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Commentaires des textes du
Dimanche 6 Juillet 2008
Quatorzième Dimanche ordinaire

Voir les commentaires du Dimanche 29 Juin

   
 
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Premiere lecture | Psaume | Deuxième lecture | Evangile
      


      

      

PREMIERE LECTURE - Zacharie 9, 9 - 10

   

 

9 Exulte de toutes tes forces, fille de Sion !
Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem !
Voici ton roi qui vient vers toi ;
il est juste et victorieux,
humble et monté sur un âne,
un âne tout jeune.
10 Ce roi fera disparaître d'Ephraïm les chars de guerre,
et de Jérusalem les chevaux de combat ;
il brisera l'arc de guerre,
et il proclamera la paix aux nations.
Sa domination s'étendra d'une mer à l'autre,
et de l'Euphrate à l'autre bout du pays.

© AELF

 

COMMENTAIRE
 

Première remarque : l’expression « fille de Sion » ou « fille de Jérusalem » ne désigne pas une personne précise, une certaine jeune fille ou jeune femme qui serait originaire de Jérusalem (Sion ou Jérusalem, c’est la même chose).Cette expression désigne la ville elle-même ; c’est exactement comme si le prophète disait : « Jérusalem, réjouis-toi ». Et pourquoi Jérusalem doit-elle se réjouir ? Cela m’amène à ma deuxième remarque : justement l’heure n’est pas à la joie !
Deuxième remarque : le ton général de ces versets est triomphant ; mais nous savons bien que c’est toujours signe de période difficile : cette prédication de Zacharie a certainement été prononcée en temps de guerre : c’est ce qu’on appelle un oracle de consolation. Cela explique des phrases telles que « Ce roi fera disparaître d’Ephraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. » On situe généralement ce texte au début de la domination grecque (donc vers 330) après les conquêtes éclair d’Alexandre ; c’est un moment où, plus que jamais, il faut se raccrocher à l’espérance d’une intervention de Dieu.

Je reprends cette annonce de Zacharie : les termes qu’il emploie sont ceux qui désignaient habituellement le Messie. On attendait un roi qui apporterait la justice et la paix pour tous. C’est exactement ce que promet Zacharie : « Voici ton roi qui vient vers toi ; il est juste et victorieux... Ce roi fera disparaître d'Ephraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l'arc de guerre... Sa domination s'étendra d'une mer à l'autre, et de l'Euphrate à l'autre bout du pays. » Jusqu’ici, il n’y a rien de particulièrement neuf dans les paroles de Zacharie ; d’autres paroles prophétiques ou des psaumes disaient déjà à peu près la même chose ; par exemple je vous rappelle quelques versets du psaume 72 (71) : « Dieu confie au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. Qu’il gouverne ton peuple avec justice... Qu’il domine d’une mer à l’autre, et du Fleuve jusqu’au bout de la terre. » Ce qui est audacieux dans les paroles de Zacharie, c’est de proclamer ce message d’espérance à un moment précisément où on aurait de bonnes raisons de penser que tout espoir est perdu.

Mais j’ai laissé de côté jusqu’ici trois affirmations de Zacharie ; la première n’est pas exactement une nouveauté mais elle mérite d’être notée : « Il proclamera la paix aux nations ». C’est seulement depuis l’Exil à Babylone que le peuple juif a pris conscience que le projet de Dieu englobait l’humanité tout entière. Voici la deuxième : « Ce roi fera disparaître d’Ephraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat... ». Discrètement, au passage, le texte annonce la restauration et la réunification de l’antique royaume de David ; pour l’instant, quand ce texte est écrit, il n’en reste plus grand chose : le Nord (Ephraïm) comme le Sud (Jérusalem) qui avaient perdu depuis bien longtemps leur unité, ont perdu également toute souveraineté.

Enfin, la troisième affirmation de Zacharie est véritablement une nouveauté : « (Voici ton roi qui vient vers toi) humble et monté sur un âne, un âne tout jeune. » Or l’âne était considéré comme une monture modeste : les conquérants d’Alexandre étaient autrement mieux montés. Et à Jérusalem même, le roi Salomon avait introduit le cheval comme monture de guerre et aussi de parade ; on lui a assez reproché ses goûts de grandeur. On n’avait pas l’habitude de voir un roi sur un âne.

