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La liturgie : se laisser faire par le Christ

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A son ami Simplicianus qui le pressait de faire le pas décisif en se mêlant à la foule des chrétiens ordinaires, ceux qui fréquentaient alors les basiliques, Marius Victorinus, ancien magistrat de haute culture, faisait cette réponse devenue fameuse : « Alors, ce sont les murs qui font les chrétiens ? » (1).

La suite de l’histoire, rapportée par Augustin, dira qu’il fit effectivement le pas. Ce pas, nous le faisons, nous, sans presque y penser, et néanmoins il n’est pas de démarche, pas de déplacement qui possède une charge théologique équivalente à ce pas, à ces quelques pas qui nous portent à nos églises, quels que soit l’âge et la condition de celles-ci. Entrer, c’est confesser, c’est admettre, c’est convenir. C’est, pour reprendre à l’envers , au passif (mais quelle liberté ce passif suppose !), le mot du vieux sénateur, « être fait ». Chaque fois que nous entrons (pas seulement la première), nous sommes faits chrétiens, de sorte que la répétition habituelle de cette entrée est, pour ainsi dire, le premier agent de conservation de notre « chrétienté » personnelle et communautaire. Dès lors qu’un chrétien n’entre plus, il dépérit, il dégénère.

Qui d’entre nous ne ressent avec toutes ses facultés, tous ses sens, avec le « sens de la foi » surtout, cette mystérieuse aînesse de l’église dans laquelle il pénètre, lors même qu’elle viendrait de sortir de ses propres mains ? À travers ce « sacrement » que sont les murs, on touche ici à une donnée proprement théologale : dans la généalogie de notre être- chrétien, l’Église nous précède toujours. Et de cette antécédence, la liturgie qui se célèbre à l’intérieur des murs, est aussi le sacrement. Car la liturgie nous précède toujours : c’est un train de vie que nous prenons toujours en marche et qui nous circonvient, qui nous surprend de toutes parts, comme il en a surpris beaucoup, de Marius Victorinus à Claudel (2).

Nous entrons et, quoi que nous puissions apporter, inventer même, « tout est prêt » (Luc 14, 17) déjà, depuis longtemps. Dieu merci, lorsque nous entrons, nous n’avons pas à bricoler à chaque fois et à la sauvette ce que nous allons dire ou faire, la manière dont nous allons nous placer et passer le temps : nous entrons, demeurant sauve la marge d’improvisation, dans un espace, dans un temps et dans une Parole déjà composés pour notre usage, puisque la liturgie n’est rien d’autre qu’un certain art qu’a l’Église de composer pour nous la Parole et de composer à cette fin l’espace et le temps (3).

Dans ce grand sacrement qu’est l’ordo liturgicus, se manifestent, bien au-delà des simples rubriques et de l’autoritarisme vétilleux qu’elles peuvent éventuellement engendrer, une « autorité » maternelle, une « majorité » naturelle de

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