Lettre d'information

L’art de l’Hymne

Quand Jean-Sébastien Bach écrit sa dernière œuvre, l’Art de la Fugue, il ne disserte pas sur sa manière de composer : il accomplit la prouesse de réunir quatorze fugues à quatre voix sur un même sujet et son renversement. S’il enseigne, c’est en montrant ce qu’il sait faire.

L’art de l’hymne ? Comment honorer un tel titre ? Il faudrait, poète, être à l’hymne ce que Bach, compositeur de génie, est à la fugue. Nul ne peut prétendre à cela. On pourrait alors réunir ici, à défaut d’en être l’auteur, quelques poèmes liturgiques tellement exemplaires qu’ils parleraient d’eux-mêmes. Mais en réalité, suffirait-il encore de recourir aux grands anciens et de citer quelques hymnes d’Ambroise, de Prudence, de Grégoire de Nazianze, de Romanos le Mélode ou d’Ephrem de Nisibe ? Suffirait-il aussi de renvoyer au meilleur de la création française, inaugurée en 1950 par les recueils Les Deux Tables et Gloire au Seigneur, aboutissant aux nombreuses propositions de Prière du Temps Présent (1) ? La simple lecture de ces modèles du passé et de ces créations modernes n’aiderait sans doute pas assez quiconque s’interroge aujourd’hui sur l’art de faire une hymne, comme on s’interroge sur l’art de faire du bon pain.

Les mots en attente

Comment écrire une hymne ? Y a-t-il un art spécifique d’écrire le texte d’un chant destiné à la prière du peuple chrétien, si telle est bien la définition que l’on peut donner de l’hymne liturgique ? Puisque le texte de l’hymne est un poème, sans doute va-t-il naître comme tout autre poème ? Y aurait-il une spécificité de l’art de l’hymne ? Avec cette question, je suis allé un long moment marcher dans une belle oliveraie en terrasse, comme pour interroger les oliviers dans la lumière d’un crépuscule du soir : comment faites-vous pour avoir ce feuillage ? Et comment se fait-il que vous donniez des olives ? Évidemment, ils ne m’ont rien répondu. Mais j’ai entendu bouger dans ma mémoire ce qu’écrivait Patrice de La Tour du Pin à la fin d’un de ses Psaumes (2) :

« …Je fais mon poème comme un frêne ses feuilles Pas la lumière, un frêne n’en fait pas. »

et le poète m’a dicté ma prière :

« Je t’en supplie, Seigneur, joue sur mes feuilles, Avant de me reprendre tout entier chez toi. »

Qui saurait dire comment naît le poème ? Je peux avoir vu mille fois des fleurs de nénuphars sur des étangs sans qu’elles ne me disent rien ; et un jour, dans un jardin botanique d’Extrême-Orient, un lotus m’étonne et me fait écrire :

« La fleur de lotus est si belle au ras de l’eau, qu’un bouclier la protège de son reflet. »

Je peux avoir perçu mille fois le cri nocturne de la chouette, comme s’il ne m’était pas adressé ; et un soir de Provence, en fermant les volets, son hululement me blesse :

« À l’orée de la nuit, la chouette, solitaire, interpelle une étoile qui ne lui répond pas. »

Je peux avoir des milliers de fois tendu

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