Isaïe, c’est vrai, avait déjà entrevu un Messie humble : il annonçait un Serviteur de Dieu, humble et fidèle, qui accomplira l’oeuvre de Dieu et n’hésitera pas à affronter la persécution ; il la subira, mais c’est dans sa souffrance même que son peuple trouvera le chemin de la paix et de la réconciliation avec Dieu. (C’était dans les chants du Serviteur : Is 50, 6 ; 53,7) ;
Il faut noter que ce Serviteur d’Isaïe ne porte absolument pas le titre de roi, mais il est néanmoins présenté comme un Messie, en ce sens, d’une part, qu’il accomplit bien l’oeuvre du Messie attendu et, d’autre part, qu’il est rempli de l’Esprit de Dieu comme doit l’être le Messie. Au contraire, le Messie de Zacharie est d’emblée présenté comme un Roi : il représente donc l’attente traditionnelle du Messie-Roi ; mais la nouveauté du texte de Zacharie, c’est qu’il combine cette attente traditionnelle du Messie-Roi avec celle de l’humilité du Serviteur décrit par Isaïe : puisque son roi est humble : finis les rêves de grandeur, de guerre, de puissance ; une seule chose compte à ses yeux : instaurer la paix pour son peuple.

Les quatre récits de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem ressemblent très fort à la venue de ce roi monté sur un âne. Matthieu (Mt 21, 5) et Jean (Jn 12, 15) citent même expressément ce passage. Peut-être Jésus lui-même a-t-il cité ce texte aux disciples d’Emmaüs ? Puisque Luc nous dit qu’il a relu avec eux dans les Ecritures tout ce qui le concernait (Lc 24, 27). Or, de toute évidence, ce texte concerne bien le Messie, mais d’une manière nouvelle pour son époque.

Pourquoi les évangiles s’intéressent-ils tant à ce texte de Zacharie ? Parce que, dans un premier temps après la mort et la Résurrection de Jésus, les apôtres ont été confrontés à un mystère inexplicable : pour eux, qui étaient témoins de la Résurrection de Jésus, il ne faisait pas de doute que celui-ci était le Messie ; mais il était doux, humble et pacifique, c’est-à-dire bien différent du roi triomphant qu’ils imaginaient spontanément. C’est alors que ce texte de Zacharie (tout comme les chants du Serviteur d’Isaïe) leur est apparu comme un chemin pour entrer dans « l’intelligence des Ecritures ».

PSAUME 144 ( 145 ), 1-2, 8-9, 10-11, 13c-14
 

1 Je t'exalterai, mon Dieu, mon roi,
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
2 Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.

8 Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d'amour :
9 la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse pour toutes ses oeuvres.

10 Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
11 Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

13 Le Seigneur est vrai en tout ce qu'il dit,
fidèle en tout ce qu'il fait.
14 Le Seigneur soutient ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.

© AELF
COMMENTAIRE
 

On sait bien que le psautier tout entier en hébreu s’appelle « louanges » ; mais ce psaume précis est l’unique du psautier à être intitulé « louange » : ce qui explique le vocabulaire et le ton émerveillé des versets que nous venons d’entendre ; et le motif particulier de la louange, c’est la royauté du Dieu de l’Alliance ; à l’occasion d’une célébration de renouvellement de l’Alliance, Israël contemple le roi qui lui a accordé sa protection, gratuitement, sans mérite de sa part. On ne s’étonne donc pas de l’importance du vocabulaire royal : « Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi »... et encore « tes fidèles diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits ».

Puisqu’il s’agit d’un psaume d’action de grâce pour l’Alliance, il est ce qu’on appelle un psaume « alphabétique » : manière de dire « toute notre vie, de A à Z, (en hébreu de Aleph à Tav) baigne dans l’Alliance, dans la tendresse de Dieu. Deuxième remarque quant à la forme : le parallélisme d’une ligne à l’autre de chaque verset est particulièrement accentué : cela vaudrait la peine de le lire à deux voix ou deux choeurs alternés.

