Cette expression appartient au vocabulaire politique. Des
chrétiens l'utilisent volontiers. Reste à savoir
le contenu d'une expression aussi généreuse
qu'imprécise. Le Conseil permanent de la Conférence
des évêques de France a rappelé quelques
objectifs de "ce que nous avons à réaliser
pour le bien de tous", et confirmé "les chrétiens
reconnaissent dans la politique une forme éminente
de la charité". Comment éclairer de telles
affirmations ?
Tout d'abord les débats électoraux contribuent
à la compréhension de la démocratie qui
suppose l'apport de chacun. Il y a de telles tensions autour
de la conquête et de l'exercice du pouvoir, avec une
violence sous-jacente prête à ressurgir, qu'onpeut
se réjouir après chaque échéance
électorale, quand il n'y a pas eu de violence et, a
fortiori, quand il n'y a pas eu de sang versé. Les
bienfaits de la régulation démocratique sont
indéniables quand on observe de par le monde des coups
d'état ou des phénomènes révolutionnaires
avec leur cortège de misères.
La démocratie est donc "une chance offerte"
si chacun, attentif à la société qui
l'entoure donne sa "voix". L'idéal jamais
atteint serait qu'il n'y ait pas de "sans voix".
Mais l'histoire nous apprend que l'équilibre du jeu
démocratique reste toujours fragile. Parmi les causes
qui détériorent la démocratie, on peut
citer l'absentéisme et le désintérêt,
la démagogie qui utilisent des ressorts tels que l'envie
ou la peur au lieu de faire appel à l'intelligence
plutôt qu'à l'instinct, le lamentable détournement
des symboles chrétiens, etc.
C'est donc sans naïveté, avec courage et audace,
que l'engagement politique peut prétendre s'exercer
comme une " forme éminente de la charité
" et participer à la mise en uvre de la
parole de Jésus " Aimez-vous les uns les autres
", incompatible avec toutes les xénophobies.
Parler du bien commun, cela signifie ne pas tirer la couverture
à soi par égoïsme ou par corporatisme,
mais ouvrir son cur et son intelligence afin que la
sociéta le "vivre ensemble" se traduise dans
des choix effectifs.
Le débat électoral doit mettre au jour le souci
de tous ceux qui ont besoin de la solidarité : personnes
ayant un handicap, chômeurs, malades, étrangers
déracinés, personnes élevant seuls un
enfant
En un mot, le "bien commun" est l'inverse du chacun
pour soi, de l'individualisme, de l'indifférence à
autrui, de l'enfermement dans le "ça me suffit".
C'est au contraire s'ouvrir, au-delà de l'hexagone
et de l'Europe, à des solidarités mondiales.
Notre prière pendant ces jours doit accompagner le
discernement des électeurs, ainsi que celles et ceux
qui reçoivent pour la durée d'un mandat la responsabilité
de gouverner et de légiférer. Souhaitons pour
notre pays qu'ils agissent en acteurs de la forme éminente
de la charité que devrait être la politique.
Guy THOMAZEAU
Evêque de Beauvais, Noyon et Senlis
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