Lettre d'information

La revue  " Chroniques d’Art Sacré "
Numéro 86 : Célébrer hors les murs

Accueil > Revues > Chroniques d’Art Sacré > Célébrer hors les murs

1 Editorial : Claire Mouly
2. Murales, peintures d’accompagnement : Olivier Delavallade
3. Quand l’E(é)glise se trouve ailleurs : Louis-Michel Renier
4. Les Arènes de Nîmes, cathédrale d’un jour : Père Hervé Reme
5. Faire église au Palais des sports, diocèse de Créteil - Père Philippe Gueudet

Edito : Célébrer hors les murs

Célébrer hors les murs ! Comment traiter cette question dans une revue qui travaille sur le tangible, le solide, le durable, en s’appuyant sur la foi du peuple chrétien qui presque dès l’origine a eu le souci d’offrir à son Dieu une demeure pour le célébrer, un lieu défini, séparé, où s’est inscrit au fil des siècles, dans la pierre et la lumière, cette ouverture à sa Présence, cette joie à sa Rencontre. Mais aujourd’hui nos églises et nos cathédrales ne peuvent pas toujours contenir les foules qui se rassemblent pour célébrer l’ordination d’un évêque, une messe de jubilé ou un rassemblement de jeunes. Elles n’ont pas été construites comme la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp avec un espace de célébration aménagé à l’extérieur suffisamment grand pour accueillir tout un diocèse. Il nous faut donc quitter nos lieux familiers pour vivre ces évènements d’un jour qui soudent nos communautés autour de leurs pasteurs. Ce ne sera pas la première fois bien sûr. De tout temps nous avons été un peuple pérégrin. Pèlerinages et pardons, mystères et processions nous ont fait sortir de nos églises. Mais les murs en étaient tout proches encore et nous nous adossions à elles, orientés par leur verticalité. Ainsi il y a peu de temps, nous avons pu participer aux funérailles du pape Jean-Paul II à Rome, peuple uni priant sur le parvis de la basilique Saint-Pierre.

Mais que faire d’un lieu quand sa vacuité ne dit rien ou quand sa raison sociale le rend trop bavard, grand champ vide, palais des sports, chapiteau ou arènes ? Comment donner sens à ces lieux de vie communs trop chargés de leur empreinte profane pour que se réalise le mystère de la présence offerte dans la célébration eucharistique. Les exemples présentés ici, comme ceux qui sont donnés dans le numéro de mai-juin de la revue Célébrer, montrent que dans cette tension entre le spectaculaire et l’intime, le profane et le sacré, le renouvellement et la tradition, la liturgie est toujours première, avec son déploiement dans une ritualité qui seule permet cette ouverture à l’altérité radicale de Dieu. À se laisser guider par elle, des hommes et des femmes, liturges, artistes et techniciens, peuvent ensemble avec bonheur, rigueur et vigilance, délimiter l’espace, aménager le sanctuaire, organiser les déambulations, honorer les groupes présents, donner une belle visibilité au presbyterium, et ainsi vivre le silence de la communion autour du Seigneur et la joie d’une assemblée qui fait l’expérience d’être les pierres vivantes d’une Eglise présente au monde. Ces expériences « hors les murs » nous fondent et nous orientent. Elles jalonnent ponctuellement notre vie de chrétien dans un ressourcement libre et joyeux, mais elles ne peuvent s’enraciner dans la durée. Il nous faut de nouveau quitter ces cathédrales d’un jour pour retourner dans nos enceintes sacrées, renouvelés par cette initiative heureuse d’une rencontre de Dieu dans la banalité du monde. Alors nous pourrons élargir nos portes à ceux qui attendent un signe. Attentifs à leur histoire nous leur laisserons le temps de rester sur le seuil pour que mûrisse en eux le désir de la Présence. Et puissent des artistes, tel Janos Ber, habiller nos murs aux couleurs de gravité et d’allégresse pour manifester notre espérance.

Claire Mouly