Comme toujours, ce parallélisme est instructif : par exemple, la juxtaposition des deux derniers versets que nous propose la liturgie de ce dimanche est surprenante à première vue : « Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, fidèle en tout ce qu’il fait / Le Seigneur soutient ceux qui tombent, il redresse tous les accablés. » Un peu plus loin, deux autres versets offrent exactement ce même parallélisme : « Le Seigneur est juste en toutes ses voies, fidèle en tout ce qu’il fait / Il est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité. » Cela veut dire que la justice de Dieu, la vérité, la fidélité de Dieu ne sont rien d’autre que sa miséricorde ; cela veut dire encore que la plus grande justice au monde n’est pas celle de la balance, elle est celle de l’amour ! Cela veut dire enfin que si nous vivons « selon l’Esprit de Dieu » comme nous le recommande Saint Paul, dans la lettre aux Romains (cf la deuxième lecture de ce dimanche), nous allons nous engager sur la voie de cette étrange justice qui est synonyme de miséricorde.

Car le Roi dont il est question ici n’est pas un roi comme ceux qu’on connaît sur la terre. C’est un roi à la fois tout-puissant et bon : il ne veut que notre bonheur... Voilà la découverte qu’Israël a faite au long de son histoire. Quand on parle de la puissance de ce roi pas comme les autres, on sait que sa puissance n’est qu’amour : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». C’est le meilleur résumé qu’on puisse donner de toute la révélation biblique : Et là Israël parle d’expérience : combien de fois, en particulier pendant l’Exil à Babylone, n’a-t-il pas invoqué son Dieu et supplié pour obtenir son pardon et son retour ?... Désormais, le peuple rassemblé dans le Temple reconstruit, chante de tout son coeur : « Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent !... Je t’exalterai, mon Dieu, mon roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! Chaque jour je te bénirai, je louerai ton nom toujours et à jamais. »
Et sa mission, il le sait, est de le chanter assez fort pour que tous le sachent : la richesse de pardon, la tendresse et la pitié du Seigneur, elles sont POUR TOUS ! « La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses oeuvres ». Cette universalité du projet de Dieu, les hommes de l’Ancien Testament l’avaient peu à peu comprise : Dieu aime toute l’humanité et son projet d’amour, son « dessein bienveillant » concerne toute l’humanité et toute la création.

Pour nous Chrétiens, qui avons relu la prophétie de Zacharie (dans la première lecture de ce dimanche), le chant de ce psaume est saisissant : Zacharie dessine le portrait du Messie à venir ; comme la majorité des Juifs, il le voit comme un roi, descendant de David ; mais ce roi, au lieu de chercher son propre intérêt et de satisfaire ses rêves de grandeur et de conquêtes, se consacrera exclusivement au service de son peuple : il fera taire définitivement les armes ; en cela, il sera vraiment le fidèle exécutant des projets de Dieu. Evidemment, Jésus de Nazareth, le doux et humble de coeur, répond bien au portrait de Zacharie. Plus saisissant encore, est le premier verset qui prend un relief nouveau, si l’on pense à Jésus : « Je t’exalterai, mon Dieu, mon roi... » Car il est bien Dieu et roi, notre Messie.

Pour terminer, si l’on se rapporte au texte complet de ce psaume, on lui découvre une parenté très grande avec le Notre Père : par exemple, le Notre Père s’adresse à Dieu à la fois comme à un Père ET comme à un roi : un père qui est le Dieu de tendresse et de pitié dont parle ce psaume... un roi dont le seul objectif est le bonheur de tous les hommes. « Notre Père... donne-nous... pardonne-nous... délivre-nous du mal... »... que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ... » parce qu’on sait que sa volonté est, comme dit Saint Paul , « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». (1 Tm 2,4).

On comprend que ce psaume 144 soit devenu la prière du matin du peuple qui le premier a appris à parler à Dieu comme à un père. On ne s’étonne pas non plus que ce psaume figure dans la prière juive de chaque matin : pour le juif croyant, le matin (l’aube du jour neuf) évoque irrésistiblement l’aube du JOUR définitif, celui du monde à venir, celui de la création renouvelée... Si nous allons un peu plus loin dans la spiritualité juive, le Talmud (l’enseignement des rabbins des premiers siècles après J.C.), affirme que celui qui récite ce psaume trois fois par jour, « peut être assuré d’être un fils du monde à venir ».



DEUXIEME LECTURE - Romains 8, 9. 11-13
 

 

6Frères,
9 vous n'êtes pas sous l'emprise de la chair,
mais sous l'emprise de l'Esprit,
puisque l'Esprit de Dieu habite en vous.
Celui qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas.
11 Mais si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts
habite en vous,
celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts
donnera aussi la vie à vos corps mortels
par son Esprit qui habite en vous.
12 Ainsi donc, frères, nous avons une dette,
mais ce n'est pas envers la chair ;
nous n'avons pas à vivre sous l'emprise de la chair.
13 Car si vous vivez sous l'emprise de la chair,
vous devez mourir ;
mais si, par l'Esprit,
vous tuez les désordres de l'homme pécheur,
vous vivrez.

