Lettre d'information

Eucharistie et partage

du Christ ressuscité et son corps ecclésial, mais il souligne que l’eucharistie est précisément le « sacrement » de l’union indissoluble de l’un et de l’autre (cf. Éphésiens 5, 21-33). Impossible de confesser en vérité le Christ dans l’eucharistie sans le confesser immédiatement comme « Christ pour », c’est-à-dire dans sa relation à l’Église (actuelle et en espérance). Le père Jean-Marie-R. Tillard commente excellemment cette théologie augustinienne lorsqu’il écrit :

« A l’eucharistie, il n’y a pas deux Corps du Christ, le corps personnel et le corps ecclésial. Il y a sacramentelle union des deux en un Corps où le premier enserre le second qu’il irrigue de sa propre vie parle don de l’Esprit, et où le second se laisse saisir parle premier pour devenir, en lui sacrifice vivant à la gloire du Père (...) L’eucharistie célèbre, en le rendant présent - dans le pain et la coupe, le corps personnel du Seigneur Jésus-Christ mais en acte de vivification de son Corps ecclésial par l’Esprit-Saint. Elle donne le corps personnel, mais dans le lien indissoluble qui l’unit au Corps ecclésial » (3).

Une communion en actes

Si, dans la communion eucharistique, c’est bien le Christ comme corps personnel glorifié que nous recevons, et non l’Église, nous ne le recevons de manière féconde que si nous sommes en communion avec nos frères. La liturgie le montre d’ailleurs magnifiquement. Les trois gestes rituels qui suivent le Notre-Père doivent être considérés comme formant un ensemble. Chacun d’eux nous tourne vers le Christ et vers les autres, mais de diverses manières. L’accent, dans le premier, le geste de paix, porte sur notre rapport à autrui, mais ce rapport est fondé sur l’amour qui vient de Dieu : « Dans la charité du Christ, donnez-vous la paix ».

Dans le troisième, le geste de communion, c’est l’inverse : l’accent porte sur le Christ, puisque c’est lui que nous recevons alors ; mais cette communion n’est féconde, ou (pour reprendre 1 Corinthiens 11) nous ne « discernons le corps du Seigneur » de manière véritable, que si nous sommes en communion avec les autres, comme l’a signifié précisément le geste de paix. Quant au geste médian, celui de la fraction du pain, il nous tourne au même degré vers le Christ - c’est son corps sacramentel qui est rompu - et vers les autres : le corps sacramentel n’est là qu’en vue d’être partagé entre tous pour les rassembler dans l’unité.

L’Église n’a jamais oublié - même si elle ne l’a pas toujours suffisamment vécu dans ses institutions et dans ses actes - l’immense leçon du quatrième évangile qui rapporte, la veille de la mort de Jésus, non pas le récit de la Cène mais celui du lavement des pieds (Jean 13). Cette substitution vient signifier deux choses : d’abord, que la mémoire rituelle du Christ dans l’eucharistie ne prend sens qu’en vue d’un autre type de mémoire, existentielle celle-ci, c’est-à-dire vécue dans

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