Depuis deux ans, une large concertation était menée
pour une réforme en profondeur du monde pénitentiaire,
afin d'imaginer une prison digne de "la Patrie des Droits
de l'Homme". Une nouvelle loi pénitentiaire devait
entériner ce travail que les élections présidentielle
et législatives ont différé ou peut-être
ajourné sine die.
Aucun projet de loi n'est parfait tant les objectifs des
uns et des autres sont divergents, mais il s'agissait de mieux
définir les droits et devoirs des personnes détenues,
et en même temps de prendre en compte les demandes légitimes
des personnels pénitentiaires. Les associations qui
ont participé à la consultation soulignaient
les lacunes du projet de loi, mais tout autant les espoirs
qu'il faisait naître. Au-delà de toute polémique
partisane, nous savons bien que l'amélioration des
conditions carcérales offre une chance aux personnels
de surveillance d'exercer leurs fonctions dans des conditions
qui valorisent et honorent leur profession.
Jouer avec la peur et l'insécurité ne peut que
dresser personnels de surveillance et personnes détenues
dans une défiance réciproque et ainsi exaspérer
l'insécurité de la vie carcérale. Personne
dans la prison n'aurait à y gagner.
L'évolution des jeunes détenus issus en majorité
de l'immigration, que la vie moderne marginalise et que l'opinion
sécuritaire stigmatise ; la proportion devenue très
importante des personnes incarcérées pour délits
ou crimes sexuels ; le nombre de gens atteints de troubles
psychologiques graves
tout cela rend la gestion de la
prison problématique : l'incarcération très
difficile à supporter pour les plus faibles et les
tâches de surveillance et de réinsertion particulièrement
ingrates. Il s'agit bien sûr de sécuriser tant
les surveillants que les personnes détenues, il s'agit
aussi, et pour nous surtout, des moyens qu'on donnera aux
personnels de faire vraiment et dignement leur métier.
Quelle prison veut-on et pour quoi faire ? C'est simpliste
et dangereux de demander à la prison d'éliminer
celles et ceux qu'on ne veut plus voir dehors.
La vengeance est un poison dangereux qui mine les victimes
et leurs familles : nous ne leur rendons pas service en exaspérant
la haine de ceux qui ont causé leurs souffrances, voire
même anéanti leurs vies. Les victimes n'ont pas
besoin d'être les "otages" de nos peurs, elles
ont surtout besoin de notre compassion et de notre fraternité.
Les familles des personnes détenues sont elles aussi
victimes, elles paient le prix fort de l'incarcération
de leurs proches. Il y a une stigmatisation des délinquants
qui jette l'opprobre sur leurs familles et rend toute réinsertion
plus difficile, voire impossible. Si on veut que celles et
ceux qui sortent de prison s'en sortent aussi, il importe
qu'ils retrouvent dans leur milieu familial un climat propice
à reprendre pied dans la vie.
Nous côtoyons quotidiennement des personnes détenues,
nous ne sommes pas envoyés auprès d'eux pour
les justifier, eux et leurs actes. Nous voulons rendre compte
auprès de ceux que la justice a condamnés et
l'opinion publique stigmatisés, qu'un avenir leur reste
ouvert : quoi qu'ait pu commettre un homme, Dieu ne l'enferme
pas dans son passé et ne désespère jamais
de lui. C'est notre manière d'uvrer à
la réinsertion et nous croyons qu'ainsi nous contribuons,
modestement mais très efficacement, à la sécurité
de tous.
Hervé Renaudin
évêque de Pontoise
Président du comité episcopal Justice et
Société
et de l'aumônerie catholique des prisons
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