COMMENTAIRE
 

La grosse difficulté de ce texte est dans le mot « chair » : chez Saint Paul, il n’a pas le même sens que dans notre français courant du vingt-et-unième siècle. Nous, nous sommes tentés d’opposer deux composantes de l’être humain que nous appelons le corps et l’âme et nous risquons donc de faire un épouvantable contresens : quand Paul parle de chair et d’esprit, ce n’est pas du tout cela qu’il a en vue. Ce que Saint Paul appelle « chair », ce n’est pas ce que nous appelons le corps ; ce que Paul appelle l’Esprit, ce n’est pas ce que nous appelons l’âme. D’ailleurs Paul précise plusieurs fois qu’il s’agit de l’Esprit de Dieu, ou encore il dit « l’Esprit du Christ ». Et encore, si on y regarde de plus près, il n’oppose pas deux mots « chair » et « Esprit », mais deux expressions « vivre selon la chair » et « vivre selon l’Esprit ». Pour lui, il faut choisir entre deux modes de vie ; ou pour le dire autrement, il faut choisir nos maîtres, ou notre ligne de conduite, si vous préférez.
Vivre « selon la chair », pour Saint Paul, c’est vivre sans Dieu, vivre de nos seules forces, enfermé dans les limites de l’intelligence et des forces humaines ; évidemment, cela ne va pas loin ! Ou plutôt si, cela peut aller très loin, mais dans le mauvais sens. (Nous retrouvons, comme toujours chez Paul, le thème des deux voies). Car vivre sans Dieu finit toujours par vouloir dire vivre loin de Dieu, et d’un éloignement qui ne peut que s’aggraver. C’est ce que Paul a décrit dans les premiers chapitres de cette lettre aux Romains. Pour reprendre les images de la Genèse, vivre selon la chair, c’est vivre comme Adam : il veut devenir comme Dieu, mais sans l’aide de Dieu : il se trompe. Nous aussi, à nos heures, qui cherchons notre bonheur tout seuls, sans lui, ou même contre lui, sans nous apercevoir que c’est le meilleur moyen de faire notre malheur.

Au contraire, vivre « selon l’Esprit », c’est nous laisser guider par lui, et donc vivre de la force de Dieu : cela change tout ! Or la grande nouvelle de ce texte, c’est « L’Esprit de Dieu habite en vous » donc « vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous l’emprise de l’Esprit ». Le mot « habiter » revient trois fois dans le texte d’aujourd’hui, c’est dire l’importance que Paul y attache : or, celui qui habite la maison, c’est le maître, c’est lui qui dirige. Nous sommes donc devenus littéralement des maisons de l’Esprit : c’est lui qui commande désormais.

Encore faut-il savoir quelle place nous lui laissons dans notre maison ; car nous sommes libres d’ouvrir plus ou moins la porte. Dans de nombreux textes, Paul insiste sur notre liberté : « vous n’êtes plus sous l’emprise de la chair » signifie que nous ne sommes plus esclaves des forces du mal, que nous avons désormais la force de faire triompher les vraies valeurs : l’amour, la paix, la vérité, la justice. Nous en avons la force, mais nous n’y sommes pas obligés non plus : à chaque instant, le choix est à refaire. Plus nous laisserons de place à l’Esprit Saint dans notre maison (c’est-à-dire plus nous ferons ce qu’il nous souffle de faire dans la voie de l’amour, de la bienveillance, du pardon), plus nous serons des vivants.

Avant sa conversion, Paul appliquait des quantités de règles morales et religieuses avec beaucoup de fidélité mais l’Esprit du Christ n’habitait pas en lui ; il vivait encore « sous l’emprise de la chair ». Et cela pouvait l’amener à la violence et au meurtre, avec la meilleure foi du monde. Désormais, sa vie tout entière est inspirée par l’Esprit du Christ, jusqu’à pouvoir dire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).

