Lettre d'information

Une expérience bouleversante

Par Philippe Barras

dans notre propre langue aujourd’hui. Mais cela ne doit pas nous empêcher de mesurer ce qui est premier : la rencontre du Christ présent dans sa parole. Un peu comme lorsque nous rencontrons un ami : le premier dialogue établit la relation, mais la relation est première et permet de s’entendre, de se comprendre. Ainsi, dans la mesure où s’opère la rencontre du Christ dans sa parole, notre esprit peut s’illuminer de son Esprit pour comprendre ce qu’il nous dit par la proclamation des Écritures.

Christ est présent dans son corps et son sang

Voilà qui est encore plus bouleversant. Étrange même, comme l’exprime avec force Maurice Bellet. Il semble, dit ce dernier, qu’on ait passé son temps à éliminer l’étrangeté de cette affaire pour la rendre cohérente avec notre culture, pour dépasser le choc : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » (Jean 6, 52) « De quelque façon qu’on tourne la chose, il s’agit bien du corps, et de manger et de boire, et de Dieu, et de vie éternelle… Tout est étrange, là-dedans [l’Évangile], pourvu qu’on veuille entendre. Mais s’il s’agit de morale, ascèse, mystique, théologie, on peut assez bien se tenir dans l’assimilable. L’eucharistie, point : ça a la brutalité du rite, et quel rite ! La différence chrétienne y est à vif. (…) Choisir l’étrange, c’est laisser au contraire la tension aller à l’extrême : c’est elle qui parle. C’est accepter l’étranger, c’est entendre une voix qui parle d’ailleurs – mais qui pourrait bien appeler en moi-même cette part de moi que j’ignore et qui ne s’éveillerait que dans le dessaisissement où cette parole me jette. L’enjeu est bien autre que celui d’un rite. C’est beaucoup plus, c’est la vie… »

La liturgie eucharistique est, par excellence, le lieu de la rencontre étrange et bouleversante, le lieu de la reconnaissance et de la rencontre totale, corps et sang. L’eucharistie nous configure au Christ et nous rend participant de son propre corps. Elle est le lieu de la rencontre qui transfigure : « Une voix se fit entendre : “Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le !” » (Matthieu 17, 5)

Philippe Barras

Article extrait de la revue Célébrer n°301 juin 2001, p 20-23.

Notes :

1. Voir Dictionnaire critique de théologie, éd. Puf, 1998 (p. 450).

2. Constitution sur l’Église, Lumen Gentium, n°1.

3. Constitution sur la sainte liturgie de Vatican II, n° 7.

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