Autos, motos, cyclomoteurs, vélos, les véhicules
jouent aujourd’hui un rôle central dans la vie
quotidienne des citoyens. Leur usage est source de plaisir,
de confort. Ils sont des outils indispensables dans le travail
ou la recherche d’un emploi. Ils réduisent les
distances entre les hommes, facilitent la vie pratique, permettent
les voyages, offrent à beaucoup une liberté
accrue. Le progrès technique a permis, grâce
à une meilleure qualité des véhicules,
une plus grande sécurité, un meilleur respect
de l’environnement. Mais ces magnifiques outils, remis
entre nos mains, ne doivent pas devenir des instruments de
mort.
Or, selon les psychologues, les conducteurs utilisent souvent
leur véhicule de façon irresponsable, voire
dangereuse. La voiture, le camion, la moto deviennent l’expression
de la puissance, de l’intolérance, de l’exhibition,
quelquefois même de la violence. Le conducteur peut
manifester des sentiments et des attitudes qu’il n’adopte
pas dans la vie habituelle. Le budget qu’il consacre
à son véhicule est souvent sans rapport avec
les capacités financières familiales. C’est
une question d’image de soi et d’honorabilité
sociale.
Les accidents de la circulation provoquent 8 000 morts par
an sur les routes de France : c’est la première
cause de décès des moins de 25 ans. Ils entraînent
également 150 000 blessés dont 12 000 seront
à tout jamais invalides et dépendants. Qui mesurera
les souffrances des familles frappées par ces malheurs
?
Cette insécurité routière est un scandale
qui doit provoquer la réflexion de tous les conducteurs
de véhicules et les inciter à une conversion
de leurs comportements. Par le nombre de victimes des accidents
de la route, la France se trouve parmi les pays les plus mal
classés au niveau européen. Nos voisins le savent.
Ils ne comprennent pas. C’est une bien triste «
exception culturelle ».
Responsabilité
Il ne suffit pas d’avoir le permis de conduire. Il
faut savoir conduire pour avoir le droit de prendre la route.
Il faut être en état de conduire et respecter
les limitations de vitesse. La fatigue ou l’alcool,
l’excitation ou la somnolence, les médicaments
ou les drogues peuvent interdire le départ.
Il y a une responsabilité de tous engagée dans
ce domaine. Interdire le volant à quelqu’un est
une atteinte à la liberté d’un proche,
d’un client ou d’un voisin. C’est donc une
responsabilité délicate à exercer. Pourtant
on ne peut laisser personne prendre des risques inconsidérés
par rapport à lui-même et par rapport aux autres.
Les éducateurs, parents, prêtres, enseignants,
entraîneurs sportifs, journalistes, et tant d’autres
qui modèlent la culture des jeunes, se doivent d’attacher
une importance capitale à ces questions. Trop souvent
leur comportement, observable par les jeunes, est en contradiction
avec les discours de prudence, de responsabilité, de
relation aux autres, par ailleurs développés
comme si chacun se comportait en complice. On admire souvent
la vitesse, la prise de risque, l’audace et la transgression
plus que la prudence, l’attention aux autres et le respect
de la loi !
Solidarité
La solidarité avec les victimes, et les famille des
victimes, est difficilement mise en œuvre. C’est
vrai au niveau institutionnel. C’est même souvent
vrai au niveau familial ou dans le cercle des amis. Les victimes
ou leurs proches ont besoin d’écoute, de contacts
humains, d’aide matérielle et juridique.
Il ne faut pas oublier le sentiment de culpabilité
des personnes en cause qui complique presque toujours l’épreuve.
La victime et l’agresseur ne sont pas face à
face. Il est important d’aider chacun à faire
la clarté sur la situation réelle et de permettre
aux protagonistes de se rencontrer, de se parler, de reconnaître
les torts commis. Alors, ils pourront faire l’expérience
libératrice du pardon !
Le système des assurances est indispensable et c’est
un devoir d’y avoir recours. Mais on sera attentif aux
dérives qui mènent parfois à une déresponsabilisation
des personnes. On ne saurait tout régler par des compensations
financières.
L’Etat investit des sommes considérables pour
la sécurité. C’est son devoir. Lui reviennent,
en effet, outre la responsabilité de l’équipement
routier, le contrôle des règles de conduite et
l’éducation des conducteurs. Il doit imposer
le bien commun aux intérêts particuliers.
C’est à l’Etat également de définir
une politique de la route pour demain. L’automobile
pourrait nous enfermer dans sa logique et conduire notre société
jusqu’à la paralysie… ce qui serait un
comble.
A chacun d’être responsable et solidaire
Chacun d’entre nous, depuis l’adolescent sur
sa mobylette jusqu’au conducteur d’un âge
avancé au volant de sa voiture, est responsable de
lui-même et des autres. Piétons et fervents des
rollers sont eux-mêmes invités à la prudence.
Nul ne peut se contenter de rejeter la responsabilité
sur le prochain. Chacun est responsable de sa conduite. Cela
réclame une véritable ascèse, un combat
spirituel. Chacun est responsable des autres : sa famille,
ses passagers, les passants, les autres chauffeurs. Cela demande
davantage : l’amour d’autrui.
« Tu ne tueras point » : ce commandement des
origines garde aujourd’hui toute son actualité,
y compris sur la route. Mais l’Evangile nous donne d’entendre
un appel du Christ qui va plus loin encore, celui de la conversion
de nos mentalités. Il s’agit d’adopter,
dans ce domaine comme en d’autres, des attitudes inspirées
par la charité ! La route ne se prend pas, elle se
partage. Elle est un lieu de rencontre des autres. Elle doit
laisser la place aux plus faibles, pour qu’ils soient
respectés et libres d’en profiter dans un espace
social digne de ce nom. Se mettre à l’école
de l’Evangile suppose donc maîtrise de soi, entraide,
conscience de ses responsabilités. La route devient
alors le lieu de l’expression de la fraternité.
Le 29 octobre 2002
Olivier de BERRANGER,
évêque de Saint-Denis, Président de la
Commission sociale des évêques de France,
Philippe BARBARIN,
archevêque de Lyon, Président du Comité
épiscopal pour la Santé,
André LACRAMPE,
évêque d’Ajaccio, Président du Comité
épiscopal socio-caritatif,
Jean BONFILS,
évêque de Nice, Président du Comité
épiscopal socio-économique et politique,
Hervé RENAUDIN,
évêque de Pontoise, Président du Comité
épiscopal Justice et société,
Jacques NOYER,
évêque d’Amiens, Président du Comité
épiscopal Loisirs, fêtes et voyages.
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