Lettre d'information

L’Art, le lieu d’une rencontre

sens ? Car le commentaire, l’étude, ce travail de l’œil qui relève de l’éducation du regard nous ouvre à l’intelligence du cœur, milieu prodigieux de connaissance de l’homme.

Reconnaissons paisiblement cette évidence que le christianisme a, depuis de longs siècles, modelé la langue et la culture françaises, fût-ce parfois au prix de conflit et de rejet. Les cathédrales demeurent là, sous nos yeux, tant de tableaux, de sculptures inspirées par des thèmes bibliques. Il y a une multitude de sujets qu’il faut traduire, et en interpréter le sens. Mais il n’y a pas adhésion de foi, si ce n’est la volonté de se laisser faire par le mystère de la beauté et de rendre compte de cet émerveillement. Ces choix sont significatifs de volontés artistiques porteuses de sens. Le Baroque, par exemple, ne constitue pas seulement une révolution des formes mais aussi un choix de sujets très déterminés dans un contexte de civilisation en pleine mutation. L’oeuvre d’art, saisie comme sujet et forme inséparablement liés, est mise en relation avec le moment historique qui l’a vue naître. Une telle approche globale ouvre la voie à de profondes et enrichissantes réflexions sur les efforts que les hommes accomplissent afin de répondre aux éternelles questions : "Qui sommes-nous ?", "D’où venons-nous ?", "Où allons-nous ?".

Une étude aussi complexe des œuvres permet de dépasser une simple identification du sujet, pour conduire à l’intelligence du sens dont elles sont porteuses. Le commentaire n’est qu’interprétation et il ne saurait épuiser la force suggestive de l’ouvre d’art. L’art devient ainsi le lieu d’une rencontre où il faut apprendre à regarder différemment, à voir autrement.

Regarder sans cesse, aider à délivrer l’invisible au cœur du visible. Regarder : qui veut bien voir doit apprendre à regarder. Notre œil contemporain possède moins de facultés d’aller vers les images naturelles, nous sommes constamment sollicités par des images signaux, des images qui captent notre regard mais qui sont des images aveugles, des images muettes, qui ne disent pas assez ce qu’elles voudraient signifier. Et bien souvent notre œil est paresseux, et nos sens sont fatigués ; alors il faut sans cesse apprendre à regarder, regarder ce temps et notre temps, en aimant le sens, en aimant la vie, sans trop gémir sur la perte d’un regard ancien ; mais découvrir à travers la mémoire la puissance de cette vie. Et se plonger dans les choses essentielles : lorsque Matisse peint et dessine des pigeons, il ne dit pas simplement le signe et le symbole d’une paix, mais il manifeste la quête de cette paix. L’artiste s’émerveille de ce qu’il voit ; dans le simple tracé d’un trait, il dit le vide et le plein, là aussi, de la quête d’une présence.

L’art, quête de réconciliation

Et nous avons besoin du regard, de ces regards, afin de redécouvrir les trésors que la beauté du monde nous tend à travers le voile,

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