1 A cette époque,
le roi Hérode Agrippa
se mit à maltraiter certains membres de l'Eglise. 2 Il supprima Jacques,
frère de Jean,
en le faisant décapiter. 3 Voyant que cette mesure
était bien vue des Juifs,
il décida une nouvelle arrestation,
celle de Pierre.
On était dans la semaine de la Pâque. 4 Il le fit saisir, emprisonner,
et placer sous la garde de quatre escouades de quatre soldats
;
il avait l'intention de le faire comparaître en présence
du peuple
après la fête. 5 Tandis que Pierre était
ainsi détenu,
l'Eglise priait pour lui devant Dieu avec insistance. 6 Hérode allait
le faire comparaître ;
la nuit précédente, Pierre dormait entre deux
soldats,
il était attaché avec deux chaînes
et, devant sa porte,
des sentinelles montaient la garde. 7 Tout à coup
surgit l'Ange du Seigneur,
et une lumière brilla dans la cellule.
L'Ange secoua Pierre, le réveilla
et lui dit : « Lève-toi vite. »
Les chaînes tombèrent de ses mains. 8 Alors l'Ange lui dit
:
« Mets ta ceinture et tes sandales. »
Pierre obéit, et l'Ange ajouta :
« Mets ton manteau et suis-moi. » 9 Il sortit derrière
lui,
mais ce qui lui arrivait grâce à l'Ange,
il ne se rendait pas compte que c'était vrai,
il s'imaginait que c'était une vision. 10 Passant devant un
premier poste de garde
puis devant un second,
ils arrivèrent à la porte en fer donnant sur
la ville.
Elle s'ouvrit toute seule devant eux.
Une fois dehors, ils marchèrent dans une rue,
puis, brusquement, l'Ange le quitta. 11 Alors Pierre revint
à lui, et il dit :
« Maintenant je me rends compte que c'est vrai :
Le Seigneur a envoyé son Ange,
et il m'a arraché aux mains d'Hérode
et au sort que me souhaitait le peuple juif. »
Le caractère miraculeux de la délivrance de
Pierre ne doit pas faire oublier dans quelle ambiance vit
la très jeune Eglise chrétienne : Jésus
a été exécuté probablement en
avril 30. Au début ses disciples étaient fort
peu nombreux et n’inquiétaient personne ; les
choses se sont gâtées pour eux quand ils ont
opéré quelques guérisons un peu trop
spectaculaires ; c’est ainsi que Pierre a déjà
été mis en prison deux fois par les autorités
religieuses ; la première fois, avec Jean s’est
soldée par une comparution au tribunal et des menaces
; la deuxième fois, il était avec d’autres
apôtres que Luc ne nomme pas, et ils ont été
libérés déjà de manière
miraculeuse : « Le Grand Prêtre et tout son entourage
furent remplis de fureur ; ils firent appréhender les
apôtres et les jetèrent publiquement en prison.
Mais, pendant la nuit, l’Ange du Seigneur ouvrit les
portes de la prison, les fit sortir et leur dit : Allez, tenez-vous
dans le Temple, et là, annoncez au peuple toutes ces
paroles de vie ! » (Ac 5, 17 - 20).
Puis quelques mois ou quelques années
plus tard, les mêmes autorités religieuses interviennent
une nouvelle fois contre les Chrétiens, exécutent
Etienne et déclenchent une véritable persécution
qui pousse les plus menacés d’entre eux (ceux
qu’on appelle les « Hellénistes »)
à quitter Jérusalem pour la Samarie et la côte
méditerranéenne. Jacques, Pierre et Jean (comme
l’ensemble des douze) sont restés à Jérusalem.
Dans l’épisode qui nous est
raconté ici, c’est le pouvoir politique qui s’en
prend à eux ; cela se passe sous Hérode Agrippa
: or celui-ci n’a régné que de 41 à
44 ap. J.C. L’emprisonnement de Pierre date donc des
années 41 à 44. (Pour une fois on peut situer
historiquement un épisode du Nouveau Testament avec
une relative précision).
