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La liturgie : se laisser faire par le Christ

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aurait-il seulement lieu d’entrer ? Y aurait- il encore moyen d’entrer dans une réalité qui nous précède, qui nous dépasse, qui nous transcende ? Il nous faut décidément accepter, d’une acceptation active, et non pas simplement théorique, la majesté de ce principe fédérateur et structurant de la liturgie et de l’assemblée liturgique qui est l’agapè du Christ ; principe dont nous confessons expressément la souveraineté, en liturgie même, le Jeudi Saint, pendant le rite du lavement des pieds : Congregavit nos in unum Christi amor (8). Jouons le jeu. Acceptons que ce principe « ecclesial » (au sens actif : convocateur) prenne les devants sur nous, pour que nous soyons en vérité accueillis lorsque nous entrons à l’église ; acceptons qu’il devance nos goûts, nos affinités naturelles, qu’il les surprenne, voire qu’il les contrarie.

Si nous refusions ce que l’intention première du Christ et de l’Église (9) a déjà composé pour nous, si nous refusions de nous laisser composer nous-mêmes, nous confondrions bientôt la liturgie avec notre propre composition capricieuse, arbitraire, et, succombant à une dérive aussi élitiste qu’esthéticienne, nous ferions l’impasse complète sur son essence véritable : nous manquerions « les mystères de l’humilité du Verbe (10) », ainsi qu’Augustin la désigne dans l’histoire du vieux sénateur par laquelle nous avions commencé.

Lorsque nous nous serons laissé composer par le déjà- donné, par le pré-supposé de la liturgie, lorsque nous aurons composé avec lui, il restera encore, Dieu merci, à composer tout court sans se dispenser, encore une fois, du reçu ni du passif préalables. Un mouvement liturgique pertinent, une vie liturgique équilibrée et le « bien-être » liturgique, supposent une juste proportion entre le déjà-construit et le à- construire, entre le composé et le composer. Car nous composerons bel et bien, dans la liberté des enfants de Dieu.

Nous composerons les lieux et les temps, les pierres et les mots, les fleurs et, dans une interminable arborescence de beauté, nous composerons nos compositions mêmes, les unes avec les autres. Nous révélerons l’ecclésialité latente et tendancielle des éléments, des matériaux, des objets, des oeuvres de nos mains. Nous la construirons, nous la conduirons à bonne fin, car nous sommes prêtres, composant inlassablement pour ce qui est déjà composé et pour notre Compositeur lui-même, pour manifester sa gloire et hâter son épiphanie.

À se laisser composer, il y a obéissance de la foi ; à composer avec, il y a renoncement ; à composer tout court, il y a action de grâce. Et tout cela, évidemment, est selon l’Évangile.

François Cassingena-Trévedy

Moine de Ligugé, enseignant à l’ISL

Article extrait de la revue Chroniques d’art sacré, hiver

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