Nous aussi, depuis notre Baptême, nous pouvons laisser l’Esprit prendre possession de notre maison. Paul en déduit deux conséquences : premièrement, nous ressusciterons avec le Christ ; c’est une promesse pour le futur : l’Esprit exercera en nous sa puissance et réalisera en nous ce qu’il a réalisé en Jésus-Christ : « Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » Deuxièmement, dès maintenant, notre vie est transformée, comme l’a été celle de Paul, car, désormais, nous sommes « sous l’emprise de l’Esprit ». « Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez » annonçait le prophète Ezéchiel ; Paul parle souvent de cette nouvelle vie spirituelle qui est la nôtre depuis notre Baptême : tout en demeurant encore dans notre corps mortel, nous pouvons déjà vivre de l’Esprit du Christ. C’est ce que Saint Jean appelle la « vie éternelle ».

Concrètement, on voit bien ce que cela veut dire, il suffit de remplacer le mot « Esprit » par le mot « amour » : « vivre selon l’Esprit » c’est se laisser souffler par lui des paroles et des gestes d’amour. Quelques chapitres plus haut, Paul écrivait aux Romains : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » (Rm 5, 5). Et dans la lettre aux Galates, il explique ce que sont les fruits de l’Esprit : « joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi », (Ga 5, 22) en un mot l’amour décliné selon toutes les circonstances concrètes de nos vies. Paul, en cela, est bien l’héritier de toute la tradition des prophètes : tous affirment que notre relation à Dieu se vérifie dans la qualité de notre relation aux autres ; et dans les chants du Serviteur, en particulier, Isaïe affirme que vivre selon l’Esprit de Dieu, c’est aimer et servir nos frères. Comme dit Saint Jean (1 Jn 3, 14) : « Qui n’aime pas demeure dans la mort... Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie (la vraie vie s’entend) parce que nous aimons nos frères ».


      

EVANGILE- Matthieu 11, 25 - 30
 

25 En ce temps-là,
Jésus prit la parole :
« Père, Seigneur du ciel et de la terre,
je proclame ta louange :
ce que tu as caché aux sages et aux savants,
tu l'as révélé aux tout-petits.
26 Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bonté.
27 Tout m'a été confié par mon Père ;
personne ne connaît le Fils, sinon le Père,
et personne ne connaît le Père, sinon le Fils
et celui à qui le Fils veut le révéler.
28 Venez à moi,
vous tous qui peinez sous le poids du fardeau,
et moi, je vous procurerai le repos.
29 Prenez sur vous mon joug,
devenez mes disciples,
car je suis doux et humble de coeur,
et vous trouverez le repos.
30 Oui, mon joug est facile à porter,
et mon fardeau léger. »

 


COMMENTAIRE
 

« Prenez sur vous mon joug » dit Jésus ; là-bas on savait bien ce qu’est un joug : une pièce de bois, très lourde, très solide, qui attache deux animaux, deux boeufs normalement, pour labourer. Ils conjuguent leurs forces et le plus puissant des deux imprime son pas à l’attelage. Au sens figuré, « Prendre le joug » suggère donc que l’on s’attache à quelqu’un pour marcher du même pas, attelés à la même tâche.

Si bien que cette expression était devenue courante dans l’Ancien Testament et dans le Judaïsme pour évoquer l’Alliance entre Dieu et son peuple : lorsqu’on promettait de « Prendre le joug de la Torah » cela voulait dire s’engager à suivre la Loi de Dieu, s’atteler à Dieu, en quelque sorte ; étant entendu que toute la force de « l’attelage » ainsi composé vient de Dieu lui-même ! Pour un Juif, le service de la Torah n’est donc pas un fardeau trop lourd, c’est le chemin du vrai bonheur ; Ben Sirac le Sage disait : « Tu trouveras en elle (dans la pratique de la Loi) le repos, elle se changera pour toi en joie. » (Si 6, 28*). On parlait même parfois de la « joie du joug ! »
Visiblement c’est bien de cela que Jésus parle, et il fait lui aussi le lien entre le joug de la Torah et le repos : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples », c’est-à-dire pratiquez mes commandements « et vous trouverez le repos ».

Mais on sent bien également dans ces quelques lignes une pointe polémique : « Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger. » Manière de dire : Mon joug à moi est facile à porter, ce n’est pas le cas de tout le monde. D’ailleurs, Jésus ne se prive pas de le dire : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau ».