Hérode Agrippa, est le petit-fils
d’Hérode le Grand, celui qui régnait au
moment de la naissance de Jésus. Il est soucieux de
ménager la chèvre et le chou, c’est-à-dire
le pouvoir Romain d’un côté, les Juifs
de l’autre, à tel point qu’on dit de lui
qu’il est romain à Césarée et juif
à Jérusalem. De toutes manières, donc,
qu’il cherche à plaire aux juifs ou qu’il
cherche à plaire aux Romains, il ne peut qu’être
ennemi des Chrétiens. C’est dans ce cadre-là
que, pour se faire bien voir des Juifs, il fait exécuter
Jacques (fils de Zébédée) et emprisonne
Pierre.
Cette fois encore, Pierre va en réchapper
miraculeusement ; mais ce qui intéresse Luc, ici, beaucoup
plus que le sort personnel de Pierre, c’est la mission
d’évangélisation ; c’était
bien le sens des paroles de l’Ange la première
fois « Allez, tenez-vous dans le Temple, et là,
annoncez au peuple toutes ces paroles de vie ! » Si
les Apôtres sont libérés, c’est
parce que le monde a besoin d’eux. Dans cette tâche,
Dieu ne les abandonnera pas, il ne permettra pas qu’une
domination aveugle entrave l’annonce de la parole de
Vie.
Vieille histoire : chaque année,
dans la célébration de la Pâque le peuple
juif fait mémoire de la libération d’Egypte
; les Hébreux réduits en esclavage et menacés
d’un véritable génocide ont été
miraculeusement libérés. Relisant leur histoire,
de siècle en siècle, d’année en
année, ils affirment et ils annoncent au monde que
cette libération est l’oeuvre de Dieu.
Malheureusement, par un mystérieux
retournement, il peut arriver que ceux qui sont chargés
d’annoncer au monde et d’accomplir eux-mêmes,
au service des hommes, l’oeuvre libératrice de
leur Dieu, se fassent à leur tour complices d’une
nouvelle forme de domination. Aucune Eglise n’est à
l’abri de ce piège-là.
Jésus est mort de cette perversion
du pouvoir religieux de son temps ; et Luc, dans son récit
de la mort et de la Résurrection du Christ, a bien
mis en valeur ce paradoxe : c’est dans le cadre de la
Pâque juive, mémorial du Dieu libérateur,
que le Fils de Dieu lui-même a été supprimé
par les défenseurs de Dieu. Mais ce sont l’amour
et le pardon du Dieu « doux et humble de coeur »
qui ont eu le dernier mot : Jésus est ressuscité.
Voici à son tour la jeune Eglise
affrontée à la domination aveugle des pouvoirs
religieux et politique, tout comme Jésus une dizaine
ou une quinzaine d’années plus tôt ; et
cette fois encore, c’est dans le cadre de la Pâque
juive, à Jérusalem. (La fête juive de
la Pâque dure une semaine qui commence avec le repas
pascal et se continue par la semaine des Azymes ; c’est
dans le courant de cette semaine que Pierre est arrêté).
Pierre, le chef de l’Eglise du Christ,
est à son tour libéré. Luc veut sûrement
faire comprendre à ses lecteurs que Dieu poursuit son
oeuvre : l’Ange ne dit que quelques mots à Pierre,
mais ils ressemblent étrangement aux ordres qui avaient
été donnés au peuple, la nuit de la sortie
d’Egypte : « ayez la ceinture aux reins, les sandales
aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez
à la hâte » (Ex 12, 11) ; Pierre s’entend
dire « Lève-toi vite ! Mets ta ceinture, lace
tes sandales... »
Jésus l’avait bien dit à
Pierre : « les forces de la mort, entendez de la haine,
ne l’emporteront pas. »
PSAUME 33 (34) , 2 - 9
2 Je bénirai
le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres. 3 Je me glorifierai dans
le Seigneur :
que les pauvres m'entendent et soient en fête !
4 Magnifiez avec moi
le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom. 5 Je cherche le Seigneur,
il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.
6 Qui regarde vers lui
resplendira,
sans ombre ni trouble au visage. 7 Un pauvre crie ; le
Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses.
8 L'ange du Seigneur
campe alentour,
pour libérer ceux qui le craignent. 9 Goûtez et voyez
: le Seigneur est bon !
Heureux qui trouve en lui son refuge !
