Jeudi
3 avril 2008 |
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Les premières réflexions menées
par le groupe de travail sur la bioéthique ont
permis aux évêques d’échanger
sur ces questions lors de l’Assemblée plénière.
Entretien avec Mgr Pierre d’Ornellas, président
du groupe de travail.
Qu’en est-il de la première étape
des travaux du groupe que vous présidez ?
L’objectif de cette première étape
était d’informer les évêques.
Pour cela, nous avons d’abord auditionné
six personnes des milieux juridique, politique et scientifique
et nous avons rassemblé une vingtaine de catholiques
qui travaillent dans le domaine bioéthique d’une
manière ou d’une autre. Cela nous a aidés
à constituer un dossier en vue de cette Assemblée
plénière. Ce dossier comprend seize fiches
renseignant sur des questions de bioéthique dans
leurs aspects scientifique, juridique et éthique,
et ce de façon aussi précise que possible.
Nous avons également inclus une déclaration
de l’Académie pontificale pour la vie sur
la production et l’usage scientifique et technique
des cellules souches embryonnaires humaines.
Comment se sont déroulées les séquences
de travail de l’Assemblée consacrées
à la bioéthique ?
Pour introduire nos échanges, j’ai d’abord
présenté aux évêques une nouveauté.
Celle-ci est mise en œuvre par l’encyclique
Evangelium Vitae (« L’Evangile de la vie »).
Il s’agit en effet d’un document hors du commun
que Jean-Paul II a écrit après avoir consulté
les évêques du monde entier et dans lequel
il a engagé son autorité de successeur de
Pierre. De même que la doctrine sociale de l’Eglise
est née à partir de 1891, c’est-à-dire
avec l’industrialisation, le corps de doctrine sur
la vie s’est développé à partir
des années 1970, soit au moment où sont
inventés les termes « bioéthique »
et « acharnement thérapeutique ». Dans
sa réflexion, le Pape s’est appuyé
notamment sur l’encyclique Humanae Vitae (1968),
sur l’exhortation apostolique Familiaris consortio
(1981) et sur une instruction de la Congrégation
pour la doctrine de la foi sur le respect dû à
l’embryon (1987). Il a aussi pris appui sur l’article
27 de la constitution pastorale du concile Vatican II
Gaudium et Spes.
La deuxième partie de cette introduction a porté
sur la manière d’aborder ces questions dans
l’espace public. A ce propos, notre groupe de travail
a souhaité attirer l’attention des évêques
sur quatre points : premièrement, il nous faut
établir un dialogue avec tous ceux que ces questions
intéressent parce que, tout simplement, le principe
de la dignité intangible de la vie humaine est
accessible à la raison humaine.
Deuxièmement, le statut de la loi civile : celle-ci
ne peut pas contredire des valeurs de la démocratie.
Or, si des législateurs autorisent la suppression
de la vie, cela veut dire qu’ils ne croient pas
en l’homme et en ses ressources devant la souffrance.
N’ayant pas confiance, en quelque sorte, en leurs
électeurs, ils perdraient eux-mêmes leur
confiance. Ainsi, le fondement de la démocratie
– la confiance entre les citoyens et leurs représentants
– serait mis en danger.
Le troisième point d’attention concerne
précisément la souffrance : celle de la
stérilité, du handicap, de la vieillesse,
de la maladie, comme celle de ceux qui ont vécu
les traitements de l’aide médicale à
la procréation. Il y a aussi celle des personnes
qui sont handicapées ou ont un enfant handicapé.
Car ceux-là se sentent parfois jugés, insultés
par le discours ambiant. La souffrance, c’est aussi
la douleur, la peur, l’angoisse.
Le dernier point, c’est la recherche, la question
étant de savoir comment aider les chercheurs à
être libres et responsables, à vivre selon
la dignité humaine. De fait, la recherche est aujourd’hui
le lieu d’une immense tentation : celle de vouloir
percer le mystère. Connaître le commencement,
ce n’est pas maîtriser l’origine. La
vulnérabilité et la limite sont constitutives
de la dignité humaine.
Les évêques ont également travaillé
en carrefours à partir du dossier. Nous savons
d’ores et déjà qu’ils souhaitent
que notre groupe de travail approfondisse certains sujets,
comme l’articulation entre la loi civile et la loi
morale. Ils nous demandent aussi d’être informés
de ce que pensent les autres pays européens et
les autres religions sur ces questions de bioéthique.
Un véritable débat vous parait-il
possible, aujourd’hui en France, sur les questions
de bioéthique ?
Cela me semble non seulement possible, mais souhaitable
! Et, bien sûr, ce sera un vrai débat si
on laisse parler tout le monde. Pour prendre un exemple,
pour le moment, les spécialistes des différentes
disciplines n’échangent guère entre
eux. C’est ce que nous avons voulu faire entre évêques
: prendre le temps de réfléchir ensemble.
Car le temps est un don qui permet d’être
sérieux et la précipitation est une faute
qui laisse infantile. Or les enjeux sont sérieux
parce qu’ils engagent la solidarité entre
tous et en particulier envers les plus souffrants, et
qu’ils promettent de vrais progrès thérapeutiques.