Lettre d'information

L’art de l’Hymne

écrire pour un acte vocal où l’écrit va disparaître. L’écrit disparaissant, le chant va prendre le relais du cri. Le chanteur va pouvoir rejoindre l’intérieur de celui qui a crié avant l’écriture de son cri. Celui qui chante « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (5) revêt les sentiments du Christ en croix criant vers son Père. Il rejoint les sentiments de celui qui, bien au-delà dans l’histoire, a crié avant jésus. Jésus reprend les mots de quelqu’un pour en faire son propre cri devant la mort, et interroger son Dieu. Désormais, tout homme a le droit, par lui, avec lui et en lui, de prier ainsi.

Écrire pour le chant, c’est écrire pour d’autres, mais non pas prétendre écrire le chant d’un autre. C’est offrir à l’autre l’écriture de mon cri pour qu’il puisse lui-même s’en saisir, en faire son chant et entendre par là, en lui, le cri qui a suscité en moi la nécessité d’écrire.

Écrire pour quelqu’un, comme écrire à quelqu’un, ce n’est pas d’abord me situer devant lui, comme en sa présence, pour savoir quoi lui dire et comment. C’est me situer devant le mystère qui m’habite, devant le mystère qui m’interroge avant que je sache quoi en dire. Me tenir, parfois longtemps, dans le silence, tant que ce mystère ne me parle pas. Audace des audaces : le modèle ici serait saint Jean, l’auteur de l’Apocalypse : « Ce que tu as vu, écris-le » (6). Oui, il faudrait n’écrire que ce que Dieu a donné de voir. Et d’entendre.

Une réponse d’homme à la parole de Dieu

L’hymne ne devrait jamais être qu’une réponse d’homme à une parole de Dieu qui se fait entendre d’abord. Et Dieu se fait entendre en liturgie : « car, dans la liturgie, Dieu parle à son peuple ; le Christ annonce encore l’Évangile. Et le peuple répond à Dieu par les chants et la prière » (7).

Il faut alors avoir l’audace et l’humilité de tenter une réponse qui ne soit pas trop indigne de la Parole première. Mon hymne doit voisiner et tenir debout avec les plus célèbres poèmes de l’humanité, comme sont, par exemple, ceux d’Isaïe, de Job, de David, de Jérémie, de la Vierge Marie, de Jean et de Paul. N’est-ce pas auprès de ceux-là qu’il faut apprendre l’art de l’hymne ? Dieu qui, si souvent dans la Bible, aussi bien dans le Nouveau Testament que dans l’Ancien, a parlé par la voix de ses poètes, montre aux poètes d’aujourd’hui où trouver et comment donner au peuple les mots de sa prière.

Bien sûr, les mots de la prière chrétienne, ceux qui viennent de Dieu et que nous lui retournons (ce sont les psaumes avec les hymnes et cantiques de l’un et l’autre Testament) ont la première place. Comment mieux parler de Dieu, ou à Dieu, qu’avec les mots que lui-même nous donne ? Et les chrétiens d’aujourd’hui, avec Le Psautier (8), ont heureusement retrouvé dans leur langue ces beaux chemins de prière. Mais, à côté de ces mots de Dieu, comme en écho, il y a place pour des mots d’hommes

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