«
L’ange du Seigneur campe à l’entour, pour
libérer ceux qui le craignent. » Evidemment,
on ne s’étonne pas de chanter ce psaume après
avoir entendu le récit de la délivrance miraculeuse
de Pierre de la prison de Jérusalem. Le livre des Actes
nous dit que tout l’entourage de Pierre, toute la jeune
Eglise était en prière : « Tandis que
Pierre était détenu, l’Eglise priait pour
lui devant Dieu avec insistance. »
« Un pauvre crie ; le Seigneur entend... » La
foi, c’est cela : oser crier vers Dieu et savoir en
toutes circonstances qu’il entend notre cri. Le Seigneur
a bien entendu le cri de la communauté et Pierre a
été délivré.
Mais, sans faire de mauvais esprit, il faut bien reconnaître
que Jésus sur la croix n’a pas échappé
à la mort et que Pierre lui-même, sera quelques
années plus tard emprisonné à Rome et
exécuté. Alors est-ce que le Seigneur n’entendait
plus ?
C’est une question qui revient souvent dans nos vies,
tous les jours même pour certains : où est Dieu
quand nous souffrons ? A quoi sert de prier ? Si nous ne sommes
pas exaucés comme nous voudrions, est-ce parce que
nous aurions mal prié ? Ou pas assez ? Et il se trouve
malheureusement toujours des voisins pour nous dire que si
nous prions bien, tout va s’arranger... Or il faut bien
reconnaître que ce n’est pas toujours le cas.
Combien de croyants ont prié, fait des neuvaines, des
pèlerinages pour obtenir une guérison, par exemple,
et la guérison n’est pas venue.
Il me semble que la réponse à nos questions
sur la prière tient en trois points : premièrement,
oui Dieu entend nos cris ; deuxièmement, il nous répond
en nous donnant son Esprit ; troisièmement, il suscite
auprès de nous des frères.
Premièrement, Dieu entend nos cris : rappelez-vous
l’épisode du buisson ardent au chapitre 3 du
livre de l’Exode : « Dieu dit à Moïse
: J’ai vu la misère de mon peuple en Egypte,
et je l’ai entendu crier sous les coups de ses gardes-chiourme.
Oui, je connais ses souffrances. » Le croyant, c’est
celui, justement, qui sait à tout instant que le Seigneur
est proche de nous, dans la souffrance, qu’il est «
de notre côté » : ce que dit notre psaume
33 à sa manière : « je cherche le Seigneur,
il me répond... il me délivre. Il entend, il
sauve, son ange campe alentour, il libère ceux qui
le craignent, il est un refuge. »
Deuxièmement, Dieu nous répond en nous donnant
son Esprit : c’est le sens du fameux passage de Saint
Luc « frappez, on vous ouvrira »... Nous ne le
lisons pas toujours jusqu’au bout et nous sommes tentés
d’en déduire que tout devrait s’arranger
si nous priions comme il faut ; mais ce n’est pas cela
que Jésus promet : « Demandez, on vous donnera
; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En
effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve,
et à qui frappe, on ouvrira. Quel père, parmi
vous, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent
au lieu de poisson ? Ou encore, s’il demande un oeuf,
lui donnera-t-il un scorpion ? Si donc vous, qui êtes
mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants,
combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit
Saint à ceux qui lui demandent. » (Lc 11, 9 -
13).
Quand nous prions, nous dit Luc, Dieu ne fait pas disparaître
tout souci comme par un coup de baguette magique, mais il
nous remplit de son Esprit, et alors, avec l’Esprit
de Dieu, nous pouvons affronter les épreuves de notre
vie. Toute prière nous ouvre à l’action
transformante de l’Esprit ; la réponse de Dieu
à notre cri, c’est de susciter en nous la force
nécessaire pour modifier la situation, pour nous aider
à passer le cap. Nous ne sommes plus seuls, et nous
sommes réellement délivrés de nos angoisses.
« Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve
de toutes ses angoisses... Je cherche le Seigneur, il me répond
: de toutes mes frayeurs, il me délivre. » Quels
que soient les coups, le croyant sait que le Seigneur l’entend
crier ... et son angoisse peut disparaître.
Troisièmement, Dieu suscite auprès de nous
des frères. C’est la deuxième leçon
du buisson ardent : quand Dieu dit à Moïse «
J’ai vu la misère de mon peuple en Egypte, et
je l’ai entendu crier sous les coups...Oui, je connais
ses souffrances... », il suscite en même temps
chez Moïse l’élan nécessaire pour
entreprendre la libération du peuple.
