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Couleur et couleurs dans le site cérémoniel

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choses d’Église par Saint Ambroise.

Concupiscentia oculorum

Il est vrai que les lecteurs du même saint Ambroise et les contemporains de Félibien, à défaut de lire la Recherche de la vérité ou le Traité de Morale de Malebranche, auraient pu entendre quelque prédicateur ou maître spirituel faire surgir en cette circonstance même l’ombre quelque peu redoutable de la « concupiscence des yeux », laquelle hante le rude et magnifique Traité de Bossuet, resté manuscrit (3).

La couleur attire et détourne, brouille le dessin, disperse la raison et peut-être l’honnêteté, vers une aire où le langage et le concept ont peu de prises. Domaine où l’ostension se mue en ostentation, où la religion des apparences et des leurres l’emporte sur la religion des signes sacrés. Faut-il dès lors, à la manière cistercienne rêver d’une liturgie en noir et blanc, pour autant qu’une telle symphonie apparemment réduite soit censée éviter le piège (toujours le piège) de l’orgueil ascétique, et de l’abstinence ostentatoire ?

Comme celle des sons, l’économie de la couleur et des stimuli visuels engage ce qu’il faut bien appeler analogiquement une couleur de la religion : lugubre, pénitente, gaie, soucieuse d’éclat ou d’effacement. Mais comment éviter l’alliance du terne et du modeste, de la joie chrétienne et du rose-bonbon, négocier la contradiction entre la bassesse noire ou gris sale du pécheur et la grâce gracieuse (sans doute lumineuse, mais est-ce si sûr ?) du salut ? Et beaucoup de sanctuaires, en dépit des intentions baroques de retour à un suffisant éclairage, n’étaient-ils pas les sanctuaires d’une religion du clair-obscur, économie si subtile, comme on sait, de l’ombre et de la couleur.

Et puisque nous avions fait un détour par le XVIIe siècle, pourquoi ne pas recevoir en ce point la leçon d’un art populaire, en sa statuaire et ses retables, où la couleur, parce que acte de parure et de coloration, est un soin et donc un culte, et dit une piété et une religion d’attachement partagé, à la fois hiératique et commune, donnant lieu, et donnant son lieu, à une théologalité familière du regard en son site construit et aimablement colorié ?

Et nous ?

La leçon de ce passé est simple en sa logique, et presque banale. Elle est difficile à réaliser dans les conditions contemporaines. On peut certes admettre que la couleur et les couleurs impliquées dans la manifestation du Culte divin, aussi bien dans les dispositifs permanents que dans les fonctions actives de la Liturgie, ne sont pas sans rapport avec une qualification proprement religieuse des regards, des présences, du mode de sociabilité. La première question qui se pose est alors celle du degré ou du niveau de choix et d’intentionnalité à déployer sur un tel objectif.

Ne

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