s’en tient-on pas assez souvent à produire quelque chose comme un décor familier, bien que digne, en vue d’une sociabilité heureuse : couleurs claires, posément euphoriques, vitrerie agréable. Il semble qu’on s’y défende d’engager un calcul intentionnel trop explicite, comme si l ’effectivité d’un tel support fonctionnait surtout « par défaut ». Il faut bien reconnaître que nous ne disposons guère aujourd’hui d’une pensée confortable et point trop indécise en un tel domaine.
Reste la solution « artistique ». Nous sommes tentés de reprendre en ce point la distinction, pas seulement verbale, que nous nous étions permis de proposer à propos de l’Autel : transformer le lieu et ses paramenta en « oeuvre d’art » reviendrait le plus souvent à l’engoncer dans une sorte de respectabilité culturelle et d’ostentation d’excellence ou d’originalité peu en accord avec les intérêts du Culte divin et l’autonomie de la Sainte Liturgie.
Par contre, on pourrait rêver d’en faire véritablement une « oeuvre de l’art », appuyée sur la sensibilité et l’imagination d’un artiste à la fois savant et poète, capable d’ouvrir un espace de couleur lui-même sensible à la modulation de la lumière et des heures, à la présence des silhouettes priantes et chantantes, à la musique des orgues, si variée comme on le sait en coloris sonores, pour une religion à la fois confortée et rajeunie dans l’économie de ses regards et de ses humeurs, pour la gloire (insaisissable, éclatante, secrète, miséricordieuse ?) de Dieu et le soutien de l’Espérance (naïve, courageuse, lyrique, modeste… ?) des christifideles.
Père Jean-Yves Hameline
Article extrait de la revue Chroniques d’art sacré, automne 2004, p 30-31
1. Amalarii Episcopi Opera liturgica omnia, edita a J. M. Hanssens, Tomus II, Liber Officialis, Citta del Vaticano, (Studi e testi, 139), 1948, pp. 237-239, 270-271.
2. André Félibien, Les Fêtes de Versailles, Chroniques de 1668 & 1674, Présentation par Martin Meade, Paris, Editions Dédale, Maisonneuve et Larose, 1994. p. 87.
3. Bossuet, Traité de la Concupiscence, Texte établi et présenté par Ch. Urbain et Eug. Levesque, Paris, Publication de la Société les Belles-Lettres ; Editions Fernand Roches, Paris, 1930. Voir aussi : Jacqueline Lichtenstein ; La couleur éloquente, Rhétorique et Peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion (Idées et Recherches),1989.
