Lettre d'information

De la Parole au Sacrement

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Qu’est-ce en effet que la « parole » sur un plan anthropologique ou philosophique ? Elle n’est pas le « discours » lui-même (le contenu de ce qui est dit dans la conversation). Elle est, en amont de cela, ce qui « soutient » le discours, le tient en-dessous, le motive secrètement... Et qu’est-ce qui motive secrètement le discours si ce n’est le désir d’entrer en relation avec autrui d’être reconnu par lui, de vérifier que l’on tient une place pour lui ... ? Ainsi comprise, la parole est ce qui nous sauve, mais aussi ce qui peut nous « tuer » ... Il n’est donc rien de plus « efficace » que la parole : il suffit d’un « je t’aime » ou d’un « tu ne vaux rien », dit explicitement ou simplement insinué par un sourire ou un haussement d’épaules, pour changer la vie de quelqu’un. La personne se sent alors littéralement sauvée ou au contraire meurtrie d’une blessure symbolique qui ne cicatrisera peut-être jamais... Toutes nos communications, verbales ou non, avec autrui, même sur les thèmes apparemment les plus anodins, sont sous-tendues, sous-tenues, par cette relation de « sujet à sujet » qui se manifeste le plus souvent dans les « non-dits » de nos conversations : ton de voix, silences, soupirs, mimiques... C’est l’expression de cette relation qui est « parole », et qui constitue le « pain véritable » qui nourrit l’existence en tant que proprement « humaine » ; ou, au contraire, le poison qui la pourrit ...

Dès lors, un sacrement est de l’ordre de cette parole, en tant qu’elle est parole d’amour sauveur à nous adressée par Dieu en Christ. Elle est même adressée de manière si insistante à chacun qu’elle se rend visible, tangible, palpable, tout comme un geste (poignée de mains, embrassement, enlacement) vient donner corps à la parole d’affection, d’amitié, d’amour qu’il veut signifier. S. Augustin (+ 430) disait du « sacrement » qu’il est « comme une parole visible », « comme La Parole rendue visible » (« quasi visibile verbum »). Oui, c’est bien cela : la Parole de Dieu, qui veut tellement accomplir ce qu’elle cherche à être par nature, à savoir événement, qu’elle vient nous rejoindre, en s’y déposant, sur notre corps (dans l’eau du baptême, par exemple) ou même dans notre corps lors de la communion eucharistique. Parole à manger et même à ruminer, un peu comme on rumine une parole humaine qui nous a fait chaud au cœur et qui nourrit notre vie. Parole de Dieu qui est Parole d’immense amour, puisque jusqu’au « corps livré »... C’est bien la raison pour laquelle le dernier concile, renouant avec une Tradition ancienne qui avait été comme oubliée, parle avec force des « deux tables » : celle de la Parole et celle du corps du Christ. Chacune des deux, dit le Concile, offre aux fidèles le « Pain de vie » sous un mode différent (Dei Verbum, n° 21), la première étant comme en demande de s’accomplir dans

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