Effectivement, certains Pharisiens, à force de scrupules, avaient transformé la pratique de la Loi de Dieu en un cortège d’obligations tâtillonnes ; c’est à leur propos que Jésus disait aux foules : « Les scribes et les Pharisiens siègent dans la chaire de Moïse : faites donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt. » (Mt 23, 2-4). D’autre part, une majorité du peuple avait bien du mal à observer la totalité des commandements que les autorités religieuses leur imposaient et ils sentaient le mépris dont ils étaient l’objet

Jésus propose donc à ses disciples de déposer ces fardeaux trop lourds : « Prenez sur vous mon joug... et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger. » Son joug à lui, c’est tout simplement la loi d’aimer, et c’est lui qui nous en donne la force.

Quant au repos, c’était également un mot familier aux auditeurs de Jésus ; par exemple, l’Ancien Testament présentait la Terre Promise comme le lieu du repos accordé par Dieu à son peuple. Et, en contrepoint, quand le peuple était infidèle à la loi, le psaume 94 (95) exprimait la tristesse de Dieu : « J’ai dit : ce peuple a le coeur égaré, il n’a pas connu mes chemins... Jamais ils n’entreront dans mon repos. » Reprenant ce psaume, la lettre aux Hébreux annonce un nouveau jour où avec le Christ, nous entrerons avec assurance dans le repos de Dieu : « Empressez-vous donc d’entrer dans ce repos. » (He 4, 11).

La chose très nouvelle dans ce discours, c’est que Jésus s’identifie à Dieu : lui seul peut se permettre de dire « Moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger. » Les représentants de la religion ne pouvaient qu’être agacés par ces propos. En revanche, ceux qui « peinaient sous le poids du fardeau », pour reprendre l’expression de Jésus, étaient attirés par son attitude de respect et d’attention à chacun, lui qui était « doux et humble de coeur ». Ce sont eux qui, spontanément, ont compris que Dieu était là. On a là une application de la fameuse béatitude : « Heureux les pauvres de coeur, le royaume des cieux est à eux ».

Alors Jésus s’émerveille : ces pauvres de coeur comprennent son message à une profondeur telle que cela ne peut venir que du Père : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté. » Jésus tiendra le même langage un peu plus tard, lorsque Pierre, un homme simple, lui aussi, lui aura déclaré : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui dira aussitôt : Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 16, 17). Une fois de plus, Jésus est bien ici dans la droite ligne de l’Ancien Testament qui a toujours déclaré haut et fort que toute vraie sagesse, toute vraie intelligence ne peuvent venir que de Dieu ; c’est ce qu’exprime à sa manière la très belle image du livre de la Genèse : l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux n’est pas accessible à l’homme par ses seules forces. Le livre de Job le dit lui aussi dans un poème admirable consacré à la Sagesse : « La sagesse, où la trouver ? Où réside l’intelligence ? On en ignore le prix chez les hommes, et elle ne se trouve pas au pays des vivants... Dieu en a discerné le chemin, il a su, lui, où elle réside. » (Jb 28, 12... 23). Le livre de Ben Sirac, lui, l’affirme dès son premier verset : « Toute sagesse vient du Seigneur » (Si 1, 1).

Chaque fois que Jésus est mis devant l’évidence de la foi, il manifeste sa joie et sa reconnaissance au Père ; l’évangile nous révèle ainsi ce qu’est la véritable prière d’action de grâce : bonheur filial émerveillé devant l’initiative de Dieu se révélant aux hommes. Ce dont Jésus s’émerveille aussi, c’est de l’intimité que lui offre son Père : il contemple la communion inouïe qui les unit : « Tout m’a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » Ici, l’évangile de Matthieu se rapproche des méditations de l’évangile de Jean : « Le Père et moi, nous sommes UN... Qui m’a vu a vu le Père. »

***

Complément
« Doux et humble de coeur » : l’évangéliste, rapportant cette parole, y entendait certainement un écho de la prophétie de Zacharie sur le roi doux et humble monté sur un âne (Za 9, 9-10 ; cf la première lecture).

*« Tu trouveras en elle le repos, elle se changera pour toi en joie. Alors ses entraves seront pour toi une protection puissante et son carcan un vêtement glorieux. Son joug est une parure d’or, ses liens sont un ruban de pourpre violette. » (Si 6, 28-30).
Le passage parallèle à celui-ci dans l’évangile de Luc commence par ces mots : « A l’heure même (il s’agit du retour de mission des soixante-douze disciples), il exulta sous l’action de l’Esprit-Saint. » (Lc 10, 21).

 

 

   
     
      


      

      


      

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