Déclaration du cardinal Jean-Marie
Lustiger, archevêque de Paris,
mercredi 12 septembre 2001
"Une horreur qu'il est impossible de dire" : tels
sont les mots du Pape. Je suis sous le coup de cette tragédie
qui m'effraie pour l'humanité. Le terrorisme, nous
savons ce que c'est : des attentats individuels, parfois
collectifs ; il y en a eu à Paris pour faire parler
de soi ou de sa cause, pour conditionner l'opinion publique
; une stratégie politique qui ne recule pas devant
le risque du crime.A New York et Washington, le terrorisme
devient une guerre. Le monde entier a vu une ville dévastée
comme après un bombardement. Quelle guerre ? La troisième
guerre mondiale ? Que Dieu nous en garde !Mais il y a encore
plus grave : cette guerre est nourrie par la haine. Les
évêques américains sont les seuls à
avoir prononcé ce mot : " la haine ". Oui,
c'est la haine qui arme les bras et qui rend les gens fous
au point de préférer se tuer pour tuer. C'est
l'inverse des martyrs. Le martyr donne sa vie pour sauver
des vies. Le fou, suicidaire, le kamikaze, se tue pour tuer.Cette
guerre, c'est la guerre de la haine entre les peuples. Pour
arrêter la guerre, il faut arrêter la haine.
Sinon, ce nouveau siècle sera écrasé
par un conflit inexpiable.Il faut désarmer la haine.
Les gens de raison doivent accepter de se parler, de discuter,
de se traiter en êtres humains ; qu'ils se défassent
de leurs préjugés raciaux, religieux, ethniques,
pour se reconnaître les uns les autres frères
en humanité. Sinon même la simple équité
ne pourra empêcher des conflits mortels. Le droit
ne peut s'imposer qu'au nom de la justice acceptée
.Pour nous, chrétiens, il nous faut pardonner, faire
miséricorde, aimer. Car sans amour, il n'y a pas
de miséricorde. Et sans miséricorde, il n'y
a pas de véritable amour et il n'y a pas de paix
possible.Il faut arrêter la gangrène de la
haine qui provoque la guerre et la mort.
Ce soir, à Notre Dame de Paris, je prierai avec
les parisiens. Humble et pauvre prière, acte de vérité
qui peut arrêter cette fatalité, puisqu'il
dépend de nous d'aimer, même nos ennemis, comme
Jésus l'a dit.
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