Lettre d'information

Ritualiser le deuil d’un bébé mort-né

Jusqu’ici, la pratique la plus courante en France consistait, et c’est encore le cas dans la plupart des hôpitaux, à occulter totalement l’existence physique de l’enfant : accouchement sous anesthésie générale, évacuation du corps du bébé, conseil aux parents « d’en faire bien vite un autre »...

« Aider les parents à rencontrer leur enfant décédé, le voir, le toucher, c’est leur donner un corps à pleurer et matérialiser la réalité de la perte. Demander aux parents le prénom qu’ils avaient choisi pour leur enfant, établir un certificat médical de naissance, c’est signifier aux parents que nous, soignants, nous reconnaissons ce fœtus comme un être humain, même si, pour la loi il n’est qu’un « produit innommé. »

Permettre, à l’hôpital, la mise en place et la libre expression de rituels funéraires religieux ou laïques, aider à organiser les funérailles des enfants ayant un permis d’inhumer, créer des lieux de repos respectueux pour les enfants non déclarés, c’est donner à ces enfants une existence sociale.

Assurer une prise en charge respectueuse du corps de ces petits d’hommes décédés, c’est quelque part s’identifier à eux et signer leur appartenance à une commune humanité. Au terme de tels chemins parcourus ensemble, parents et soignants, il nous semble que ce travail autour de la mort, souvent difficile pour nous soignants, toujours douloureux pour les parents, est source d’un enrichissement mutuel et d’un progrès vers plus d’ humanité. »

Maryse Dumoulin, médecin en pathologie maternelle et foetale au CHRU de Lille

Pour ne pas en rester sur un échec

Lorsqu’une femme demandait ce qu’était devenu son enfant, on était bien en peine de lui répondre. Les fœtus partaient dans l’incinérateur de l’hôpital. La reconnaissance par l’état-civil était tout aussi inexistant, jusqu’à une évolution récente de la loi : « Aujourd’hui, on est une personne humaine à partir de quatre mois et demi de grossesse, mais seulement si on est né vivant, explique M. Dumoulin. Or, il n’est pas possible de faire le deuil de quelqu’un qui n’existe pas. » La perte et la douleur pour l’enfant mort-né sont pourtant bien réelles.

Toute la démarche des deux médecins a donc été de restituer à chaque enfant sa réalité de personne humaine pour les parents. Le fait d’accueillir les femmes en maternité et non plus en gynécologie comme les femmes malades, de les préparer à un accouchement et non à une fausse-couche, de proposer ensuite aux familles de voir leur bébé – proposition rejetée dans un premier temps, puis acceptée huit ou neuf fois sur dix ‑, le fait de lui donner un prénom, de le faire habiller, de le toucher, de rester un moment avec lui et de l’inhumer marquent autant d’étapes dans le deuil. Et si l’enfant mort ne peut être baptisé, il est tout au moins possible d’organiser un rite

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