouver
goût à la vie et de reprendre sa place dans
la société: «Lève-toi et marche!»
Nous croyons à la force de la Parole de Dieu qui
nous crée à limage de Jésus et
nous rend libres et responsables. Il nous envoie «pour
que tous aient la vie et la vie en abondance.» Dans
notre foi, nous puisons le courage de lespérance.
Nous ne sommes pas prisonniers de la fatalité. Ce
monde est entre nos mains.
Le XXe siècle souvre sur un capitalisme triomphant
dans lequel le marché est la loi; le profit, la norme
daction; la consommation, lobjectif. Nous vivons
dans un monde devenu planétaire. La mondialisation
de léconomie marque notre existence quotidienne.
Dans ce cadre, les marchés financiers jouent un rôle
considérable. Des entreprises rentables ferment leurs
portes dès quil est possible de produire moins
cher ailleurs. Dans le même temps saffichent
sans pudeur des profits gigantesques et les salaires scandaleux
de quelques-uns. Nous ne nous résignerons jamais
à une mondialisation synonyme dexploitation.
Dans ce contexte, beaucoup de décisions nous sont
présentées comme inéluctables. Nous
refusons cette façon de voir. Ce qui se passe aujourdhui
ne résulte pas de la fatalité mais de choix
sociaux, économiques, politiques conscients. Dautres
choix qui servent davantage le bonheur et lépanouissement
du plus grand nombre sont possibles. Lune des grandes
tâches actuelles consiste à maîtriser
la sphère économique. Cela ne se fera pas
sans la participation des travailleurs et sans une prise
de conscience plus forte de notre solidarité au plan
international.
Nous ne pouvons pas accepter que le travail soit considéré
comme une simple marchandise. Dans son encyclique sur le
travail, le pape Jean-Paul II écrivait: «LÉglise
est convaincue que le travail constitue une dimension fondamentale
de lexistence de lhomme sur la terre
Le
travail est avant tout, pour lhomme, et non lhomme
pour le travail.» Si le travail n'est pas le seul
lieu dinsertion et de reconnaissance sociales, il
est un lieu central et déterminant pour la structuration
des personnes et de la vie sociale. Avec tous les militants
qui luttent au quotidien avec leurs organisations, nous
continuons à affirmer que le travail est un droit
pour tous, jeunes, hommes et femmes, français et
immigrés.
Nous avons choisi de faire paraître ce message pour
le 1er mai, journée significative dans lhistoire
des travailleurs et du mouvement ouvrier. Nous voulons quil
marque notre solidarité avec ceux qui subissent des
situations injustes et avec ceux qui refusent de baisser
les bras. Quil soit un encouragement pour tous ceux
qui, dans leurs diverses responsabilités, continuent
à croire que créer des emplois, cest
possible. Quil soit une invitation à prendre
sa place dans laction avec dautres.
Nous souhaitons aussi que cette déclaration soit
loccasion déchanges à partir de
ce qui se joue dans le monde du travail: quelle société
voulons-nous construire? Sur quoi se fondent nos choix?
Quels objectifs cherchons-nous à atteindre?
La construction dun monde plus juste est la condition
de la paix. Nous avons besoin de partager, dans la diversité
de nos idées et de nos croyances, nos raisons de
vivre et dagir. Ensemble nous pourrons tenir et espérer
encore.
Contact : Père Daniel Pizivin, Secrétariat
du comité épiscopal de la mission en monde
ouvrier, 29 place du Marché Saint-Honoré 75001
Paris. Tél. 01 42 61 06 01 Fax 01 42 97 44
60.
.
|