L’Etat a le devoir de promouvoir
la famille
Interview de Mgr Olivier de Berranger ; évêque
de Saint-Denis et président de la Commission épiscopale
pour la Mission universelle de l’Église.
Quelle est la légitimité de l’Église
à prendre position dans le débat sur l’immigration
?
L’Église est « experte en humanité
» (Paul VI). À ce titre, elle a constitué
une doctrine sociale organique, fondée sur l’anthropologie
chrétienne et reconnue dans les instances internationales
comme une référence qui fait autorité
du seul point de vue de la raison. Il n’est donc pas
incongru que, même en contexte de laïcité,
l’Église exprime son point de vue dans un débat
national sur l’immigration. Elle le fait de trois façons
: par le rappel des principes, par l’action des chrétiens
au sein du monde associatif et politique, par le vote en conscience
des parlementaires qui se reconnaissent dans cette doctrine.
Au cours du débat récent, nous avons pris soin
de ne pas utiliser la méthode du lobbying, par ailleurs
légitime. Mais nous avons constaté que la prise
de position sans ambiguïté que nous avons prise,
en convergence avec la Fédération protestante
de France, a pesé moralement pour le discernement du
législateur.
Le droit de vivre en famille n’est-il pas un
droit naturel ?
Constatons d’abord que le droit constitutionnel, en
France, reconnaît aux ressortissants étrangers
le droit de mener une vie familiale normale. Ce droit comporte
la faculté de faire venir leurs conjoints et leurs
enfants mineurs. Les seules restrictions admises sont celles
qui se rapportent à la sauvegarde de l’ordre
public et à la protection de la santé publique
(Conseil constitutionnel, décision du 13 août
1993, n. 70).
Quant à la question du droit naturel, il est important
de rappeler aujourd’hui que la communauté familiale,
« lieu de rencontre de plusieurs générations
qui s’aident mutuellement à acquérir une
sagesse plus étendue et à harmoniser les droits
des personnes avec les autres exigences de la vie sociale,
constitue le fondement de la société »
(Gaudium et spes, 52, n. 2). Déjà Édith
Stein, dans son ouvrage De l’État (1925), tout
en soulignant le caractère souverain de la communauté
étatique, comme « sujet qui s’impose à
l’arbitraire des individus », montrait que «
l’État n’est pas ancré dans l’âme
des personnes qui relèvent de lui. » L’État
a donc le devoir de promouvoir la famille par toutes les garanties
du droit positif.
Que penser des stages de français dans les
pays d’origine inscrits dans le projet de loi ?
Dans notre déclaration du 1er octobre, nous avons exprimé
clairement notre souhait que les immigrés puissent
bénéficier d’un apprentissage de la langue
dans le pays d’accueil.
***
Les migrants, une richesse
pour l’Église
Plutôt que de se focaliser sur la dimension parfois
tragique de la mobilité humaine qu’elle accompagne
à travers ses services de la pastorale des migrants
et ses organismes caritatifs, l’Église y voit
d’abord une richesse pour elle-même et pour les
pays d’accueil.
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