Editorial : Un œcuménisme installé ?

L’année 2007 sera marquée par le Troisième Rassemblement Œcuménique européen qui se tiendra à Sibiu, en Roumanie, du 3 au 8 septembre. Après ceux de Bâle (1989) et Graz (1997), cette manifestation devrait être une occasion de réfléchir sur la responsabilité de nos Eglises face à l’avenir d’un continent dont les limites s’étendent bien au-delà des frontières de l’Union européenne, qui va fêter dans l’incertitude le cinquantième anniversaire du Traité de Rome. Pour nous aider à entrer davantage dans le processus de préparation du rassemblement européen, le Conseil d’Eglises chrétiennes en France (Cecef) nous invitera prochainement à en célébrer le thème - Christ Lumière qui illumine tous les humains - au cours du temps de l’Avent.

Mais, par un heureux hasard de leurs calendriers respectifs, 2007 permettra également à tous les chrétiens de célébrer ensemble la Résurrection du Seigneur. De plus en plus dans nos régions, la Semaine Sainte permet déjà aux baptisés de se retrouver pour prier ensemble. Espérons que la conjonction des dates de Pâques permettra d’accélérer ce mouvement qui élargit les rencontres au-delà de la seule Semaine de prière pour l’Unité.

Depuis plus de soixante-dix ans, celle-ci s’est imposée progressivement comme un rendez-vous incontournable pour une majorité de fidèles, même pour ceux qui n’ont jamais milité dans un groupe œcuménique paroissial ou régional. Elle est sans doute "l’institution œcuménique" la mieux connue et celle par laquelle le plus grand nombre se sent concerné. Ni lieu de rencontre de responsables, comme le Cecef, ni comité d’experts planchant sur des questions trop techniques pour que l’on puisse en saisir aisément les enjeux ou la pertinence, elle rassemble largement des chrétiens de toutes sensibilités.

Mais ce succès ne doit pas nous dispenser de nous interroger sur son rôle effectif, comme sur celui des autres institutions œcuméniques : celles-ci sont-elles encore des stimulants dans notre marche vers l’unité ? sont-elles des instruments de cette "conversion des Eglises", à laquelle invitait le groupe des Dombes il y a quinze ans ? Ou bien sont-elles les témoins d’un "œcuménisme installé", entre des partenaires résignés à leurs divisions ou simplement satisfaits d’une coexistence pacifique plus confortable – y compris pour les consciences ! – que les tragiques guerres de religions que se faisaient leurs ancêtres ?

La réaffirmation des identités, en un temps de mutation qui appelle des points de repère, n’est pas nécessairement l’ennemi de l’œcuménisme : grâce à Dieu, nous avons appris que l’unité ne se ferait pas par un "retour" du partenaire ni par une relativisation des divergences, mais par une communion des Eglises dans une "diversité réconciliée". Il n’empêche que la conjoncture n’est sans doute pas favorable aux remises en cause de nos réflexes ecclésiaux, de nos fonctionnements marqués par des siècles de positionnements polémiques.

Un partenariat renforcé entre notre revue Unité des chrétiens et le centre Unité chrétienne de Lyon voudrait donner l’exemple d’évolutions possibles de nos institutions qui doivent bouger pour rester au service de la communion ecclésiale. Nous y reviendrons dans notre prochaine livraison dont la maquette sera modernisée. Elle paraîtra juste avant la Semaine de l’unité, dont ce numéro commun vous propose déjà le dossier de préparation. Ce dossier évoque bien sûr le thème proposé par des chrétiens d’Afrique du Sud : la guérison apportée par le Christ qui "fait entendre les sourds et parler les muets", et le témoignage que nous sommes appelés à porter auprès de tous ceux que la souffrance laisse sans voix. Il nous invite aussi à nous interroger sur les surdités et les bégaiements de nos Eglises face aux appels à l’unité, et bien sûr à prier le Christ de les guérir.

Puisse donc cette Semaine 2007, dans la perspective de la célébration commune de Pâques et du Rassemblement de Sibiu, être marquée dans chacune de nos régions par de nouvelles initiatives nous permettant de mieux vivre cet "échange de dons" entre nos communautés sans lequel notre œcuménisme se trahirait en se limitant à des politesses de chrétiens confortablement installés dans leurs divisions !

Fr. M. Mallèvre