Lettre d'information

Regard sur le patrimoine du chant sacré et la liturgie contemporaine

Le père abbé de ligugé, musicien et spécialiste du chant grégorien nous donne son regard sur le patrimoine du chant sacré et la liturgie contemporaine. A Ligugé, la musique est un apostolat, elle marque la vie communautaire, et pas uniquement lors des offices, au réfectoire, on lit la vie de Mozart...

Jean-Pierre Longeat répond aux questions de Thomas Wallut

Outre le chant des offices, quelle est la place de la musique dans votre vie ?

Je continue à jouer du hautbois et pratique un tout petit peu une lectio divina musicale. C’est une écoute méditative de certaines pièces majeures. J’assaye non seulement de les écouter pour la beauté et le plaisir qu’elles peuvent procurer, mais plus encore pour le fond qu’elles véhiculent. La plupart des compositeurs essayent de dire des choses très existentielles. Ils développent un discours qui est, pour les plus grands, aussi important que celui des pères de l’Eglise ou des théologiens. Il faut chercher à goûter et à comprendre ce qu’ils ont à dire.

Par exemple ?

Mozart partage avec l’Introït du Requiem quelque chose de très essentiel. Il commence sa pièce avec le thème donné par les instruments à vent qui évoque une certaine harmonie bienheureuse. De façon concomitante, il développe une espèce de respiration haletante avec les cordes : c’est celle du mourant. Le choeur entre alors avec le requiem aeternam, c’est la voix de l’Eglise qui implore Dieu pour celui qui meurt. Le discours va, ainsi, se déployer jusqu’à la résolution finale où l’apaisement va être total.

Ecouter cette pièce, en goûtant chacun de ses éléments et en les approfondissant dans une prière, c’est faire une lectio divina. On poursuit l’écoute dans un silence de communion ; cette méditation peut être aussi importante que celle d’un texte de saint Jean Chrysostome.

La musique liturgique prépare au silence, à la rencontre, au face à face

Oui et réciproquement, le silence prépare à la liturgie. Lorsque St Benoît, dans sa règle, dit "écoute, fais silence", c’est vraiment pour écouter la parole de Dieu. A l’intérieur de la liturgie, il y a des moments où l’on est dans un état de communion proche du silence. C’est un lieu très fort, où la vie en Christ, en Dieu, est privilégiée. Il faudrait vivre tout le reste de la vie dans cette même disposition.

La création musicale actuelle semble loin de tout cela !

On peut se demander si le discours musical français d’aujourd’hui a toute sa part dans la réflexion et le développement de l’humain ; et si ce n’est pas qu’une espèce de divertissement qui occupe l’espace de la vie ordinaire sans avoir de prise sur le fond même de l’humanité.

Il faut pouvoir redonner, dans notre pays, les lettres de noblesse à ce qui a du sens et qui permet aux hommes de se guider dans l’existence. Et ceci, pas uniquement avec de la musique religieuse. Je pense qu’il y a de grandes pièces de compositeurs contemporains qui sont porteuses d’interrogations existentielles très fortes : Duthilleux, Ligeti ou même Beethoven avec l’Hymne à la joie. C’est un prolongement de toute la réflexion qui a été engagée par Mozart ou par Goethe, sur la vie et la mort et le devenir de l’homme.

Quel est le rôle

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