Comme tous les évêques de France, je souffre
pour mon pays. Il y a une crise profonde au niveau de l'autorité
de l'Etat et du sens de la vie politique. Il faut toujours
rappeler que notre République est basée sur
les droits de l'Homme et du Citoyen. Nous oublions cette deuxième
dimension. S'il y a des droits, il y aussi des devoirs. L'homme
n'est pas un individu isolé mais aussi un citoyen.
Ce qui signifie trois choses :
1. L'abstention est un mal pour notre pays. C'est l'échec
de la démocratie et tous nous en voyons les résultats.
L'abstention signifie qu'une partie des citoyens de notre
pays se désintéressent de ce vivre ensemble.
La crise est profonde. Elle touche toute la société.
Nous avons désormais des moyens de vivre mais nous
avons perdu des raisons de vivre ensemble. Quelque part la
démocratie est en danger.
2. Le sens du politique : tous les hommes et femmes engagés
dans la politique ne sont pas des " pourris ". Il
y a une seconde crise : celle de la reconnaissance du pouvoir
politique. Ceux qui sont engagés au service de la société
méritent d'abord notre respect. Je prie chaque matin
pour ceux et celles qui ont des responsabilités dans
ce département. J'essaie aussi d'aller à leur
rencontre et des les écouter. Quand l'autorité
de l'État disparaît, elle laisse place à
la dictature de tel ou tel groupe, ou à l'autoritarisme
de quelques-uns. Voulons-nous cela pour notre pays ?
3. La peur est mauvaise conseillère. On ne résiste
pas à la violence en incitant à la haine. Si
nous souhaitons la sécurité, la justice, la
vérité, la fraternité, sachons que ces
valeurs ne se construisent jamais sur l'exclusion, le rejet
de l'autre. Elles ont comme fondement : la confiance, le respect
de la différence, le souci du faible.
Finalement, cette crise montre que nous avons besoin de retrouver
les raisons de notre vivre ensemble. S'il y a une raison sur
dix de se séparer, il y a sans doute neuf raisons sur
dix de continuer à vouloir vivre ensemble dans notre
pays. Les hommes et les femmes de ce temps ont besoin d'entendre
cette parole que Dieu adresse à Caïn dans la Bible
: " Qu'as-tu fait de ton frère ? ". Ce n'est
pas en nous repliant sur notre individualisme que nous construirons
la société de demain, mais en nous ouvrant à
la différence et en sachant que l'autre, en tout cas
pour Dieu, est d'abord un frère à accueillir.
Jean-Claude Boulanger
Evêque de Sées
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