« Et maintenant, puisque le cri des fils d’Israël
est venu jusqu’à moi, puisque j’ai vu le
poids que les Egyptiens font peser sur eux, va, maintenant
; je t’envoie vers Pharaon, fais sortir d’Egypte
mon peuple, les fils d’Israël. » (Ex 3, 9
- 10).
Le peuple d’Israël, et c’est lui, d’abord,
comme toujours, qui parle dans ce psaume, a vécu de
nombreuses fois cette expérience : de la souffrance,
du cri, de la prière ; et chaque fois, il peut en témoigner,
Dieu a suscité les prophètes, les chefs dont
il avait besoin pour prendre son destin en main. Et c’est
bien l’expérience historique d’Israël
qui est dite ici.
La foi apparaît alors comme un dialogue entre Dieu
et l’homme : l’homme crie sa détresse vers
Dieu, comme Job... Dieu l’entend, le libère de
son angoisse... et l’homme reprend la parole, cette
fois pour rendre grâce. La vocation d’Israël,
tout au long des siècles, a été de faire
retentir ce cri, cette polyphonie, pourrait-on dire, mêlée
de souffrance, de louange et d’espoir. A travers les
vicissitudes de son histoire, rien n’a pu faire taire
l’espoir d’Israël. C’est cela justement
qui caractérise le croyant.
« Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa
louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai
dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient
en fête ! »
DEUXIEME LECTURE - livre des actes des apôtres Ch 12 1-11
6 Me voici
déjà offert en sacrifice,
le moment de mon départ est venu. 7 Je me suis bien battu,
j'ai tenu jusqu'au bout de la course,
je suis resté fidèle. 8 Je n'ai plus qu'à
recevoir la couronne du vainqueur :
dans sa justice, le Seigneur, le juge impartial,
me la remettra en ce jour-là,
comme à tous ceux qui auront désiré
avec amour
sa manifestation dans la gloire. 16 Tout le monde m'a
abandonné ; 17 le Seigneur, lui,
m'a assisté.
Il m'a rempli de force
pour que je puisse jusqu'au bout annoncer l'Evangile
et le faire entendre à toutes les nations païennes.
J'ai échappé à la gueule du lion ; 18 le Seigneur me fera
encore échapper
à tout ce qu'on fait pour me nuire.
Il me sauvera et me fera entrer au ciel, dans son Royaume.
A lui la gloire pour les siècles des siècles.
Amen
COMMENTAIRE
Vous savez qu’on
n’est pas tout à fait sûrs que les lettres
à Timothée soient réellement de Paul,
mais peut-être d’un disciple quelques années
plus tard ; en revanche, les lignes que nous lisons aujourd’hui,
tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elles
sont de lui, et même qu’elles sont le testament
de Paul, son dernier adieu à Timothée.
Paul est dans sa prison à Rome, il
sait maintenant, très certainement, qu’il n’en
sortira que pour être exécuté ; le moment
du grand départ est arrivé ; ce départ,
il le dit par le mot (??????????qu’on emploie en grec
pour dire qu’on largue les amarres, qu’on lève
l’ancre.
Il sait qu’il va paraître devant
Dieu, et il fait son bilan : se retournant en arrière,
(au cinéma on dirait qu’il fait un flashback),
il reprend une comparaison qui lui est très habituelle,
celle du sport : imaginez un coureur de fond au moment de
franchir le premier la ligne d’arrivée : il a
tenu jusqu’au bout de la course, il n’a pas déclaré
forfait, il n’a plus qu’à recevoir la coupe
ou la médaille ; Paul voit sa vie et celle de tous
les apôtres comme une course de fond ; lui aussi, parvenu
enfin à la ligne d’arrivée, il n’attend
plus que la récompense : « Le moment de mon départ
est venu. Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au
bout de la course, je suis resté fidèle. Je
n’ai plus qu’à recevoir la couronne du
vainqueur ... » (à Rome, à l’époque
de Paul, la récompense du vainqueur n’était
pas une coupe, mais une couronne de lauriers).
