Lettre d'information

L’Art, le lieu d’une rencontre

première cellule, où nous découvrons la fameuse représentation du Noli me tangere, cet épisode au cours duquel Jésus ressuscité dit à Marie-Madeleine : "Ne me retiens pas ! Car je ne suis pas encore monté vers mon Père", est conçu comme un exercice spirituel de la foi qui naît au matin de Pâques. L’image est une relation sensible qui s’instaure entre "le voir et le croire", où le regard creuse en nous la quête d’une présence. L’image, alors, ne se poste pas devant mon regard comme objet indéfini, étranger, mais crée en moi cette relation qui s’instaure entre ce que je vois et ce qu’il m’est donné de croire. L’image "m’affecte", elle a besoin de moi, elle s’insinue dans l’espace intérieur, où je croyais être seul, et au cours duquel il m’est donné de vivre une expérience intérieure. L’ouvre de Fra Angelico « travaille » le visible et celui qui le contemple. Car en chacune de ces fresques, quelque chose a été formulé, cette alliance mystérieuse d’une plénitude et d’un manque.

De ce manque naît une attente et l’art contemporain, pour une bonne partie de sa création, manifeste ce sentiment d’attente. L’art contemporain s’est débarrassé de l’image, parfois avec séduction il a su peindre cette même absence, je pense à Rothko qui veut faire de la rencontre avec le tableau une sorte d’"expérience religieuse". L’art devient le moyen de sublimer la destruction en produisant une valeur culturelle mais aussi une valeur émotionnelle. Rothko a réinscrit dans la peinture l’exigence spirituelle, l’un des enjeux fondamentaux qui ont nourri le travail de l’art à travers toute son histoire.

Mais peut-on impunément regarder Dieu dans le miroir de l’absence ? C’est vers l’homme qu’il faut se tourner. Il n’est de rencontre possible que dans le réel, au cœur à cœur de la matière, de la chair. Redécouvrir la naissance d’un visage, d’un être, n’est pas chose facile, et pourtant c’est l’accomplissement du sens de notre vie !

A nous de voir essentiellement, à travers l’art peut-être, la quête d’une présence où il nous faut transformer les formes. Allons au-delà des déserts intérieurs, allons au-delà de nous-mêmes. La clé d’une appréhension chrétienne de la Beauté, de la prière et de la création, est la découverte de celle-ci à partir du visage. Tout visage humain, à travers son regard en particulier, rayonne d’une lumière qui n’est pas celle du jour ; c’est bien la lumière d’une présence et d’une vie personnelle qui en fait le lieu d’une Révélation, d’une épiphanie, d’une transfiguration. L’art nous conduit sur les chemins d’une rencontre où il nous faut entendre le cri qui déchire les heures du jour et le temps des hommes : "Qui suis-je pour vous ?"

Jean-Marc Nicolas, diocèse de Périgueux Prêtre et historien de l’art.

Article paru dans la revue Prêtres diocésains en juin 2002. [Visitez le site internet de la

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