Interview de Mgr Jean-Pierre Ricard, président de la Conférence des évêques, par Le Figaro (Edition du 30 janvier 2004).
Dans l'interview accordé au Figaro, Mgr Jean-Pierre Ricard souligne qu'il "paraît légitime qu'un gouvernement, responsable de la cohésion nationale, rappelle le caractère laïc de notre République où aucune communauté n'a le droit d'imposer aux autres ses règles propres". Pour Mgr Jean-Pierre Ricard, la loi ne règlera pas tous les problème et n'effacera pas l'inquiétude des initiatives et des pressions venues de groupes politico-religieux liés à l'islam. À ce sujet, Mgr Jean-Pierre Ricard pense qu'il "existe de toute évidence un risque de déstabilisation de la part de groupes qui testent aujourd'hui les capacités de résistance de notre vie démocratique" et donc la loi "se veut un signe fort de défense de la laïcité contre les dérives communautaristes", mais avec une interrogation : "va-t-elle vraiment jouer ce rôle ?". Ne risque-t-on pas l'exacerbation qui conduirait des musulmans sincères à se ranger derrière des leaders plus radicaux se présentant comme leurs défenseurs."
Pour le président de la Conférence des évêques, le projet ne vise "qu'un phénomène limité. Il n'aborde pas l'obligation pour tout élève de participer à tous les cours, y compris le sport ou la biologie" et ne règle pas certaines "situations de violence rencontrées dans le cadre scolaire". D'où le risque de difficultés dans l'application où "des exclusions automatiques ne résoudraient rien". À la question de savoir si les établissements de l'enseignement catholique serviraient de refuge aux jeunes filles voilées, Mgr Jean-Pierre Ricard répond qu' "il ne saurait devenir un refuge de tous ceux qui refuseraient l'application de la loi . Soyons honnêtes : toutes les religions ne se sentent pas visées de la même manière" en reconnaissant que "c'est surtout le voile qui est visé" et qu'au-delà des réserves exprimées, "ce texte veille à ne pas remettre en cause la liberté d'expression et tout particulièrement la liberté religieuse. Chaque croyant, dans le respect des convictions des autres, pourra exprimer ses convictions personnelles, même à l'école, et c'est heureux".
Ne demandant aucun privilège, Mgr Jean-Pierre Ricard souhaite "seulement l'application d'une laïcité qui n'exclut pas l'expression sociale du christianisme", rappelant que "le christianisme a contribué à façonner l'Europe". À la question de savoir s'il y avait une montée d'un sentiment antireligieux en France, Mgr Ricard souligne qu'il n' y a pas de dégradation des relations entre l'Église catholique et l'État et note que les débats actuels ont pu raviver le sentiment qu'il "valait mieux écarter les religions de l'espace social pour les cantonner dans le seul domaine des convictions intimes. J'ai entendu, ajoute-t-il, certains remettre en question le statut des aumôneries dans le cadre scolaire, pourtant prévu dans la loi". En conclusion, toutes les composantes religieuses doivent avoir droit de cité sans se mettre en contradiction avec les grands principes de la République et sont appelées à porter leur contribution à la promotion d'un meilleur vivre ensemble des Français.
Jacques Carton
Les Propos de l'article ont été recueillis par Elie Maréchal et Alexis Brézet dans le Figaro 30 janvier 2004
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