Quand Paul dit, « Je n’ai plus
qu’à recevoir la couronne du vainqueur ... »,
ne croyez pas qu’il se vante, comme s’il se croyait
meilleur que tout le monde : car la course des apôtres
est tout à fait particulière : dans cette course-là,
tous les coureurs, entendez tous les apôtres, ont droit
à la couronne ; il précise : « dans sa
justice, le Seigneur, le juge impartial, me remettra la couronne
en ce jour-là, comme à tous ceux qui auront
désiré avec amour sa manifestation dans la gloire
». Le juge impartial, celui qui sait voir les dispositions
du coeur, sait que Paul et tant d’autres ont désiré
avec amour l’avènement du Christ. Tous, ils recevront
la couronne de gloire. Ce n’est donc pas de la prétention
de la part de Paul, c’est simplement une confiance inébranlable
en la bonté de Dieu.
Il ne voit pas pourquoi il se vanterait
d’ailleurs, car la force de courir elle-même,
il ne l’a pas trouvée en lui, c’est le
Christ qui la lui a donnée : « Le Seigneur m’a
rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer
l’Evangile et le faire entendre à toutes les
nations païennes. »
Au fond, semble-t-il, il suffit d’attendre
tout de Dieu : c’est lui qui donne la force de courir
(pour reprendre l’image de Paul), et c’est lui
aussi qui donne la récompense à tous les coureurs
à la fin de la course ; car cette course n’est
pas une compétition ; chacun à notre place,
à notre rythme, il nous suffit de désirer avec
amour l’avènement du Christ ; dans sa lettre
à Tite, Paul définissait ainsi les Chrétiens
: « Nous attendons la bienheureuse espérance
et la manifestation de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ
» ; vous avez reconnu là une phrase que nous
redisons à chaque Messe : « Nous espérons
le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ
notre Sauveur », et l’on sait bien le sens de
ce ET : « Nous espérons le bonheur que tu promets
QUI EST l’avènement de Jésus-Christ notre
Sauveur ».
Au passage, on lit, encore une fois sous
la plume de Paul, le mot « manifestation » du
Christ ; c’est un mot qu’il emploie souvent :
la manifestation totale et définitive du Christ a vraiment
été l’horizon sur lequel il a toujours
fixé les yeux, vers lequel il a couru toute sa vie.
Paul attendait donc tout de Dieu, et apparemment,
il ne pouvait plus attendre grand chose des hommes : nous
avons lu ici : « Tous m’ont abandonné »,
mais le verset n’est pas complet ; le voici en entier
: « La première fois que j’ai présenté
ma défense, dit-il, personne ne m’a soutenu :
tous m’ont abandonné. Que Dieu ne leur en tienne
pas rigueur ». Comme le Christ sur la croix, comme Etienne,
lors de son exécution à laquelle il assistait,
rappelez-vous, il pardonne. Mais c’est dans cet abandon
même, par les hommes, qu’il a expérimenté
la présence, la force de son Seigneur.
Je reprends les deux dernières phrases
du texte ; elles sont surprenantes : il est clair que Paul
ne se fait aucune illusion sur son sort, il sait que le grand
départ approche... et pourtant il dit « J’ai
échappé à la gueule du lion ; le Seigneur
me fera encore échapper à tout ce qu’on
fait pour me nuire. » Ce n’est donc certainement
pas de la mort physique qu’il parle, puisqu’il
attend son exécution d’un jour à l’autre.
Il sait très bien qu’il n’y échappera
pas ; il parle d’un autre danger, beaucoup plus grave
à ses yeux, celui dont il remercie le Seigneur de l’avoir
préservé : « Je me suis bien battu, j’ai
tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté
fidèle »... et encore : « Le Seigneur m’a
rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer
l’Evangile et le faire entendre à toutes les
nations païennes. » Déclarer forfait, abandonner
la course, c’était le plus grand danger et là
encore, il ne voit pas de raison de se vanter, puisque sa
fidélité il la doit, non pas à ses propres
forces, mais à la force que le Seigneur lui a donnée.
Il sait ce qui l’attend, oui, mais
ce n’est peut-être pas ce que nous croyons : il
va mourir, c’est sûr, mais il sait que cette mort
n’est que biologique ; elle n’est qu’une
traversée pour entrer dans la gloire ; « Il me
sauvera et me fera entrer au ciel, dans son Royaume »
... et déjà, Paul entonne le cantique de la
gloire qu’il chantera en naissant à la vraie
vie « A lui la gloire pour les siècles des siècles.
Amen. »
EVANGILE- Matthieu 16, 13 - 19
13 Jésus était
venu dans la région de Césarée-de-Philippe,
et il demandait à ses disciples :
« Le Fils de l'homme, qui est-il,
d'après ce que disent les hommes ? » 14 Ils répondirent
:
« Pour les uns, il est Jean-Baptiste ;
pour d'autres, Elie ;
pour d'autres encore, Jérémie ou l'un des
prophètes. » 15 Jésus leur
dit :
« Et vous, que dites-vous ?
Pour vous, qui suis-je ? » 16 Prenant la parole,
Simon-Pierre déclara :
« Tu es le Messie,
le Fils du Dieu vivant ! » 17 Prenant la parole
à son tour, Jésus lui déclara :
« Heureux es-tu, Simon fils de Yonas :
ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé
cela,
mais mon Père qui est aux cieux. 18 Et moi, je te le déclare
:
Tu es Pierre,
et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ;
et la puissance de la Mort ne l'emportera pas sur elle. 19 Je te donnerai les
clefs du Royaume des cieux :
tout ce que tu auras lié sur la terre
sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu auras délié sur la terre
sera délié dans les cieux. »
COMMENTAIRE
Très certainement,
aux yeux de Matthieu, cet épisode de Césarée
constitue un tournant dans la vie de Jésus ; car c’est
juste après ce récit qu’il ajoute «
A partir de ce moment, Jésus Christ commença
à montrer à ses disciples qu’il lui fallait
s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup
de la part des Anciens, des Grands Prêtres et des scribes,
être mis à mort et, le troisième jour,
ressusciter. » L’expression « A partir de
ce moment » veut bien dire qu’une étape
est franchie.
Une étape est franchie, certainement, mais en même
temps, et c’est ce qui est le plus surprenant dans ce
passage, rien n’est dit de neuf ! Jésus s’attribue
le titre de Fils de l’homme, ce qu’il a déjà
fait neuf fois dans l’évangile de Matthieu ;
et Pierre lui attribue celui de Fils de Dieu, et il n’est
pas non plus le premier à le faire !
Premier titre, le « Fils de l’homme
» : une expression sortie tout droit du livre de Daniel,
au chapitre 7 ; « Je regardais dans les visions de la
nuit, et voici que sur les nuées du ciel venait comme
un Fils d’homme ; il arriva jusqu’au Vieillard,
et on le fit approcher en sa présence. Et il lui fut
donné souveraineté, gloire et royauté
: les gens de tous peuples, nations et langues le servaient.
Sa souveraineté est une souveraineté éternelle
qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté
qui ne sera jamais détruite. » (Dn 7, 13 - 14).
Quelques versets plus loin, Daniel précise que ce Fils
d’homme n’est pas un individu solitaire, mais
un peuple : « Les Saints du Très-Haut recevront
la royauté, et ils posséderont la royauté
pour toujours et à tout jamais... La royauté,
la souveraineté et la grandeur de tous les royaumes
qu’il y a sous tous les cieux, elles ont été
données au peuple des Saints du Très-Haut :
sa royauté est une royauté éternelle
; toutes les souverainetés le serviront et lui obéiront.
» (Dn 7, 18. 27). Quand Jésus s’applique
à lui-même ce titre de Fils de l’homme,
il se présente donc comme celui qui prend la tête
du peuple de Dieu.
Le deuxième titre qui lui est donné
ici, c’est celui de « Fils de Dieu ». Ce
n’est pas la première fois non plus. Dès
le début de l’évangile, au chapitre 4,
c’est le diable qui tente Jésus au désert,
en employant ce titre « Si tu es le Fils de Dieu ».
Il a raison d’employer le titre, mais il se trompe sur
son contenu. Il ne peut qu’imaginer un Fils de Dieu
puissant et invulnérable, exploitant sa puissance à
son propre profit. Pour Jésus, être fils de Dieu,
c’est faire totalement confiance à son Père
et se nourrir de sa Parole. Puis ce sont deux démoniaques,
de l’autre côté du lac de Tibériade,
qui interpellent Jésus en lui disant « De quoi
te mêles-tu, Fils de Dieu ? », mais Jésus
n’entre pas en dialogue avec eux. Enfin, c’est
l’épisode de la marche sur les eaux ; Matthieu
nous raconte que la barque se trouvait loin du rivage, battue
par les vagues, parce que les vents étaient contraires.
Jésus vient vers eux en marchant sur la mer. Eux commencent
par avoir peur de ce qu’ils prennent pour un fantôme
; mais lui leur dit « Confiance, c’est moi, n’ayez
pas peur. » Pierre répond « Seigneur, si
c’est bien toi, ordonne-moi de venir avec toi sur les
eaux. » Vous connaissez la suite : après quelques
pas, Pierre se laisse submerger par le doute... et Jésus
lui dit « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté
? » Matthieu conclut « Quand ils furent montés
dans la barque, le vent tomba. Alors ceux qui étaient
dans la barque se prosternèrent devant Jésus
et lui dirent : Vraiment, tu es Fils de Dieu. »
Curieusement, dans cet épisode de
la marche sur les eaux, c’étaient les disciples
qui avaient reconnu l’identité de Jésus
et Pierre, au contraire, s’était fait dire «
homme de peu de foi. »... Cela ne veut pas dire que
la foi des autres disciples est sans ambiguïté
: c’est la puissance de Jésus sur la mer qui
les a impressionnés. Il reste toute une étape
à franchir pour découvrir qui est réellement
Jésus.
A Césarée, ce qui est nouveau,
c’est que Pierre ne dit pas cela devant une manifestation
de puissance de Jésus : au contraire, dans les versets
qui précèdent la profession de foi de Pierre,
Jésus vient de refuser de donner un signe convaincant
aux Pharisiens et aux Sadducéens qui le lui demandaient.
Maintenant, une étape est franchie : il n’y a
plus d’ambiguïté sur le titre de Fils de
Dieu. Pierre est en marche vers la foi. « Heureux es-tu,
Simon, fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang
qui t’ont révélé cela, mais mon
Père qui est aux cieux. »
Dès que Pierre a découvert
qui est Jésus, celui-ci aussitôt l’envoie
pour l’Eglise : « Tu es Pierre et sur cette pierre,
je bâtirai mon Eglise » ; on l’a vu tout
à l’heure, le Fils de l’homme n’est
pas un individu isolé, c’est un peuple. Et sur
quoi le Christ construit-il son Eglise ? Sur la personne d’un
homme dont la seule vertu est d’avoir écouté
ce que le Père lui a révélé. Cela
veut bien dire que le seul pilier de l’Eglise, c’est
la foi en Jésus-Christ. Et Jésus ajoute : «
Ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans
les cieux, et tout ce que tu auras délié sur
la terre sera délié dans les cieux » :
cela ne veut pas dire que Pierre et ses successeurs sont désormais
tout-puissants ! Cela veut dire que Dieu promet de s’engager
auprès d’eux. Pour nous, il nous faut et il nous
suffit d’être en communion avec notre Eglise pour
être en communion avec Dieu.
Dernier motif pour nous rassurer : Jésus
dit « JE bâtirai mon Eglise » : c’est
lui, Jésus, qui bâtit son Eglise. Nous ne sommes
pas chargés de bâtir son Eglise, mais simplement,
d’écouter ce que le Dieu vivant veut bien nous
révéler. Et parce que c’est le Christ
ressuscité, Fils du Dieu vivant, qui bâtit, nous
pouvons en être sûrs, « La puissance de
la mort ne l’emportera pas ».
***
Complément
Ce qui est nouveau aussi, à Césarée,
ce n’est pas l’usage de l’un ou l’autre
des deux titres de Jésus, c’est leur jonction.
« Qui est le fils de l’homme ? » demande
Jésus et Pierre répond « Il est le Fils
de Dieu ». Jésus fera le même rapprochement
au moment de son interrogatoire par le Grand Prêtre
: celui-ci lui demande « Je t’adjure par le Dieu
vivant de nous dire si tu es toi, le Messie, le Fils de Dieu.
» et Jésus répond « Tu le dis. Seulement,
je vous le déclare, désormais vous verrez le
Fils de l’homme siégeant à la droite du
Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel. »
(Mt 26, 63). Là non plus, bien sûr, on ne peut
plus se tromper : Dieu se révèle non comme un
Dieu de puissance et de majesté, mais comme l’amour
livré aux mains des hommes.
L'intelligence
des écritures, de Marie-Noëlle Thabut
Une présentation simple et claire de tous les textes
du lectionnaire des dimanches et fêtes des trois années.
Un ouvrage pédagogique qui met la bible à la
portée de tous.
La collection complète existe en 6 volumes séparés
ou en coffret, aux éditions
Soceval.